Youth At Risk Development
ISSN : 978-1-100-98966-2
L'épreuve des faits : sommaires d'évaluation 2012-SE-28
1. IntroductionFootnote 1
Pour donner suite aux préoccupations croissantes liées à la violence des gangs, des actions de prévention à l'intention des jeunes à risque élevé et des jeunes participant aux activités des gangs ont été mises en oeuvre dans le cadre du programme Youth At Risk Development (YARD) à Calgary, en Alberta.
Entre 2002 et le moment où une demande de financement par le Centre national de prévention du crime (CNPC) a été présentée, une augmentation des activités criminelles liées aux gangs a été observée à Calgary. Il y a eu notamment 14 homicides liés aux gangs, 31 fusillades au volant d'une voiture, 3 cas de personnes poignardées et 3 cas de séquestration. Le service de police de Calgary surveillait également 300 membres de gangs qui étaient répartis au sein de huit à dix groupes criminels.
Les membres de gangs de Calgary étaient principalement des hommes au début de la vingtaine, mais certaines femmes étaient aussi affiliées aux gangs. Les renseignements recueillis au sujet des gangs indiquent que les membres des gangs portent souvent des armes et participent au trafic d'armes de poing véritables et modifiées, ainsi que de répliques d'armes de poing. Ils étaient aussi presque exclusivement impliqués dans le trafic de stupéfiants et étaient considérés comme des joueurs clés du réseau de distribution de drogues de Calgary.
Les gangs de rue de Calgary ne reposaient généralement pas sur l'origine ethnique ou la zone géographique, mais représentaient un large éventail de nationalités et d'ethnicités. Leurs diverses activités pouvaient avoir des répercussions sur la sécurité publique. L'enquête auprès des citoyens réalisée en 2005 par le service de police de Calgary auprès de presque 2 000 habitants de la ville a révélé que les activités illégales des gangs se classaient au premier rang des « problèmes les plus importants du service de police ». En effet, plus de 43 % des personnes interrogées ont indiqué qu'il s'agissait du problème le plus critique pour le service de police.
Les gangs ont aussi été décrits comme étant la troisième préoccupation de sécurité en importance pour les parents et les élèves dans les écoles. En 2005, le service de police de Calgary a organisé une série de groupes de discussion dans des écoles primaires, des écoles secondaires de premier cycle et des écoles secondaires de deuxième cycle locales. Les activités des gangs étaient le « problème de sécurité dans les écoles » le plus souvent relevé, suivi par la drogue et l'intimidation.
Au moyen du Fonds de lutte contre les activités des gangs de jeunes (FLAGJ), le CNPC a fourni un financement de 1 004 309 $ à la Youth Education and Intervention Unit de la Community and Youth Services Section (CYSS) du service de police de Calgary afin de mettre en oeuvre le programme YARD. Le financement du CNPC est entré en vigueur le 1er février 2008 et a pris fin le 31 mars 2011.
2. Description du programme
Le programme YARD est offert dans toute la ville et est principalement axé sur la prévention et l'intervention. Il vise à s'attaquer aux racines de la participation aux activités des gangs en mettant l'accent sur le développement social et la réadaptation. À cette fin, le programme YARD visait à :
- Réduire les attitudes et les croyances antisociales des jeunes
- Améliorer les compétences en résolution de problèmes et en maîtrise de la colère
- Réduire la fréquentation de pairs antisociaux ainsi que les attitudes positives envers les gangs
- Améliorer la fréquentation et les résultats scolaires
- Améliorer les attitudes liées à l'emploi
- Augmenter la participation à des activités pro-sociales
- Améliorer les relations familiales et les relations avec des adultes fournissant du soutien
- Réduire la toxicomanie
- Réduire les activités criminelles
Le programme comprenait les activités de base suivantes :
Évaluation individuelle
Les jeunes étaient sélectionnés pour participer au programme YARD dans le cadre d'un processus d'admission et d'évaluation. L'admissibilité des jeunes était déterminée selon une combinaison de recommandations, du jugement professionnel des employés et du Youth Primary Identification Tool, qui classe les jeunes dans une des trois catégories de risque, soit faible, moyen ou élevé.
Gestion de cas
En fonction de l'évaluation du jeune et de sa situation, le participant, sa famille et le personnel élaboraient un plan de gestion du cas individuel axé sur le renforcement des facteurs de protection et la réduction des facteurs de risque. La gestion de cas s'est poursuivie tout au long de la participation du jeune au programme YARD et comprenait la surveillance des progrès du participant, ainsi que la réévaluation et la modification de la prestation de services, au besoin.
Contact direct avec l'équipe responsable du programme YARD
Les employés du programme YARD procédaient aussi à des interventions directes en agissant en tant que mentors et en fournissant un soutien direct dans le cadre de leurs interactions avec les jeunes et les parents. Le programme comportait deux équipes formées d'un policier et d'un travailleur social. Les équipes travaillaient auprès des jeunes afin de les empêcher d'adopter le style de vie associé aux gangs.
