Réponse du ministre de la Sécurité publique du Canada aux recommandations formulées dans le rapport annuel 2023-2024 du Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée

Avec l’entrée en vigueur du projet de loi C-83, la Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, le système correctionnel fédéral a subi une transformation rapide impliquant l’abolition de l’isolement préventif et l’introduction du modèle de l’Unité d’intervention structurée (UIS). Cela a nécessité une adaptation et une collaboration importantes pour opérationnaliser efficacement les UIS.

Dans le cadre de ce travail, en juillet 2021, Sécurité publique Canada (SP) a annoncé le rétablissement du Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée (le Comité), dont le mandat est de fournir des recommandations et des conseils non contraignants au commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC) et de faire rapport au ministre de la Sécurité publique sur son point de vue quant à savoir si les UIS sont mises en œuvre comme le prévoit la loi. Le mandat du Comité a par la suite été prolongé jusqu’au 31 décembre 2024, afin d’accorder plus de temps pour approfondir l’analyse dans des domaines clés.

SP et le SCC restent fermement attachés à la mise en œuvre réussie des UIS et apprécient le rôle du Comité dans le régime de l’UIS. Le troisième rapport annuel du Comité fournit un aperçu de la mise en œuvre des UIS dans les établissements correctionnels fédéraux.

En réponse aux recommandations contenues dans le rapport précédent du Comité, le SCC entreprend un projet de recherche visant à mieux comprendre les dynamiques opérationnelles et les conditions de confinement dans les établissements dotés d’UIS et s’appuie sur un plan d’action pour remédier à la surreprésentation dans les UIS des détenus noirs, autochtones ou ayant des besoins en santé mentale. Comme le rapport précédent du Comité a été publié relativement récemment – en mars 2024 – ces mesures sont toujours en cours et de plus amples détails seront publiés à l’automne 2024.

Nous nous réjouissons de la contribution et de la collaboration continues du Comité au cours des derniers mois de son mandat, alors que nous continuons à optimiser les opérations de l’UIS. SP et le SCC continuent de travailler à des solutions concrètes pour soutenir un système correctionnel fédéral durable qui soit sûr, humain et propice à la réadaptation et à la réinsertion.

Recommandations du CCMO

1. Le SCC doit être invité immédiatement à examiner la relation entre le fonctionnement des UIS et ses opérations globales.

Le personnel du SCC a souvent laissé entendre que le modèle de l’UIS avait eu des répercussions négatives sur les opérations correctionnelles de base et a également laissé entendre que les UIS étaient responsables de l’érosion des conditions de détention des détenus de la population générale. Il faut commencer immédiatement l’examen de ces enjeux. De plus, la portée étroite des UIS et de leur surveillance doit être élargie au-delà de l’endroit (le traitement des détenus dans les endroits identifiés comme des unités d’intervention structurée) pour englober la pratique (l’isolement cellulaire) qui peut avoir lieu n’importe où dans un établissement. Le fonctionnement des UIS ne peut être dissocié de celui des établissements du SCC en général. En réponse à cette recommandation, le SCC s’est engagé à effectuer un examen et à produire un rapport d’ici le 31 décembre 2024. À la demande du comité, Sécurité publique Canada a demandé au SCC de fournir le rapport avant le 30 septembre 2024. À ce jour, on n’a pas demandé au CCMO UIS de fournir des commentaires sur la portée de l’examen ni un aperçu du mandat de l’examen.

Réponse de SP/du SCC :

Bien que l’UIS d’un établissement et ses zones de population générale puissent avoir des exigences et des défis distincts, il est bien compris par SP et le SCC que ces zones ne fonctionnent pas de manière isolée les unes des autres. Alors que les UIS disposent de ressources dédiées, les deux zones partagent de nombreuses ressources et structures de direction au sein d’un établissement, et il est essentiel que le fonctionnement efficace de l’une ne nuise pas au fonctionnement efficace de l’autre. Il est également essentiel que le mandat conféré par la loi au SCC soit exécuté de manière égale pour les détenus transférés dans les UIS et pour ceux de la population générale. En effet, toutes les zones d’un établissement fédéral nécessitent les ressources, les politiques et le personnel appropriés pour fonctionner de manière sûre et efficace, pour maintenir un environnement et des conditions d’incarcération humains et propices à la réadaptation, et pour garantir un accès rapide aux interventions, aux services et aux programmes. À cette fin, le SCC entreprend actuellement des travaux pour examiner et mieux comprendre les dynamiques opérationnelles et les conditions de confinement dans les établissements dotés d’UIS.

