Recours devant la Cour suprême du Canada concernant l’isolement préventif

Date : 27 avril 2020

Classification : Non classifié

Secteur/agence : SCC

Question :

Le gouvernement a décidé de ne pas poursuivre les recours devant la Cour suprême du Canada dans les contestations judiciaires de la BCCLA et de l’ACLC concernant l’isolement préventif.

Réponse suggérée :

Contexte

Contestations constitutionnelles concernant l’isolement préventif

En 2015, le gouvernement a reçu deux contestations constitutionnelles (appelées « BCCLA » et « ACLC ») concernant le régime législatif fédéral de l’isolement préventif en application de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC).  

En décembre 2017 et en janvier 2018, les tribunaux ont publié les décisions de l’ACLC et de la BCCLA, constatant des violations de la Charte et déclarant la législation invalide.

La Cour d’appel de l’Ontario (CAO) a rendu sa décision dans l’affaire ACLC le 28 mars 2019. La Cour a conclu que l’isolement préventif de plus de 15 jours consécutifs (isolement préventif prolongé) tel qu’il était prévu aux articles 31 à 37 de la LSCMLC contrevenait à l’article 12 de la Charte, mais que la violation aux termes de l’article 1 ne pouvait être justifiée. La Cour a déclaré ces articles invalides en raison de cette atteinte aux droits et a suspendu sa déclaration pour 15 jours. Conformément à l’ordonnance de la CAO ratifiée le 6 juin 2019, la prolongation de la suspension de la déclaration d’invalidité constitutionnelle (conditionnelle à la mise en œuvre par le Service correctionnel du Canada (SCC) d’un examen indépendant des placements en isolement au 5e jour) devait expirer le 18 juin 2019.

Le 9 avril 2019, le Canada a demandé l’autorisation de porter la décision de la CAO du 28 mars 2019 devant la Cour suprême du Canada (CSC). Le 17 juin 2019, la CSC a accordé au Canada une prolongation provisoire de la suspension de la déclaration d’invalidité constitutionnelle des articles 31 à 37 de la LSCMLC. La CSC a également accordé un sursis provisoire à la condition de la CAO que la prolongation soit accordée après la mise en œuvre d’un examen indépendant au cinquième jour.

Le 24 juin 2019, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (CACB) a confirmé le jugement du tribunal de première instance selon lequel les dispositions de la LSCMLC relatives à l’isolement préventif contrevenaient à l’article 7 de la Charte puisqu’elles autorisaient l’isolement préventif prolongé et à durée indéterminée et n’exigeaient pas un réexamen externe au cinquième jour ouvrable. La CACB a déclaré ceci : 1) que le SCC a contrevenu à ses obligations réglementaires de veiller à ce que les détenus placés en isolement préventif aient une possibilité raisonnable de retenir les services d’un avocat et de lui donner des instructions; et 2) que les détenus peuvent être représentés par un avocat aux audiences de réexamen des cas d’isolement. La CACB n’a pas souscrit à la conclusion du tribunal de première instance selon laquelle les dispositions contestées contrevenaient à l’article 15 de la Charte pour les détenus autochtones ou les détenus atteints de maladie mentale ou handicapés. Elle a déclaré que le SCC avait manqué à ses obligations réglementaires de tenir dûment compte des besoins en matière de soins de santé des détenus atteints d’une maladie mentale ou handicapés avant de placer ou de confirmer le placement de ces détenus en isolement préventif. Le 23 septembre 2019, le Canada a interjeté appel de la décision de la CACB devant la CSC.  

Le 13 février 2020, la CSC a accordé l’autorisation d’interjeter appel des décisions relatives à l’ACLC et à la BCCLA et a ordonné que les deux causes soient entendues ensemble.

Le 21 avril 2020, le PGC a déposé un avis de désistement auprès de la CSC concernant les affaires de la BCCLA et de l’ACLC.  

Recours collectifs concernant l’isolement préventif

De plus, il y a actuellement trois recours collectifs certifiés visant à obtenir des dommages-intérêts relativement à l’isolement préventif : Brazeau, Gallone et Reddock.

