Aperçu général des analyses économiques dans le domaine de la prévention du crime
Question de recherche
Numéro 5 - Janvier 2012
Question :
Comment les décideurs peuvent-ils déterminer les façons les plus efficientes et rentables de prévenir et de réduire la criminalité et la victimisation?
Contexte :
En cette époque caractérisée par des compressions budgétaires où tous et chacun doivent rendre des comptes, il y a de plus en plus d'attentes auprès des décideurs qu'ils démontrent non seulement l'efficacité, mais aussi le caractère économiquement rentable de leurs politiques et programmes de prévention du crime. En d'autres termes, il est prévu que le capital investi rapporte : les avantages finaux pour la société de tels programmes doivent l'emporter sur le coût de leur mise en œuvre. Par conséquent, lorsqu'ils doivent choisir quels politiques et programmes de prévention du crime financer, élargir, reproduire ou éliminer, les décideurs ont besoin d'une méthode rationnelle et objective pour en évaluer les effets.
Résultats :
Dans différents pays du monde (p. ex. les ÉtatsUnis, le Royaume-Uni et l'Australie), l'approche de l'analyse économique en prévention du crime a été adoptée. Celle-ci permet de quantifier financièrement les intrants et les extrants des programmes de façon à en établir les coûts ou les avantages. Deux méthodes d'analyse économique les plus utilisées sont : l'analyse coût-efficacité et l'analyse coûtsavantages.
L'analyse coût-efficacité sert à répondre à la question : « Combien cela coûte-t-il d'obtenir un effet? », et à établir ensuite des liens entre les résultats des programmes (p. ex. la réduction de la criminalité) et leurs coûts afin d'estimer le coût par résultat d'un projet de prévention du crime. Cette analyse permet d'obtenir une variable statistique appelée le rapport coûtefficacité (RCE).
Par exemple, si la mise en œuvre d'un programme coûte 300 000 $ et empêche que soient commis par la suite 50 vols d'automobiles, alors le RCE est de 6 000 $, ce qui signifie qu'il en coûte 6 000 $ pour prévenir un vol d'automobile. En général, plus le RCE est faible, plus le programme est rentable. Cependant, l'analyse coût-efficacité ne prend pas en considération les avantages autres que les résultats du programme en question et ne quantifie pas ces avantages sur le plan financier.
L'analyse coûts-avantages, elle, permet d'aller un peu plus loin et de répondre à la question : « Combien la société économise-t-elle par dollar investi dans un programme? ». Comme la criminalité a généralement de vastes effets sur les personnes, les familles, les collectivités et la société, le fait d'empêcher qu'un crime soit commis entraîne de nombreux avantages.
L'analyse coûts-avantages permet donc de prendre en considération et de monétiser les divers avantages (et pas seulement certains résultats du programme en question), puis de comparer ces avantages aux coûts du programme pour déterminer le rendement du capital investi. C'est un moyen d'obtenir une variable statistique indépendante de ses unités appelée le rapport avantages-coûts (RAC).
Pour reprendre l'exemple ci-dessus, si les économies qu'assurerait pour la société un programme de prévention du crime étaient estimées à 538 600 $ et si les coûts du programme étaient de 300 000 $, le RAC pour ce programme serait de 1,80, ce qui signifie que chaque dollar investi dans le programme rapporterait 1,80 $ d'économies pour la société grâce aux vols d'automobiles évités. Les RAC supérieurs à 1,0 signalent généralement des taux de rendement positifs et les RAC inférieurs à 1,0 le contraire. Dans ce cas, le coût de mise en œuvre du programme aurait été plus élevé que les avantages futurs.
La méthode d'établissement des coûts pour l'analyse coûts-avantages doit être choisie soigneusement et nécessite que les analystes prennent certaines décisions importantes, par exemple à l'endroit des considérations suivantes :
1. Faut-il inclure les coûts intangibles?
Les coûts pour la société tombent généralement dans deux catégories : les tangibles et les intangibles. Les coûts tangibles sont les coûts qui peuvent, en général, être mesurés financièrement, comme les dépenses pour le système de justice pénale. Les coûts intangibles, ou non financiers, ne sont pas aussi faciles à quantifier, comme la douleur des victimes.
2. Quelle valeur pécuniaire faut-il attribuer aux divers effets de la criminalité?
- L'approche ascendante
L'approche ascendante est actuellement la méthode la plus populaire de calcul des coûts de la criminalité. Elle se fonde sur une formule comptable simple qui additionne toutes les pertes directes et indirectes liées à la criminalité. - L'approche descendante
Aussi appelée « méthode de la volonté de payer », l'approche descendante consiste à interroger un échantillon de la population pour savoir combien celle-ci serait prête à payer pour divers programmes, pour des réductions de la criminalité ou pour se protéger contre la victimisation. - L'approche de la « ventilation »
Avec cette approche, les coûts non liés à la criminalité sont éliminés du budget global et les coûts restants sont répartis (ventilés) suivant le type de criminalité.
3. Faut-il se fonder sur des estimations locales ou nationales?
Dans l'analyse coûts-avantages d'un programme local de prévention ou de réduction du crime, les coûts dépendent d'une variété de facteurs démographiques, sociaux, économiques et stratégiques propres à la région.
4. Faut-il prendre en considération les coûts moyens, marginaux (différentiels) ou totaux?
On obtient les coûts moyens en divisant les coûts totaux par le nombre total de participants au cours d'une période donnée. Les coûts marginaux correspondent à la variation causée aux coûts totaux d'un programme par l'ajout de chaque nouveau participant. Enfin, les coûts totaux de la criminalité sont ceux qui ont des effets étendus et importants sur les collectivités.
5. Comment doit-on « actualiser » les coûts?
Les coûts de la criminalité ne concernent pas seulement le présent, ils ont aussi des répercussions sur l'avenir. Ne serait-ce qu'en raison de l'inflation, la valeur de l'argent se déprécie avec le temps et un dollar vaut généralement plus aujourd'hui que demain. C'est pour cela que les économistes intègrent à leurs formules de calcul une correction appelée « facteur d'actualisation » qui leur donne la valeur actualisée des coûts futurs prévus.Répercussions :
En plus des décisions examinées cidessus, les analyses coût-efficacité et coûts-avantages doivent pouvoir s'appuyer sur des évaluations des effets rigoureuses et solides. Pour arriver à des méthodes d'évaluation qui répondent aux normes de qualité, il faut donc aussi considérer soigneusement divers éléments comme l'attrition, la taille de l'échantillon, la partialité dans le processus de sélection, l'effet de déplacement et l'effet de diffusion, les avantages anticipés ainsi que les périodes de suivi.
Source :
McIntosh, C., et J. Li. Introduction à l'analyse économique de la prévention du crime : le pourquoi, le comment et les voies d'avenir. Rapport de recherche 2012-5. Centre national de prévention du crime, Sécurité publique Canada, Ottawa, 2012.
Pour de plus amples informations:
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