Le SCC a chargé une équipe de chercheurs de réaliser un examen des réalités opérationnelles des UIS et de cerner les principaux défis et les pratiques prometteuses dans différents établissements. Entre mai et août, l’équipe de recherche a mené des recherches sur le terrain dans les UIS des établissements de l’Atlantique, Millhaven, Stony Mountain et Kent. Les chercheurs ont passé un temps considérable à chaque site, réalisant une multitude d’entretiens qualitatifs et observant à la fois les détenus et le personnel. Ils ont également passé de nombreuses heures à observer les routines quotidiennes et les procédures au sein de l’UIS, à différents moments de la semaine et de la fin de semaine. Dans ces établissements, l’équipe de recherche a bénéficié d’un niveau élevé d’engagement tant de la part des détenus que du personnel. En septembre 2024, le SCC partagera les conclusions préliminaires avec le CCMO, suivi d’un rapport final en décembre 2024, une fois que la recherche aura été finalisée. Le rapport final présentera des solutions ciblées et limitées dans le temps (à court, moyen et long terme) dans le cadre d'une approche évolutive globale et à multiples facettes.

2. Le SCC doit immédiatement élaborer et mettre en œuvre un plan visant à réduire le nombre élevé de détenus noirs, de détenus autochtones et de détenus ayant des problèmes de santé mentale qui sont transférés dans des UIS et à réduire la durée de leur séjour dans les UIS.

Il faut mettre en place des systèmes de surveillance pour s’assurer que ces groupes et des groupes analogues ne sont pas désavantagés par le SCC lorsqu’ils font l’objet de restrictions spéciales dans des UIS ou ailleurs. De façon plus générale, il est important de mettre en place des procédures pour surveiller le traitement de différents groupes (p. ex., les Noirs et les Autochtones) dans les UIS et ailleurs dans le système du SCC. Des procédures doivent être conçues pour déterminer si le traitement de ces groupes est différent de celui des autres groupes dans les pénitenciers du Canada. Les mesures prises doivent également empêcher l’isolement prolongé de ces détenus dans toute autre forme de détention restrictive. En réponse à cette recommandation, le ministre a demandé au SCC de fournir un plan d’action dans un délai de 90 jours et de rendre compte sur les progrès réalisés tous les 120 jours. Le comité a demandé que le plan d’action et les rapports d’étape subséquents soient communiqués. À ce jour, le comité n’a reçu ni le plan ni aucun rapport d’étape.Note de bas de page 1

Réponse de SP/SCC :

S’attaquer à la discrimination systémique et à la surreprésentation des Autochtones, des personnes noires et des personnes ayant des problèmes de santé mentale demeure une priorité principale pour le gouvernement du Canada, tant dans le système de justice pénale du Canada de manière générale que dans son système correctionnel. Pour leur part, tant SP que le SCC demeurent engagés à s’attaquer à la surreprésentation des groupes racialisés et marginalisés dans le système correctionnel fédéral par l’analyse continue et à la mise en œuvre d’initiatives stratégiques visant à traiter les causes profondes et à fournir des mesures pour remédier aux inégalités et défis. Le SCC continue de réviser ses programmes et interventions correctionnels culturellement pertinents afin de mieux cibler les besoins et les défis uniques auxquels font face les détenus autochtones et noirs. De plus, le Cadre et mesures de lutte du SCC contre le racisme visent à favoriser un environnement inclusif et équitable au sein des services correctionnels fédéraux, et son Cadre d’action ethnoculturel vise à soutenir les détenus ethnoculturels, y compris les groupes noirs et racialisés.

Plus précisément, le SCC développe également une Stratégie relative aux détenus noirs afin de répondre aux besoins des détenus noirs, qui sera disponible dans le Cadre et mesures de lutte du SCC contre le racisme. L’élaboration de la Stratégie se poursuit selon une approche par étapes, la première étape comprenant la compilation d’une liste d’initiatives, de projets pilotes, d’interventions, de services, de soutiens et d’activités en cours qui ont été mis en place par les régions et les sites et les liant aux lacunes et aux défis relevés par la recherche et les données du SCC. Un projet de la première étape de la Stratégie a maintenant été partagé pour consultation avec les différentes régions et secteurs ainsi qu’avec le Comité consultatif national ethnoculturel du SCC. Le processus de consultation initial devrait être terminé d’ici septembre 2024; une fois les commentaires reçus, des indicateurs seront élaborés pour permettre au SCC de surveiller les résultats des projets pilotes pour les détenus noirs.

