Ingérence étrangère

Date : 24 mars 2021
Classification : NON CLASSIFIÉ
Entièrement publiable (AIPRP)? Oui
Secteur / Organisme : SSCN/SP

Réponse proposée :

Contexte

Le 24 mars 2021, le Globe and Mail a publié un rapport dans lequel un porte-parole de Sécurité publique affirmait que, en 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a procédé au renvoi de huit personnes jugées interdites de territoire pour motif de sécurité. Le rapport ne précise pas les pays d’origine des ressortissants étrangers expulsés du Canada, mais parmi les motifs possibles de renvoi à des fins de sécurité, notons l’espionnage, la subversion, le terrorisme ou l’appartenance à un groupe impliqué dans de telles activités.

Le processus de renvoi joue un rôle déterminant dans le système canadien d’immigration et de détermination du statut de réfugié. Le renvoi d’une personne du Canada emprunte une série complexe de processus et de mécanismes de recours qui garantit à un ressortissant étranger l’application régulière de la loi. Ce n’est qu’une fois tous ces recours épuisés que l’ASFC peut procéder à un renvoi.

Rrocessus de renvoi

Année civile

Cas relatifs à la sécurité
Article 34 de la LIPR

2001

11

2002

6

2003

7

2004

4

2005

3

2006

4

2007

1

2008

7

2009

3

2010

5

2011

8

2012

6

2013

12

2014

9

2015

6

2016

4

2017

5

2018

6

2019

14

2020

8

Total

129

L’ingérence étrangère s’entend d’une activité hostile volontairement secrète, malveillante, clandestine et trompeuse entreprise par un État étranger. Elle peut se traduire par des menaces, du harcèlement et de l’intimidation, et viser des Canadiens ou des résidents du Canada, ou encore des institutions canadiennes, dans le but de favoriser des intérêts stratégiques contraires à nos valeurs et intérêts nationaux.

Dans le cadre de son mandat qui consiste à enquêter sur les menaces à la sécurité du Canada, le SCRS a vu de multiples cas d’États ciblant des institutions et collectivités canadiennes. La portée des activités potentielles d’ingérence étrangère peut être vaste et englober toute une gamme de techniques que connaissent bien les organismes du renseignement. Ces techniques comprennent les opérations de renseignement humain, le recours à des médias financés par l’État ou influencés par l’étranger, et l’utilisation d’outils numériques perfectionnés.

Plusieurs rapports signalent la menace d’ingérence étrangère au Canada. Selon le Rapport public du SCRS de 2019 publié le 20 mai 2020, par exemple, les activités d’espionnage et influencées par l’étranger servent presque toujours les intérêts d’un État étranger, par l’intermédiaire d’entités étatiques ou non. Ces activités visent des entités canadiennes, tant au pays qu’à l’étranger, et menacent directement la sécurité nationale et les intérêts stratégiques du Canada. Devenus des cibles pour les acteurs internationaux, les institutions et processus démocratiques du monde entier – y compris les élections – sont vulnérables. De plus, le Rapport annuel du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) de 2019 décrit les activités d’ingérence étrangère, comme le ciblage des institutions canadiennes par des auteurs de menace. Le rapport du CPSNR (2019) souligne que la Chine et la Russie sont particulièrement actives au Canada, et il recommande au Canada des moyens de raffermir sa réponse à la menace d’ingérence étrangère.