Brazeau et Reddock sont des recours collectifs nationaux certifiés intentés par des détenus placés en isolement préventif. Le recours Brazeau est composé de détenus atteints d’une maladie mentale grave, avec une déficience importante, placés en isolement préventif entre le 20 juillet 2009 et le 25 mars 2019. Entre 1 460 et 2 000 délinquants sont inscrits au recours collectif Brazeau. Un examen plus détaillé du dossier est requis pour déterminer le nombre exact de détenus inscrits au recours. Le recours collectif Reddock est composé de tous les autres détenus placés en isolement préventif pendant 15 jours ou plus entre le 3 mars 2011 et le 29 août 2019. En juin 2019, on comptait 8 963 délinquants inscrits au recours collectif Reddock. Les deux recours collectifs excluent les membres d’un troisième recours collectif certifié, connu sous le nom de Gallon, qui conteste également le recours à l’isolement préventif dans les établissements fédéraux au Québec. Environ 3 777 délinquants sont inscrits au recours collectif Gallone. Le recours collectif Gallone n’a pas progressé aussi loin que les recours collectifs Brazeau et Reddock et aucune date de procès n’a été fixée.

Le recours collectif Brazeau est un recours intenté par des détenus atteints de troubles mentaux graves, qui ont été placés en isolement préventif dans les établissements correctionnels fédéraux. Le recours collectif Reddock est un recours intenté par tous les autres détenus qui ont été placés en isolement préventif pendant 15 jours ou plus.

Dans les affaires Brazeau et Reddock, le juge saisi de la requête a rendu un jugement sommaire en faveur des membres des recours, estimant que des dommages-intérêts étaient justifiés puisque les droits des membres en vertu des articles 7 et 12 de la Charte avaient été violés. Dans l’affaire Reddock, des allégations de négligence ont également été soulevées. Le juge saisi de la requête a donné raison aux plaignants et a conclu que le SCC a fait preuve de négligence. Toutefois, les dommages et intérêts accordés s’appliquaient à la fois à la plainte pour négligence et aux violations de la Charte

Le Canada a interjeté appel des décisions Brazeau et Reddock et, dans les deux affaires, la Cour d’appel a conclu que les constatations du tribunal inférieur, selon lesquelles les droits garantis par les articles 7 et 12 de la Charte ont été violés, étaient étayées par des éléments de preuve et appuyées par la jurisprudence (ACLC). La Cour a conclu que la responsabilité du Canada à l’égard des dommages et intérêts prévus par la Charte n’était pas compensée par une bonne gouvernance compte tenu qu’il y avait clairement eu un mépris des droits conférés par la Charte, puisque le SCC avait omis de modifier ses pratiques en matière d’isolement préventif face aux critiques de plus en plus nombreuses.    

Dans l’affaire Brazeau, l’appel interjeté par le Canada a été accueilli en ce qui a trait aux dommages et intérêts cumulés accordés. La Cour a conclu que l’ordonnance du tribunal inférieur selon laquelle 20 millions de dollars devaient être versés en dommages et intérêts « sous forme de ressources supplémentaires en matière de santé mentale ou de programmes pour l’apport de changements structuraux aux établissements carcéraux, selon que le tribunal l’ordonne par voie d’une nouvelle requête » constituait un contrôle judiciaire non justifié sur une institution publique. Compte tenu de la gravité de cette erreur de droit, la Cour a rejeté l’indemnisation de 20 millions de dollars, et a renvoyé la question des dommages et intérêts au tribunal inférieur afin qu’il établisse un nouveau montant.

Dans l’affaire Reddock, l’appel interjeté par le Canada a été accueilli en ce qui a trait à la responsabilité liée à la négligence. La Cour a convenu que le tribunal inférieur avait commis une erreur dans son analyse du devoir de diligence concernant la négligence systémique. Cependant, la Cour a conclu que les dommages et intérêts accordés pour négligence étaient viables en tant que dommages et intérêts au titre de la Charte. La décision du tribunal inférieur concernant les 20 millions de dollars en dommages et intérêts devant être versés par le Canada a été maintenue.

Comme l’appel interjeté par le Canada n’a été accueilli qu’en partie, la Cour a accordé aux plaignants (Brazeau et Reddock) un montant de 75 017,31 $ incluant les débours et les taxes.

Le Canada ne demandera pas l’autorisation de faire appel de cette décision à la Cour suprême du Canada.

Personnes-ressources :

Préparée par : Jessica Martineau, agente, Relations parlementaires, 613-943-1726

Approuvée par : Kirstan Gagnon, commissaire adjointe, Communications et engagement, 613-995-6867

Date de modification :