Le SCC et SP partagent également les préoccupations du Comité concernant la surreprésentation des Autochtones dans les services correctionnels fédéraux et les UIS. Comme récemment indiquées dans les réponses de SP et du SCC aux recommandations formulées dans le rapport annuel 2022-2023 du CCMO des UIS, différentes initiatives sont en cours pour répondre à ces préoccupations. Ces initiatives ont inclus la nomination d’un sous-commissaire des Services correctionnels pour Autochtones au SCC, la création de centres d’intervention pour Autochtones, l’amélioration des programmes correctionnels adaptés à la culture pour les hommes autochtones et la formation du personnel, ainsi que le renforcement des partenariats avec les communautés autochtones. Le travail se poursuit sur les outils de classification de sécurité afin de s’assurer qu'ils sont culturellement adapté aux détenus autochtones.

Le SCC travaille à renforcer les services et les soutiens offerts aux détenus ayant des besoins en santé mentale. Ces efforts comprennent le renforcement des Soins de santé mentale intermédiaires et le lancement d’un examen complet des centres de traitement régionaux pour assurer des soins normalisés et de haute qualité, ainsi que l’amélioration de la coordination et de la gestion des détenus ayant des besoins complexes en matière de santé mentale en tenant compte du genre et de la sensibilité culturelle. De plus, reconnaissant la concomitance significative de la consommation de substances et des problèmes de santé mentale, le SCC examine ses services et ses soutiens en matière de consommation de substances, dans le but de faire progresser un continuum de soins plus complet et uniforme à l’échelle nationale d’ici à 2026. En outre, pour soutenir une population de détenu vieillissante, le SCC élabore un modèle de soins gériatriques complet, incluant la santé mentale, afin de favoriser le bien-être et l’autonomie des personnes âgées en détention fédérale.

Le SCC développe également une stratégie globale en matière de santé et de ressources humaines (SRH). Cet effort pluriannuelle élabora une stratégie prospective pour 2025-2030 ; et mettra l’accent sur le recrutement, l’orientation et le maintien en poste de professionnels de la santé autorisés afin d’améliorer la capacité des équipes de première ligne, y compris les professionnels de la santé mentale. Dans le cadre de la stratégie SRH, les services de santé s'engagent à constituer un effectif diversifié représentatif de la population qu'ils servent, reconnaissant que les délinquants autochtones et noirs bénéficient de l'accès à un personnel varié qui reflète et comprend leurs identités et leurs expériences vécues. La stratégie SRH 2025-2030 devrait être finalisée en avril 2025.

En outre, le SCC est en train d'élaborer un plan national complet de partenariats, qui permettra d'explorer, de créer et d'améliorer les partenariats avec les parties prenantes, les services de santé externes et d'autres organisations. Ce plan national permettra au SCC de faciliter l'accès à des soins de santé adaptés à la culture et centrés sur la personne pour les délinquants placées sous la garde du gouvernement fédéral.

Le plan national, qui devrait être finalisé d'ici mars 2025, mettra l'accent sur les partenariats dans les domaines suivants :

  1. Accès aux lits d'hôpitaux communautaires, y compris les lits légale.
  2. Services de soins de santé externes pour répondre à des besoins en matière de soins de santé.
  3. Des services post-libération pour assurer la continuité des soins.
  4. Engagement avec les partenaires de l'éducation et du développement professionnel.
  5. L'antiracisme, la diversité et l'inclusion.
  6. La surreprésentation des autochtones et des délinquants noirs condamnés à purger une peine dans un établissement correctionnel fédéral.

Les résultats escomptés du plan national sont notamment des partenariats, l'accent étant mis sur le soutien aux populations prioritaires telles que les Noirs, les populations autochtones et les personnes âgées en détention, ainsi qu'un outil de base de données de suivi normalisé permettant de suivre et de documenter les interactions avec les partenaires, à l'échelle nationale et régionale. Par exemple, les Services de santé du SCC collaborent avec le Centre de toxicomanie et de santé mentale pour tirer parti de leur expertise en matière de racisme anti-noir pour remédier aux disparités raciales dans les soins de santé et améliorer la prestation de services de santé mentale pour les délinquants noirs. Le SCC collabore également avec des leaders d’opinion en matière de santé mentale autochtone, comme la Thunderbird Partnership Foundation, pour améliorer les services de santé et de santé mentale destinés aux détenus autochtones, en s’appuyant sur des modèles de soins qui valorisent la culture et la connexion à la communauté.

Dans les 90 jours suivant la publication de la réponse au Rapport annuel 2022-2023 du CCMO, le SCC a soumis un plan d’action initial au ministre le 11 juin 2024. Conformément à l’engagement de fournir des mises à jour tous les 120 jours par la suite, le SCC travaille sur un rapport d’étape sur la mise en œuvre des solutions décrites dans le plan d’action, qui sera soumis au ministre d’ici le 9 octobre 2024. Ces mises à jour seront ensuite partagées avec le CCMO.