Aiguillage
En plus de la gestion de cas et des contacts directs fournis par l'équipe responsable du programme YARD, les responsables du programme suggéraient des aiguillages afin de répondre aux besoins de chaque participant. Les jeunes étaient aiguillés vers une variété de ressources communautaires, notamment des programmes éducatifs, des programmes de formation et d'emploi, des programmes de leadership, des services de counseling et des activités récréatives.
Services de soutien aux parents
Le programme visait aussi à faire participer les familles des participants en leur fournissant du soutien, plus particulièrement en les écoutant, en leur recommandant des services tels que du counseling familial ou du counseling pour les parents et en leur fournissant de l'aide pour l'achat de produits de première nécessité comme de la nourriture et des vêtements.
Bien que, au départ, le programme YARD devait employer une approche globale, cette approche a évolué et est devenue un modèle hybride de gestion de cas doté de caractéristiques d'une approche globale. Conformément à un modèle de gestion de cas, le programme YARD fournissait une évaluation des risques et des besoins, ainsi qu'une planification de cas exhaustive. La gestion de cas se poursuivait tout au long de la participation des jeunes au programme YARD. Elle comprenait la surveillance des progrès des participants ainsi que la réévaluation et la modification de la prestation de services, au besoin. Les responsables du programme YARD dirigeaient aussi les parents qui en avaient besoin et qui le souhaitaient vers des ressources appropriées.
Les caractéristiques du programme YARD diffèrent de certaines des caractéristiques traditionnelles de l'approche globale. Bien que le programme permettait de travailler en collaboration avec les parents et d'autres ressources de soutien afin d'élaborer, de mettre en oeuvre et de surveiller le plan de gestion du cas, il ne comportait pas d'équipe globale déterminée dont les membres se rencontraient régulièrement afin d'examiner le plan de gestion du cas et les progrès réalisés par le jeune. Une approche fondée sur la conférence de cas était plutôt utilisée. Elle comportait la participation du jeune, de la famille, des responsables du programme YARD et d'autres ressources de soutien, par exemple des employés de l'école, des agents de probation et des conseillers, étant donné que la nature chronophage de l'approche globale était considérée comme étant trop coûteuse et aurait diminué le nombre de jeunes que le programme YARD pouvait aider.
Participants au programme
Le programme YARD ciblait principalement des jeunes âgés de 10 à 17 ans qui participaient aux activités des gangs ou qui risquaient d'y participer. Il n'était pas nécessaire que les jeunes aient des démêlés avec le système de justice pénale ou aient commis une infraction criminelle pour qu'ils puissent participer au programme.
Entre le 22 avril 2008 et le 31 décembre 2010, 82 jeunes ont été admis au sein du programme YARD. De ce nombre, seulement 71 ont consenti à participer à l'étude d'évaluation. L'âge moyen lors de l'admission au programme était de 14,3 ans. La plupart des participants étaient nés au Canada (78 %), et la grande majorité d'entre eux étaient de sexe masculin (96 %). Près de la moitié des participants étaient Caucasiens (43 %), alors que 16 % et 10 % respectivement étaient des Africains et des Autochtones. Près des trois quarts (73 %) des personnes interrogées ont indiqué que l'anglais était leur langue maternelle.
La majorité des participants avaient déjà été en contact avec des membres de gangs au moment de leur admission au programme. Selon 78 % des participants, des gangs étaient présents dans leur collectivité, et 73 % avaient des amis ou des fréquentations qui participaient aux activités des gangs. Un peu plus de la moitié des participants (57 %) fréquentaient des écoles où un ou plusieurs gangs étaient présents. Un faible pourcentage des participants (17 %) portait l'insigne d'un gang. Les parents de cinq participants étaient membres d'un gang, et cinq participants avaient également des frères ou des soeurs qui étaient membres d'un gang.
Lorsqu'on a associé les facteurs de risque afin de créer une variable « d'exposition aux gangs », la plupart des participants présentaient au moins un facteur de risque. La grande majorité (94 %) des participants au programme YARD étaient membres d'un gang ou présentaient un des facteurs de risque suivants : participation aux activités des gangs (passée ou actuelle) d'un parent, d'un frère ou d'une soeur; amis ou fréquentations membres d'un gang; articles ou tatouages représentant un gang; présence de gangs au sein de leur école ou présence de gangs dans leur collectivité.