La lettre ouverte dans laquelle vous exposez aux membres du Parlement la menace que fait peser l’ingérence étrangère, ainsi que les mesures prises par le gouvernement pour y remédier, a été envoyée le 18 décembre 2020 en réponse à la motion déposée à la Chambre des communes par Michael Chong (Wellington—Halton Hills). Cette motion adoptée le 18 novembre 2020 se lit comme suit : Que, étant donné (i) que la République populaire de Chine, qui est dirigée par le Parti communiste chinois, menace les intérêts nationaux du Canada et les valeurs de la population canadienne, y compris les Canadiens d’origine chinoise en territoire canadien, (ii) qu'il est essentiel que le Canada se dote d’une politique étrangère rigoureuse et fondée sur des principes appuyée par des actions de concert avec ses alliés, la Chambre demande au gouvernement : a) de prendre une décision au sujet de l'implication de Huawei dans le réseau 5G du Canada dans les 30 jours suivant l’adoption de la présente motion; b) d'élaborer un plan robuste, comme l'a fait l'Australie, pour lutter contre l’ingérence de plus en plus forte de la Chine au Canada et l’intimidation sans cesse croissante des Canadiens vivant au Canada, et de le présenter dans les 30 jours suivant l’adoption de la présente motion.

Menaces à la démocratie

Le Canada a constaté la manipulation d’informations parrainées par des États et utilisées par certains régimes pour remodeler ou saper l’ordre international fondé sur des règles. Ces États manipulent l’information et ont notamment recours à la désinformation pour semer le doute sur les origines du virus et les moyens nécessaires pour le contrer. En outre, ils discréditent les réponses démocratiques à la COVID-19 tout en faisant passer les leurs pour supérieures, et érodent la confiance dans les valeurs de la démocratie et des droits de la personne.

Il importe de signaler que la désinformation, qui provient de partout dans le monde, peut avoir de graves conséquences, comme menacer la sécurité des Canadiens, éroder la confiance dans nos institutions démocratiques et embrouiller les politiques et avis du gouvernement, y compris les renseignements sur la pandémie de COVID‑19. Les campagnes de désinformation parrainées par des États fournissent un exemple d’ingérence étrangère.

Cherchant à contrer l’ingérence étrangère dans les élections fédérales de 2019, le gouvernement a mis sur pied le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (MSRE), lequel est formé de représentants officiels du CST, du SCRS, de la GRC et d’AMC. En tant que membres de ce groupe de travail, le SCRS a contribué à la sensibilisation aux menaces d’ingérence étrangère dans les élections fédérales de 2019, et d’évaluation de ces menaces, et la GRC a mis à contribution son expertise en matière d’exécution de la loi. Le Groupe de travail sur les MSRE poursuit ses activités après les élections fédérales de 2019, car les menaces pesant sur les institutions démocratiques, telles que l’ingérence étrangère et la désinformation, n’ont pas diminué.

Les responsables de la sécurité et du renseignement au gouvernement du Canada luttent contre ces menaces dans les limites de leurs mandats respectifs. Le SCRS travaille de près avec d’autres partenaires gouvernementaux, à l’intérieur et à l’extérieur du milieu de la sécurité et du renseignement, pour contrer les activités d’ingérence clandestines, trompeuses ou menaçantes qui risquent de nuire considérablement à nos institutions et processus démocratiques. À titre d’exemple, le SCRS mène des enquêtes de longue haleine sur des activités de menace d’ingérence étrangère visant les processus et institutions démocratiques au Canada. Il fournit aux hauts dirigeants du gouvernement des renseignements et des analyses qui leur permettent de prendre des décisions éclairées afin de répondre à ces menaces et d’établir des politiques à cette fin. Par ailleurs, son large mandat à multiples facettes permet à la GRC d’enquêter sur l’ingérence étrangère et de la prévenir en invoquant différentes lois.

La manipulation de l’information, surtout la désinformation, a fait l’objet d’une collaboration internationale aux fins de la COVID-19. Le Canada a discuté de la menace et des interventions possibles dans le cadre de divers engagements et forums bilatéraux et multilatéraux. À titre d'exemple, le Mécanisme de réponse rapide du G7 a permis le partage de renseignements et d’évaluations en temps réel, ainsi que la coordination des stratégies de lutte contre la désinformation liée à la COVID-19. Vous représentez le Canada à la Réunion ministérielle des cinq pays, un forum annuel où les ministres de la Sécurité des pays du Groupe des cinq discutent des possibilités de collaboration et de mise en commun de renseignements sur divers problèmes de sécurité nationale, y compris l’ingérence étrangère. Ces discussions permettent souvent la mise en commun d’approches respectives à des problèmes communs et la coordination d’interventions uniformes par le Groupe des cinq.