Bien que la surreprésentation des groupes racialisés et marginalisés soit une priorité pangouvernementale qui exige des solutions pangouvernementales, SP et le SCC sont déterminés à prendre les mesures nécessaires pour réduire les niveaux de surreprésentation dans l’ensemble du système correctionnel fédéral, y compris dans les transfèrements aux UIS.

3. Des procédures doivent être élaborées pour s’assurer que les décisions prises par les employés du SCC concernant des questions importantes liées aux UIS et à d’autres formes de déplacements restreints seront examinées rapidement par une personne qui est vraiment indépendante du SCC. Cela commencerait par la prise de la première décision de placer un détenu dans une UIS.

À l’heure actuelle, par exemple, une décision concernant le placement et le maintien d’une personne dans une UIS n’a pas à être examinée par une personne externe tant que le détenu n’a pas passé environ 90 jours dans l’unité. Avant cette date, les examens sont effectués par des employés du SCC qui relèvent exclusivement du SCC et dont l’emploi et les perspectives d’emploi concernent principalement le SCC.

La décision de placer un détenu dans une UIS est importante et peut avoir des répercussions durables non seulement sur la santé mentale du détenu, mais aussi sur le traitement ultérieur dans les pénitenciers du SCC (par exemple, le classement, le placement en établissement, etc.). Il faut élaborer les détails sur la façon dont ces examens indépendants peuvent se dérouler de façon efficiente et efficace. Ce qui est très clair, c’est qu’il y a un besoin.

Aucun engagement précis n’a été pris pour donner suite à cette recommandation dans la réponse de l’an dernier.

Réponse de SP/du SCC :

En ce qui concerne la rapidité et l’efficacité de la surveillance indépendante de manière plus générale, il est important de souligner que les examens par les décideurs externes indépendants (DEI) de la décision initiale de transfèrement après 90 jours ne représentent qu’une des nombreuses garanties en place pour assurer la surveillance interne et externe des transfèrements et des conditions d’incarcération de l’UIS. Pris dans son ensemble, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) et le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC) utilisent plusieurs mécanismes de surveillance conçus pour équilibrer efficacement la garde sécuritaire et humaine des détenus fédéraux, y compris leur santé et leur accès aux services et interventions, avec la sécurité des autres détenus et du personnel correctionnel. Non seulement la durée du transfèrement d’un détenu vers une UIS peut entraîner un examen par un DEI, mais des examens peuvent également être déclenchés par les conditions d’incarcération d’un détenu et des considérations en matière de soins de santé. Par exemple, un examen est déclenché si un détenu n’a pas bénéficié d’un minimum de quatre heures par jour à l’extérieur de sa cellule, et d’au moins deux heures d’interaction avec d’autres, pendant cinq jours consécutifs, ou 15 jours cumulatifs au cours d’une période de 30 jours. De plus, les professionnels de la santé agréés employés ou engagés par le SCC veillent à protéger la santé physique et mentale des détenus et peuvent formuler des recommandations pour modifier les conditions d’incarcération ou demander le retrait d’une UIS en fonction de la santé d’un détenu. Les professionnels de la santé maintiennent leur indépendance clinique et se conforment aux normes professionnellement acceptées.

SP s’engage à assurer l’efficacité de la surveillance effectué par les DEI dans le cadre du modèle d’UIS et la rapidité de leurs examens et décisions. Les DEI jouent un rôle de sauvegarde essentiel; et il y a un avantage évident à soutenir continuellement les activités des DEI et à rechercher des opportunités pour améliorer et rationaliser le processus d’examen indépendant. À cette fin, SP et le SCC ont offert aux DEI une formation à la rédaction des décisions dispensée par le Conseil des tribunaux administratifs canadiens et un prestataire de services professionnels – une autorité respectée en matière de prise de décisions administratives. L’objectif des séances de formation était de leur fournir des conseils indépendants de haute qualité sur la manière de produire efficacement des décisions solides et concises qui résisteront à l’examen, se conformeront aux principes de la justice administrative et seront clairement et facilement interprétées par les détenus et le personnel correctionnel. Cela visait à promouvoir une plus grande cohérence dans la rédaction des décisions des DEI et à permettre une mise en œuvre rapide des décisions de DEI. SP et le SCC continueront d’explorer d’autres moyens pour mieux soutenir le travail important réalisé par les DEI et renforcer leur rôle de surveillance.

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