En plus de la participation aux activités des gangs ou des contacts avec des membres de gangs, les jeunes présentaient de nombreux autres facteurs de risque que le programme YARD visait à réduire. Sur le plan familial, 56 % des participants faisaient partie d'une famille où il y avait de la violence et des préoccupations financières. Près de la moitié des participants avaient un parent qui consommait de l'alcool (49 %) et un tiers avaient un ou des parents qui consommaient des drogues (33 %) ou qui participaient ou avaient participé à des activités criminelles (38 %). Un faible pourcentage (7 %) des participants avait des frères ou des soeurs qui participaient ou avaient participé à des activités criminelles.
La plupart des participants (83 %) étaient inscrits à l'école au moment de leur admission au programme, et près des deux tiers (65 %) présentaient des problèmes d'assiduité scolaire. La majorité (51 %) des participants n'avaient pas aimé la dernière école qu'ils avaient fréquentée. Légèrement plus du tiers (35 %) des participants avaient un trouble d'apprentissage. Seulement un faible pourcentage des participants (15 %) prenait part à des activités parascolaires à l'école ou au sein de leur collectivité. Près de la moitié (48 %) des participants étaient encadrés par un adulte après les heures de classe.
La majorité des participants avaient des amis ou des fréquentations qui participaient à des activités criminelles (88 %), qui étaient membres d'un gang (73 %) ou qui consommaient de la drogue ou de l'alcool (87 %). Une intimidation par les pairs avait été subie par 42 % des participants. Sur une note plus positive, près des deux tiers (67 %) des participants avaient aussi des amis qui exerçaient des influences positives.
Près de la moitié des participants consommaient de l'alcool (42 %) et fumaient la cigarette (45 %), alors que près des deux tiers (61 %) consommaient de la drogue. L'âge moyen du début de la consommation d'alcool, de tabac ou de drogue était de 13 ans.
Plusieurs participants avaient été accusés d'infractions contre des biens (35 %), de crimes violents (29 %), d'infractions commises avec une arme (19 %) ou de crimes liés à la drogue (12 %). Plusieurs autres avaient été classés dans la catégorie des délinquants non accusés. Ce terme a été utilisé dans les cas où il y avait suffisamment de preuves pour appuyer une accusation au pénal, mais où les policiers ont exercé leur pouvoir discrétionnaire et se sont occupés du délinquant d'une autre façon (avertissement, mesures de rechange, etc.). Parmi les délinquants non accusés, près de la moitié (43 %) avaient commis des infractions contre des biens alors que 16 % avaient commis des crimes violents et un plus faible pourcentage avait commis des crimes liés à la drogue (9 %) ou des infractions avec une arme (6 %). Un peu plus de la moitié des participants (54 %) avaient reçu de l'aide à l'enfance et à la famille.
Finalement, les employés du programme YARD ont indiqué que la majorité (84 %) des participants présentait des comportements de prise de risques et que les deux tiers (68 %) avaient de la difficulté à maîtriser leur colère.
Participation au programme
Dans le cadre du programme YARD, tous les jeunes ont reçu des services de mentorat intensif et de gestion de cas.
Contacts
Le nombre moyen de contacts avec les jeunes dans le cadre du programme YARD était de 18, et le nombre de contacts directs variait de 0 à 84. Même si le programme permettait d'offrir du soutien direct aux jeunes, une grande partie du soutien était aussi fourni de manière indirecte, au moyen de contacts dans le cadre desquels les jeunes ou les parents n'étaient pas présents. Un peu plus des deux tiers (68 %) des contacts ont été effectués sans la présence des jeunes et près des trois quarts (74 %) ont été effectués sans la présence des parents.
Les contacts les plus fréquents, après les contacts avec les jeunes et les parents, étaient effectués auprès des personnes suivantes : un membre de l'équipe de policiers du programme YARD (56 %), des agents de probation ou des travailleurs sociaux du programme YARD (51 %), l'agent de probation du jeune (12 %), des employés de l'école (11 %), des représentants du programme YARD vers qui les jeunes avaient été aiguillés (6 %) et des thérapeutes ou conseillers (6 %), un travailleur social ou un intervenant en services d'aide sociale à l'enfance (4 %), un policier ne faisant pas partie du programme YARD (3 %), un travailleur de soutien dans la collectivité (3 %), des responsables de services de tutorat (2 %) et des travailleurs en foyer de groupe (2 %).
Ces types de contacts étaient effectués au besoin, en fonction de la situation individuelle de chaque jeune. La majorité des contacts visaient à obtenir des renseignements sur la situation d'un participant (44 %). Près d'un quart de ces contacts (22 %) visaient à déterminer une approche ou une orientation à adopter envers un jeune alors que 20 % des contacts visaient à déterminer ou à commenter l'approche ou l'orientation adoptée pour un cas. D'autres contacts visaient à établir un aiguillage ou à en faire le suivi (15 %), à fournir du soutien au parent ou à la famille (13 %) et à recueillir des renseignements afin d'évaluer l'admissibilité (10 %).