Menaces aux collectivités

La République populaire de Chine et d’autres États tentent régulièrement de menacer et d’intimider des gens à l’échelle de la planète, par le biais de diverses entités étatiques et mandataires non étatiques. Ces États combinent parfois leurs services du renseignement et de la sécurité et font appel à des mandataires de confiance pour mener leurs activités d’ingérence en sol canadien.

Même si les États tentent de menacer et d’intimider des gens dans le but de lutter contre la corruption et de traduire des criminels en justice, ces tactiques peuvent aussi servir à museler la dissidence, à exercer des pressions sur des adversaires politiques et à semer une crainte généralisée à l’égard du pouvoir de l’État, peu importe où une personne se trouve.

Lorsque des États étrangers ciblent des membres des collectivités canadiennes, ces membres – pour diverses raisons – n’ont pas toujours les moyens de se protéger ou ignorent qu’ils peuvent se tourner vers les autorités canadiennes. La crainte d’une vengeance appuyée par l’État ou liée à l’État contre eux et leurs proches, que ce soit au Canada ou à l’étranger, les force parfois à se soumettre à l’ingérence étrangère.

Ces activités menacent la souveraineté du Canada et la sécurité des Canadiens. S’il est informé d’allégations d’ingérence étrangère, le SCRS utilise tous les pouvoirs que lui procure la Loi sur le SCRS pour enquêter, conseiller et intervenir à la suite d’une menace, de concert avec les organismes d’exécution de la loi, afin de protéger les Canadiens contre les préjudices et l’intimidation. Par ailleurs, la GRC enquête sur les activités criminelles liées à la sécurité nationale qui sont signalées aux organismes d’exécution de la loi.

Menaces au secteur de l’économie et de la recherche

Nous savons que certains gouvernements et leurs mandataires sont prêts à utiliser des moyens illicites pour obtenir des biens et des technologies servant leurs intérêts. Ces mandataires peuvent être des entreprises publiques, des institutions universitaires, des organisations professionnelles ou d’autres entités qui ne sont pas considérées comme faisant partie de l’État lui-même, mais qui peuvent néanmoins servir ses intérêts.

Depuis 2016, grâce à l’initiative Science en sécurité menée par Sécurité publique Canada en partenariat avec 10 ministères fédéraux, les universités canadiennes, les laboratoires fédéraux et les organismes de sécurité sont directement mobilisés en vue de contrer les risques d'ingérence étrangère. Cette initiative a pour but de sensibiliser les milieux canadiens de la recherche aux risques de prolifération; aux technologies à double usage; à la sécurité des travaux de recherche; à la cybersécurité. L’initiative fournit aux participants des renseignements sur les outils servant à reconnaître et à atténuer les risques auxquels font face les institutions canadiennes, notamment ceux liés à leurs activités de recherche et de développement. Jusqu’ici, l’initiative Science en sécurité a été présentée à 34 établissements et 16 laboratoires fédéraux de tout le pays. Des efforts sont actuellement déployés pour produire d’autres outils et directives à l’intention du milieu de la recherche, de même que d’autres ateliers dispensés aux quatre coins du pays, dans le secteur privé et avec des partenaires provinciaux et territoriaux.

De plus, Sécurité publique Canada a instauré une communauté de pratique fédérale, provinciale et territoriale sur les menaces à la sécurité nationale de nature économique, dans le but d’amener les représentants clés de ces administrations à discuter ensemble des menaces à la sécurité nationale qui résultent des activités économiques. Cela comprend les menaces découlant de l’investissement direct étranger, du commerce, des exportations et du transfert ou de l’acquisition de propriété intellectuelle, de connaissances, et de droits et licences canadiens.

