La justice réparatrice dans les cas de crimes graves

Recherche en bref
Vol. 10, No. 4
Juillet 2005

Question

La justice réparatrice a-t-elle des chances de réussite dans les cas de crimes graves?

Contexte

La justice réparatrice est une autre façon de réagir à un crime; elle est fondée sur la réparation et la guérison plutôt que sur la justice vengeresse et la punition. La justice réparatrice est une démarche concertée et humaniste qui vise à favoriser la guérison de la victime, de la collectivité et du délinquant en amenant ce dernier à assumer la responsabilité de ses gestes et à tenter de réparer le tort causé. Dans cette optique, les victimes jouent un rôle actif et elles ont la possibilité de faire connaître au délinquant les répercussions que le crime a eues sur elles et de proposer des mesures pour réparer le tort causé.

Les modèles de justice réparatrice sont variés et souples; ils peuvent ainsi être adaptés aux préférences des parties en cause. La communication peut s'effectuer au moyen d'un contact direct (rencontre en personne) ou d'un contact indirect (médiation par navette, rédaction de lettres, échange de bandes vidéo, etc.). Peu importe le modèle, les objectifs du programme restent les mêmes.

Jusqu'à maintenant, la majorité des programmes de justice réparatrice sont conçus à l'intention des délinquants présentant un risque faible, qui ont commis des infractions relativement mineures. Le nombre de programmes visant les délinquants adultes, particulièrement les délinquants ayant commis un crime grave, est donc moins élevé. Étant donné que la justice réparatrice est encore un concept relativement nouveau, les praticiens et les concepteurs de programmes examinent les possibilités relativement à l'application des modèles de justice réparatrice à différents types de délinquants, à différents types de crimes, et ce, à diverses étapes du processus de justice pénale.

Méthode

Des chercheurs ont évalué un programme de justice réparatrice destiné à des délinquants qui avaient plaidé coupables à des accusations de crimes graves, mais dont la peine n'avait pas encore été prononcée et qui étaient passibles d'emprisonnement. Au total, l'étude comptait 288 participants : 65 délinquants et 112 victimes dans le groupe participant au programme, et 40 délinquants et 71 victimes dans le groupe témoin. L'évaluation portait sur les caractéristiques des clients, les activités du programme, l'effet du programme et la valeur ajoutée d'une telle approche en comparaison avec le système traditionnel de justice pénale.

Réponse

Les résultats indiquent qu'une approche fondée sur la justice réparatrice peut être appliquée avec succès à l'étape précédant la détermination de la peine chez les délinquants ayant commis un crime grave. Plus de 70 % des délinquants acceptés avaient commis des crimes contre la personne, 20 % des infractions contre les biens et 9 % des infractions relatives à la conduite d'un véhicule. Bien que la gravité des crimes contre la personne puisse varier selon le tort causé, on peut faire valoir qu'ils sont tous graves. La gravité des cas allait d'assez graves (p. ex. infractions contre les biens ou infractions contre la personne sans blessure corporelle) à très graves (c.-à-d. causant la mort). Il est intéressant de constater que plus de la moitié des délinquants acceptés en étaient à leur première infraction et que l'on considérait que la majorité d'entre eux présentaient un risque faible ou moyen. Seulement 15 % des délinquants acceptés étaient considérés comme présentant un risque élevé, ce qui n'est pas surprenant étant donné qu'ils ont habituellement des antécédents criminels plus lourds, qu'ils éprouvent généralement moins de remords et qu'ils sont moins susceptibles d'assumer leur responsabilité et de chercher à réparer le tort causé. Dans le cas des délinquants à risque élevé, il faut une intervention intensive et des plans de traitement spécialisés, c.-à-d. des composantes absentes de nombreux programmes de justice réparatrice, ces derniers n'ayant pas été conçus à cette fin.

L'évaluation a révélé que presque tous les participants au programme ont été très satisfaits de l'approche de justice réparatrice, en comparaison, tout particulièrement, de ceux qui ont seulement fait l'expérience du système traditionnel de justice pénale. Les victimes et les délinquants ont eu l'occasion de participer activement au processus décisionnel et à l'élaboration d'un plan de réparation et, dans certains cas, ils ont pu recommander une peine. Dans l'ensemble, les victimes d'un crime grave ont eu le pouvoir d'agir afin que justice soit réellement faite grâce à une approche de justice réparatrice.

Incidences sur les politiques

  1. Étant donné que cette étude et d'autres études laissent entendre que la justice réparatrice peut être appliquée avec succès dans les cas de crimes graves, il est justifié de développer davantage cette approche.
  2. Les crimes graves ne sont pas toujours commis par des délinquants à risque élevé. Bien que la justice réparatrice mette l'accent sur la responsabilisation du délinquant et la réparation du tort causé, il est aussi important de répondre aux besoins du délinquant afin de réduire le risque de récidive, particulièrement dans le cas des délinquants à risque élevé.
  3. Si les collectivités participent au processus de réparation, les programmes de justice réparatrice peuvent alors devenir avantageux pour l'ensemble de la société. Il faut donc étudier plus à fond les avantages de cette approche.

Source

Pour plus de renseignements

Tanya Rugge, M.A.
Recherche correctionnelle
Sécurité publique Canada
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Télé. : 613-991-2826
Téléc. : 613-990-8295
Courriel : Tanya.Rugge@ps-sp.gc.ca

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