Le programme YARD a permis de lutter contre un large éventail de problèmes auxquels sont confrontés les jeunes. Dans plus des trois quarts des cas, les responsables du programme YARD se sont penchés sur les activités pro-sociales, les études, les problèmes de comportement, l'emploi et l'aide pour l'achat de produits de première nécessité au-delà de ce qui était nécessaire pour déterminer l'admissibilité des jeunes au programme YARD. Ces questions étaient suivies par les besoins en matière de counseling (72 %), les questions liées au rôle parental (71 %), les activités criminelles (70 %), la diffusion ou la réception d'information à jour sur les jeunes (68 %) et la participation aux activités des gangs (67 %).
Aiguillage de participants vers des services
Une autre mesure de l'intensité du programme est le nombre d'aiguillages vers des services fournis aux jeunes. Les responsables du programme YARD n'ont fait aucun aiguillage pour 15 des 82 participants. Ces jeunes étaient de nouveaux participants au programme YARD ou étaient entrés au début du programme YARD. Parmi les 67 jeunes qui ont fait l'objet d'au moins un aiguillage, le nombre moyen d'aiguillages par participant était de 3,4. Le nombre d'aiguillages par participant variait de 0 à 12. La plupart des jeunes ont fait l'objet d'aiguillages dans au moins un des cinq domaines suivants : activités sportives et récréatives; counseling; aide à l'emploi et formation axée sur les compétences; formation et aide aux études; autres activités récréatives.
Adhésion au programme
En date du 31 décembre 2010, 21 % des participants au programme YARD avaient abandonné le programme. Les raisons pour lesquelles les jeunes ont abandonné le programme YARD étaient, entre autres, une incarcération prolongée, l'abandon d'un jeune par son parent ou tuteur ou un manque de volonté du jeune de participer au programme YARD.
Toujours en date du 31 décembre 2010, 15 % des participants avaient terminé le programme. Ce pourcentage inclut les jeunes qui ont réussi le programme, ainsi que ceux qui n'y étaient plus admissibles parce qu'ils ont atteint l'âge de 18 ans. Il convient d'interpréter ces données avec prudence étant donné que la classification des jeunes selon qu'ils ont abandonné le programme ou qu'ils l'ont réussi a été difficile pour les employés et ce, jusque vers la fin du financement par le CNPC.
3. Évaluation du programme
La période d'évaluation était comprise entre avril 2008 et juin 2011. Un modèle mixte a été utilisé pour évaluer les effets du programme sur les résultats. Des comparaisons entre le prétest (réalisé lors de l'admission au programme) et le post-test (réalisé après la participation au programme) ont été effectuées à l'aide de tests t. L'ampleur des effets a été déterminée à l'aide de l'indice d de Cohen. La taille de l'échantillon était de 71 lors de l'admission et de 39 lors du post-test. Des comparaisons ont été faites à l'admission et six mois après.
Les démêlés des jeunes avec les services de police avant et après leur participation au programme YARD ont été évalués en fonction du nombre d'accusations ou d'incidents et du type d'activités criminelles, en pondérant les données à l'aide de l'Indice de gravité de la criminalité. L'analyse comprenait la détermination de l'ampleur de l'effet. Des tests t réalisés sur des échantillons appariés ont été utilisés pour mesurer l'importance de la différence entre les moyennes et appuyer la mesure de l'ampleur des effets.
Des études de cas ont été réalisées auprès de 14 jeunes afin de fournir des données qualitatives à l'appui des principales constatations. Les données scolaires ont aussi été utilisées en tant que source supplémentaire de données qualitatives. Les données sur les résultats scolaires étaient partielles et n'étaient disponibles que pour quelques jeunes.
4. Résultats de l'évaluation
Attitudes
Attitudes envers les gangs
Même si les attitudes des jeunes envers les gangs lors de leur admission au programme étaient généralement négatives, les résultats du prétest et du post-test montrent une diminution de 49 % des attitudes positives envers les gangs.
Relations avec les pairs
Même si les résultats des comparaisons avant et après le programme n'étaient pas significatifs, les tendances liées aux données montrent que les jeunes ont eu moins de relations avec des pairs exerçant une influence négative.
Attitudes envers les comportements antisociaux
Même si les résultats des comparaisons avant et après le programme n'étaient pas significatifs, les données montrent que les attitudes des jeunes envers les comportements antisociaux se sont améliorées quelque peu.
Liens affectifs au sein de la famille
Les résultats des analyses réalisées avant et après la participation des jeunes au programme, qui sont fondés sur une échelle mesurant les liens familiaux et la communication des jeunes avec leurs parents ou tuteurs, montrent une légère amélioration des attitudes des jeunes envers les liens familiaux et la communication au sein de la famille. Les résultats approchaient d'une signification statistique de 0,06. Les études de cas reflètent les résultats statistiques.