La pandémie de COVID-19 a fourni aux auteurs de menaces étrangères des occasions uniques de faire progresser leurs objectifs, au détriment de l’intérêt national du Canada. Les répercussions des menaces économiques à la sécurité nationale, dont le vol de propriété intellectuelle, et des menaces à la chaîne d’approvisionnement du Canada soulèvent des préoccupations constantes en matière de sécurité nationale.  Pour protéger les secteurs qui sont essentiels à la réponse du Canada à la COVID-19, le SCRS a lancé une opération afin de les sensibiliser à la menace que pourraient représenter l’ingérence et l’espionnage étrangers. Ces secteurs comprennent l’industrie biopharmaceutique, les soins de santé, les chaînes d’approvisionnement et la recherche et le développement. L’été dernier, par exemple, le SCRS a présenté les menaces liées à l’ingérence et l’espionnage étrangers à BIOTech Canada, une association représentant le secteur biopharmaceutique du Canada.

Le 14 septembre 2020, les ministres d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, de la Sécurité publique et de la Santé ont publié une déclaration encourageant tous les membres du milieu de la recherche à prendre des précautions supplémentaires pour protéger la recherche, la propriété intellectuelle et les connaissances liées à la COVID‑19. La déclaration confirme qu'il est essentiel de préserver la recherche entreprise au Canada, par des Canadiens, avec un financement canadien, afin de protéger l’intégrité de notre écosystème de recherche, notre compétitivité et notre prospérité économique à long terme. La déclaration mentionne aussi que le gouvernement a demandé aux organismes fédéraux de financement de la recherche d’examiner leurs politiques et processus de sécurité, puis de faire connaître les pratiques exemplaires et outils à leur disposition. Le gouvernement a aussi lancé le portail Protégez votre recherche à la même date pour soutenir le milieu canadien de la recherche. Le portail propose aux chercheurs des renseignements, des pratiques exemplaires et des outils qui les aident à cerner et à atténuer les éventuels risques pour la sécurité de leurs travaux.

Enfin, dans le contexte économique actuel façonné par la COVID-19, le gouvernement du Canada surveille de plus près tous les investissements étrangers directs, contrôlés ou non, dans les entreprises canadiennes qui sont cruciales pour la santé publique et pour la sécurité de l’approvisionnement en biens et en services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement du Canada. À l’heure actuelle, le gouvernement du Canada s’appuie sur les dispositions de la Loi sur Investissement Canada (LIC) relatives à la sécurité nationale pour examiner minutieusement tous les investissements étrangers effectués par des entreprises d’État ou par des investisseurs privés considérés comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers ou répondant à leurs directives. Le SCRS est un organisme d’enquête prévu par le règlement, en vertu des dispositions relatives à la sécurité nationale de la LIC, et il enquête sur les préoccupations de sécurité nationale découlant d’investissements étrangers. Avec des partenaires, le SCRS dispense des conseils à l’appui de ce processus. La GRC participe également au processus d’examen des investissements étrangers prescrit par la LIC, aux fins de la sécurité nationale, afin d’offrir le point de vue d’un organisme d’exécution de la loi et d’évaluer les liens criminels possibles avec certains projets d’investissement étranger. Le processus peut entraîner une ordonnance de dessaisissement du gouverneur en conseil ou des mesures d’atténuation des investissements préjudiciables à la sécurité nationale du Canada. Le rapport annuel de 2018‑2019 sur la LIC indique qu’au cours des quatre exercices compris entre 2015‑2016 et 2018‑2019, le gouverneur en conseil a produit huit décrets finaux en vertu du paragraphe 25.4, soit six décrets bloquant l’investisseur étranger ou lui ordonnant de se départir de son investissement, et deux imposant des mesures de protection de la sécurité nationale, mais autorisant les investissements concernés.

Personnes-ressources :

Préparé par : DGOSN
Approuvé par : Dominic Rochon, sous-ministre adjoint principal, Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale, 613-990-4976

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