Dans les 14 études de cas, il y avait des parents ou des tuteurs qui soutenaient les jeunes. Cependant, selon les employés du programme YARD, la relation n'était pas saine dans quelques-uns des cas. De plus, même s'ils avaient des parents qui les soutenaient, certains jeunes éprouvaient des difficultés qui pourraient avoir influencé leurs résultats à l'échelle mesurant les liens familiaux et la communication.
Six jeunes ont vécu dans des foyers de groupe ou dans la rue à un certain moment de leur participation au programme YARD. Trois de ces jeunes sont ensuite retournés vivre avec leur famille ou sont allés vivre avec un autre membre de leur famille à un certain moment de leur participation au programme YARD. Deux allaient très bien alors que trois autres éprouvaient des difficultés et ont tôt ou tard abandonné le programme YARD. Un de ceux-ci a été vu après sa participation au programme YARD; il vivait à l'extérieur de son foyer et était membre d'un gang.
Participation scolaire et attitudes envers l'école
Au moment de leur admission au programme YARD, 80 % des jeunes étaient inscrits à l'école. Moins de la moitié (47 %) avaient fait l'école buissonnière au cours des quatre semaines précédentes et avaient été suspendus. Environ un tiers (32 %) avaient pensé sérieusement à quitter l'école au cours des six mois précédents.
Parmi les 36 participants au programme de la 9e à la 12e année, 14 n'avaient pas réussi à obtenir un crédit de cours et huit avaient abandonné un cours. Lorsqu'on leur a demandé s'ils souhaitaient terminer leurs études secondaires, moins de la moitié (42 %) ont indiqué qu'ils souhaitaient terminer leurs études secondaires et 52 % ont indiqué qu'ils voulaient être admis dans une école technique, un collège communautaire ou une université.
Au post-test, le nombre de jeunes qui allaient à l'école avait diminué à 27 (ils étaient 32 au départ). D'autres indicateurs de l'engagement à aller à l'école sont demeurés essentiellement les mêmes. L'attitude des jeunes envers l'école a aussi été mesurée. Les résultats montrent que l'attitude des jeunes envers l'école n'a pas changé entre le prétest et le post-test.
Des analyses qualitatives des études de cas montrent qu'il est difficile d'empêcher le décrochage scolaire chez les jeunes à risque. Parmi les 14 jeunes dont le cas a été étudié, huit étaient toujours inscrits à l'école après leur participation au programme, un avait été exclu et un autre fréquentait une école alternative au moment où il a quitté le programme YARD.
Trois autres jeunes allaient encore à l'école, mais avaient des problèmes d'assiduité et de comportement. Ils étaient notamment soupçonnés de participer à des activités liées aux gangs. Les quatre jeunes qui avaient quitté l'école avaient des problèmes de participation aux activités de gangs, de toxicomanie et d'intimidation (ils exerçaient et subissaient de l'intimidation). Pour deux de ces jeunes, le fait de quitter l'école s'est avéré une décision positive, car ils ont continué à ne pas participer aux activités des gangs, et un d'entre eux a obtenu un emploi.
Attitudes envers l'emploi
Les attitudes des jeunes envers l'emploi ont été évaluées à l'aide d'une échelle élaborée à partir d'une série de questions provenant du « Attitudes Toward Employment – Work Opinion Questionnaire ». Ils avaient généralement des attitudes positives envers l'emploi. La majorité (92 %) des 71 jeunes interrogés lors de leur admission au programme croyaient que travailler dur finirait par porter fruit, qu'ils pourraient réussir sur le plan professionnel et qu'ils possédaient suffisamment de compétences pour bien exercer un emploi. La plupart des jeunes interrogés (83 %) croyaient qu'ils étaient prêts à occuper un emploi à temps partiel. De plus, environ 60 % à 63 % d'entre eux ne croyaient pas que la majorité des emplois sont ennuyeux et n'admiraient pas ceux qui réussissent sans travailler, et près de la moitié (53 %) ne croyaient pas qu'un bon emploi est nécessairement associé à un salaire très élevé. Près des deux tiers des jeunes (63 %) ont indiqué qu'ils accepteraient d'occuper presque tous les types d'emploi afin de gagner de l'argent. Les résultats de la comparaison entre le prétest et le post-test montrent une amélioration légère, mais significative des attitudes des jeunes envers l'emploi.
Compétences
Activités pro-sociales
Bien que la participation des jeunes à des activités pro-sociales ait augmenté après leur admission au programme, le niveau de participation à des activités sportives et parascolaires est demeuré le même.
Maîtrise de la colère
Les résultats du prétest indiquent que les jeunes étaient généralement capables de gérer leur colère de façon positive et de ne pas adopter des comportements négatifs tels que la consommation d'alcool ou de drogues. Après leur participation au programme, la capacité des jeunes à maîtriser leur colère est demeurée la même.
Comportements
Toxicomanie
À l'admission, près de la moitié des jeunes (46 %) ont indiqué qu'ils consommaient de l'alcool. Après leur participation au programme, le nombre de jeunes qui ont indiqué qu'ils consommaient de l'alcool est passé de 20 à 14. Un plus grand nombre de jeunes ont indiqué qu'ils ne consommaient pas de marijuana. Lorsque les responsables leur ont demandé à quelle fréquence ils consommaient de l'alcool ou de la marijuana, un plus grand nombre de jeunes ont indiqué qu'ils consommaient moins fréquemment de la marijuana que le nombre de jeunes qui ont indiqué que leur consommation avait augmenté. Le taux de consommation d'alcool est demeuré le même. L'examen des notes sur les cas et les entrevues auprès d'employés du programme montrent que les jeunes qui ont de graves problèmes de toxicomanie et qui ne sont pas disposés à prendre des mesures à l'égard de leur dépendance ont tendance à avoir de la difficulté à participer au programme YARD et, la plupart du temps, ils abandonnent le programme.
Participation aux activités des gangs
À l'admission, huit participants au programme ont indiqué être membres d'un gang alors que le personnel du programme YARD estimait que 17 participants étaient membres d'un gang. Parmi ceux qui avaient indiqué être membres d'un gang et qui ont subi le post-test, un jeune a quitté son gang. Les résultats des études de cas montrent que quatre des 14 études de cas portaient sur des jeunes qui étaient membres d'un gang lors de leur admission au programme et qui participaient à des activités criminelles. Après leur participation au programme, deux de ces quatre membres de gang avaient réussi à quitter leur gang et un était toujours membre d'un gang. La situation du quatrième participant ayant indiqué être membre d'un gang est inconnue.
Les membres des familles des deux jeunes qui ont quitté leur gang croient que le programme YARD a été déterminant dans le fait que leur enfant ait pu quitter son gang, car les responsables du programme ont soutenu les jeunes lors de leurs comparutions en cour et ont déployé des efforts constants afin de nouer des liens avec eux. Le programme YARD a aussi permis de soutenir ces jeunes en les aiguillant vers des services de thérapie et du counseling en matière d'emploi et en les motivant à participer à des activités pro-sociales. Les deux jeunes ont également reçu du soutien de parents, d'autres membres de la famille et de leur petite amie. Un de ces jeunes a réussi à conserver un emploi à temps plein pendant environ six mois. Le jeune qui était demeuré membre d'un gang a fait certains bonds en arrière, il n'a notamment pas été capable de conserver un emploi, et a par conséquent recommencé à fréquenter ses amis qui étaient membres d'un gang.
Au moyen des études de cas, de l'examen des notes sur les cas et des entrevues auprès des membres des équipes du programme YARD, les responsables de l'évaluation ont recueilli des données indiquant qu'au moins sept des 17 jeunes qui, selon le personnel, étaient des membres de gang ont réussi à quitter leur gang.
Nombre d'incidents entraînant des accusations
Sur les 82 jeunes participant au programme YARD, 36 jeunes (44 %) n'avaient fait l'objet d'aucune accusation, que ce soit avant ou après leur participation au programme, et 34 jeunes (42 %) n'avaient jamais figuré parmi les délinquants non accusés (cas pour lesquels il y avait suffisamment de preuves à l'appui d'une accusation au pénal, mais où les policiers ont exercé leur pouvoir discrétionnaire et se sont occupés du délinquant d'une autre façon, par exemple en lui donnant un avertissement ou en prenant des mesures de rechange). Dans l'ensemble, 20 des 82 jeunes (24 %) n'avaient pas été en contact avec des policiers avant le 31mars 2011, soit la date de fin du projet. Par conséquent, l'effet du programme sur les activités criminelles des jeunes est déterminé par les résultats d'environ 60 % des participants.
Les résultats des analyses des tests t d'échantillons appariés avant et après la participation au programme révèlent une faible diminution significative (de M = 0,33 à M = 0,19) du nombre moyen d'accusations portées contre des jeunes membres d'un gang ainsi qu'une diminution significative un peu plus importante (de 0,49 à 0,16) chez les jeunes susceptibles de devenir membres d'un gang.
Nombre d'incidents n'entraînant aucune accusation
Le nombre d'incidents criminels n'ayant entraîné aucune accusation pour les jeunes du programme YARD a été analysé avant et après la participation au programme. Les résultats révèlent des diminutions significatives et modérées (de M = 0,09 à M = 0,01) du taux mensuel de cas de délinquants non accusés après la participation au programme YARD chez les jeunes membres d'un gang. Les chiffres sont demeurés inchangés (de M = 0,06 à M = 0,04) chez les jeunes susceptibles de devenir membres d'un gang, car la plupart d'entre eux n'avaient pas été impliqués dans ces types d'incidents avant de participer au programme. Dans les cas où des jeunes susceptibles de devenir membres d'un gang avaient été classés dans la catégorie des délinquants non accusés, le nombre d'incidents a chuté de plus de 50 % après la participation au programme.
Gravité des accusations
L'Indice de gravité de la criminalité a été utilisé pour évaluer si la gravité des accusations portées contre les participants du programme YARD avait changé après leur participation au programme. Les résultats indiquent une diminution importante (de M = 62,52 à M = 13,58) du taux mensuel lié à la gravité des accusations après l'admission des jeunes au programme YARD. Cependant, aucun des résultats n'était statistiquement significatif, principalement en raison de la grande variance des accusations pondérées mensuellement, comme démontré par les très grands écarts-types.
Le tableau ci-dessous fournit un résumé des principaux résultats.
Prétest | Post-test | Résultats des tests | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
n | M | ET | M | ET | t | p | d de Cohen | |
Légende : M = moyenne, ET = écart-type, t = valeur de l'essai, d = indice d de Cohen (ampleur de l'effet) | ||||||||
Attitudes | ||||||||
Attitudes envers les gangs | 39 | 0,24 | 0,18 | 0,17 | 0,20 | -1,85 | ,07 | 0,40 |
Relations avec les pairs | 39 | 1,23 | 1,10 | 0,88 | 1,04 | -0,78 | ns | 0,32 |
Comportements antisociaux | 39 | 3,22 | 0,72 | 3,28 | 0,72 | -0,48 | ns | 0,08 |
Liens et communication au sein de la famille | 39 | 2,89 | 0,44 | 3,05 | 0,49 | -1,92 | ,06 | 0,37 |
Attitudes envers l'école | 39 | 2,59 | 0,50 | 2,65 | 0,62 | -0,80 | ns | 0,13 |
Attitudes envers l'emploi | 39 | 2,78 | 0,57 | 3,00 | 0,43 | -2,02 | ,04 | 0,35 |
Compétences | ||||||||
Maîtrise de la colère | 39 | 2,83 | 0,65 | 2,77 | 0,78 | -0,06 | ns | 0,10 |
Comportements | ||||||||
Toxicomanie – marijuana | 39 | 1,08 | 1,24 | 0,89 | 1,21 | -0,87 | ns | 0,16 |
Taux mensuel d'accusations – jeunes membres d'un gang | 17 | 0,33 | 0,51 | 0,19 | 0,36 | ,04 | 0,27 | |
Taux mensuel d'accusations – jeunes susceptibles de devenir membres d'un gang | 45 | 0,49 | 1,03 | 0,16 | 0,33 | ,01 | 0,32 | |
Taux mensuel de cas de délinquants non accusés – jeunes membres d'un gang | 17 | 0,09 | 0,15 | 0,01 | 0,03 | ,06 | 0,52 | |
Taux mensuel de cas de délinquants non accusés – jeunes susceptibles de devenir membres d'un gang | 45 | 0,06 | 0,10 | 0,04 | 0,11 | ns | 0,23 | |
Taux mensuel - gravité des accusations – jeunes membres d'un gang | 17 | 21,90 | 35,47 | 18,11 | 38,79 | ns | 0,11 | |
Taux mensuel - gravité des accusations – jeunes susceptibles de devenir membres d'un gang | 45 | 99,28 | 526,66 | 10,81 | 25,00 | ns | 0,17 |
Résultats de l'analyse des coûts
Entre le 1er février 2008 et le 31 décembre 2010, le coût total du programme, incluant les contributions en nature, était de 1 914 539 $. Le coût moyen par participant au programme YARD (N = 82) était de 23 348 $.
Limites de l'évaluation
En plus de l'absence d'un groupe de référence, d'autres éléments influant sur la validité limitent la capacité de déterminer les effets du programme sur les résultats des jeunes. Les éléments suivants doivent être pris en considération dans le cadre de l'interprétation des résultats :
Sélection
L'outil utilisé pour sélectionner des jeunes qui étaient membres d'un gang ou susceptibles de le devenir s'est avéré non fiable. Par conséquent, des jeunes qui ne satisfaisaient pas pleinement aux critères de sélection ont été admis au programme. De plus, l'orientation du programme a été redéfinie à mi-chemin de la mise en oeuvre afin d'adopter un rôle de prévention plus important et d'admettre des jeunes moins âgés. L'âge d'admission est passé de 12 ans à 10 ans. Cette orientation a pour but d'admettre un plus grand nombre de jeunes susceptibles de devenir membres d'un gang par rapport au nombre de jeunes membres d'un gang.
Instruments
Le début de l'évaluation a été retardé. Les participants de la première heure n'ont subi le prétest qu'après plusieurs mois suivant leur admission au programme.
Validité conceptuelle
Bien que les instruments aient été adaptés à partir d'instruments normalisés et modifiés pour correspondre aux besoins du programme, leur fiabilité n'a pas été mesurée.
Départs
La taille de l'échantillon est passée de 72 à 39 entre le prétest et le post-test.
Malgré ces limites, l'évaluation est assez valide pour garantir que les résultats peuvent être attribués de façon objective aux activités du programme, en particulier les résultats liés aux jeunes qui quittent leur gang.
5. Leçons retenues et recommandations
Réalisation du programme
Admission et recommandations
Pendant la première année, la majorité des jeunes qui ont été dirigés vers le programme YARD n'y étaient pas admissibles. De plus, l'évaluation de l'admissibilité d'une jeune au programme YARD a souvent été réalisée longtemps après l'inscription du jeune sur la liste d'attente. Bien que cela se produise après la fin du financement du CNPC, les leçons apprises pendant les trois premières années de mise en oeuvre du programme YARD sont maintenant utilisées pour élaborer un nouveau processus de recommandation qui permettra de déterminer au début du processus si une référence est convenable ou non afin que les jeunes qui ne sont pas admissibles ne soient pas sur la liste d'attente. Les responsables du programme YARD adoptent aussi une approche qui permet d'examiner la liste d'attente régulièrement, et, bien que la règle générale consiste toujours à accepter les jeunes dans l'ordre dans lequel ils ont été aiguillés vers le programme, les jeunes qui ont des besoins élevés et qui se trouvent à un moment critique peuvent être admis dans le programme de façon expéditive.
Paire – policier et travailleur social
Les intervenants considèrent l'utilisation d'équipes multidisciplinaires dans le cadre du programme YARD (policier et agent de probation ou travailleur social) comme une des forces du programme. Les policiers ont joué deux rôles principaux dans le cadre du programme. La collecte de renseignements sur les activités des gangs leur a permis de mieux identifier les jeunes membres d'un gang ou susceptibles de le devenir. Les policiers ont aussi été des modèles d'identification masculins pour les jeunes, qui souvent n'avaient pas de modèles masculins positifs dans leur vie. Ces expériences constructives avec des policiers dans le cadre du programme YARD ont modifié la façon dont les jeunes et, dans certains cas, les parents perçoivent les policiers en général, ce qui constitue un bienfait indirect additionnel. Les travailleurs sociaux ont apporté leur expertise de la gestion de cas et leur connaissance des ressources communautaires aux équipes. Ils ont aussi été des modèles d'identification pour les jeunes, qui en sont venus à voir ces adultes comme des personnes sur lesquelles ils pouvaient compter.
Partenariats
L'influence du programme YARD s'est étendue à Calgary, comme le montrent les 208 aiguillages effectués entre 2008 et 2010. L'étendue des sources d'aiguillages indiquait aussi que le programme YARD est maintenant connu dans de nombreux secteurs, même si la plupart des aiguillages proviennent toujours des services de probation, des responsables des écoles et des policiers. De plus, la famille et les amis étaient une source majeure d'aiguillage, ce qui démontre que la collectivité plus générale connaît maintenant le programme YARD.
6. Conclusion
Le programme YARD a rejoint sa population cible et semble avoir eu des effets positifs sur les vies de ses participants. Bien que l'orientation du programme YARD ait été redéfinie à mi-chemin de la mise en oeuvre, le programme a rejoint les jeunes qui étaient membres d'un gang ou susceptibles de le devenir.
La participation des jeunes aux activités des gangs a diminué, de même que les attitudes positives envers les gangs. Les attitudes des jeunes envers l'emploi, leurs liens familiaux et la communication au sein de leur famille se sont améliorées. Les jeunes ont aussi apporté certains changements positifs à leurs relations avec leurs pairs, à leurs attitudes envers les comportements antisociaux, à leur consommation de drogue et à leur capacité de maîtriser leur colère.
Compte tenu du fait que les processus et le modèle de prestation de services du programme YARD sont devenus plus stables, le programme peut maintenant mieux répondre aux besoins de son groupe cible.
Pour de plus amples renseignements au sujet de ce projet, ou pour obtenir une copie du rapport final d'évaluation, veuillez contacter le Centre national de prévention du crime, par courriel, à ps.prevention-prevention.sp@canada.ca.
Pour recevoir des informations sur les activités du CNPC, nous vous invitons à vous inscrire à la liste d'envoi électronique du CNPC en visitant notre page d'enregistrement à : http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/bt/mlng-lst-fra.aspx.
Notes
- 1
Cette synthèse est fondée sur l'examen et l'analyse, par l'équipe d'évaluation et de recherche du CNPC, du rapport final d'évaluation rédigé par Amy Richmond, de PRA Inc.
- Date de modification :