Rapport annuel sur l'utilisation des arrestations sans mandat en vertu de la Loi antiterroriste
2003
Table des matières
1. Introduction
Dans la foulée des événements tragiques du 11 septembre 2001, le Canada s'est empressé d'élaborer un Plan antiterroriste complet. Dans le cadre de ce plan, le gouvernement a présenté la Loi antiterroriste (projet de loi C 36) au Parlement le 15 octobre 2001, qui a par la suite reçu la sanction royale le 18 décembre 2001.
Au moyen de modifications au Code criminel, la nouvelle Loi a créé des mesures visant à prévenir les incidents terroristes et à fournir aux organismes d'application de la loi de nouveaux instruments d'enquête. Des exemples de ces instruments sont les aspects sur lesquels portent l'investigation et l'arrestation à titre préventif.
En vertu du paragraphe 83.31(3) du Code criminel, chaque année, le solliciteur général du Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) doit établir et faire déposer devant le Parlement un rapport sur l'utilisation de son pouvoir d'arrestation sans mandatNote de bas de page 1 (arrestation à titre préventif).
Le Code criminel exige également que, chaque année, le ministre responsable de la sécurité publique dans chaque province publie, ou mette à la disposition du public de toute autre façon, un rapport sur l'utilisation du pouvoir d'arrestation sans mandat, la durée de la détention et le nombre de cas où une personne a été arrêtée sans mandat, puis libéréeNote de bas de page 2.
Le premier rapport annuel du solliciteur général du Canada a été déposé au Parlement et au Sénat le 1er mai 2003. Durant la période visée, la gendarmerie royale du Canada n'a pas invoqué le paragraphe 83.3(4) du Code criminel; on n'a d'ailleurs invoqué aucune autre disposition en lien avec le pouvoir d'arrestations sans mandat.
2. Aperçu des pouvoirs d'arrestation sans mandat
L'un des éléments clés du plan de lutte du gouvernement contre le terrorisme consiste à donner les outils nécessaires à la police, aux procureurs et aux tribunaux pour prévenir les incidents terroristes. Les articles 83.28 et 83.29 du Code criminel permettent à l'agent de la paix, " pour la conduite d'une enquête relative à une infraction de terrorisme ", de demander à un juge, en l'absence de toute autre partie, de rendre une ordonnance autorisant la recherche de renseignements. Ces dispositions sont semblables à des dispositions de la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle. Elles permettent au juge d'ordonner l'interrogation d'un témoin important qui pourrait avoir des renseignements sur une infraction de terrorisme qui a été ou qui pourrait être commise. Ces dispositions ne sont pas conçues pour engager des poursuites contre la personne et, en fait, la personne est protégée par le paragraphe 83.28(10) stipule que ses réponses ne peuvent être utilisées ou admises contre elle dans le cadre de poursuites criminelles, sauf dans le cas d'une poursuite intentée pour parjure ou témoignage faux. Les dispositions comprennent d'autres garanties des droits de la personne.
L'article 83.3 du Code criminel permet à l'agent de la paix de procéder à une arrestation, notamment lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera mise à exécution. Aux termes du paragraphe 83.3(4), l'agent de la paix peut arrêter sans mandat la personne lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste pourrait être posé et que l'urgence de la situation rend difficilement réalisable le dépôt d'une dénonciation. La théorie qui sous tend ce pouvoir est que la prévention est la façon la plus efficace de lutter contre le terrorisme.
Voici les principaux éléments de l'arrestation sans mandat :
- L'agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une activité terroriste sera mise à exécution et doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner que l'arrestation d'une personne est nécessaire pour éviter la mise à exécution de l'activité terroriste.
- L'urgence de la situation rend difficilement réalisable l'obtention du consentement du procureur général et le dépôt d'une dénonciation devant un juge de la cour provinciale.
- L'agent de la paix a des motifs raisonnables de soupçonner que la mise sous garde de la personne est nécessaire afin de l'empêcher de mettre à exécution une activité terroriste.
Lorsque les conditions susmentionnées sont respectées, la personne peut être arrêtée sans mandat.
Voici les principaux éléments de la procédure :
- L'agent de la paix qui a effectué l'arrestation doit déposer une dénonciation avec le consentement du procureur général du Canada devant un juge de la cour provinciale en ce qui concerne les motifs raisonnables de l'arrestation.
- La personne arrêtée sans mandat peut être mise en liberté avant d'être conduite devant un juge de la cour provinciale par l'agent de la paix ou le fonctionnaire responsable.
- La personne arrêtée sans mandat et mise sous garde est conduite devant un juge de la cour provinciale, si le juge est disponible, dans un délai de vingt quatre heures. Si un juge de la cour provinciale n'est pas disponible dans un délai de vingt quatre heures après l'arrestation, la personne est conduite devant un juge de ce tribunal le plus tôt possible.
- Une fois que la personne est conduite devant le juge, ce dernier ordonne qu'elle soit mise en liberté si aucune dénonciation n'a été déposée. Si une dénonciation a été déposée, le juge ordonne que la personne soit mise en liberté, sauf si l'agent de la paix fait valoir que sa mise sous garde est nécessaire. Le juge peut ajourner la comparution, mais l'ajournement ne peut excéder quarante huit heures.
Les dispositions concernant l'investigation et l'arrestation à titre préventif doivent faire l'objet d'un rapport annuel et d'une temporisation. Elles cessent de s'appliquer à la fin du quinzième jour de séance postérieur au 31 décembre 2006, sauf si, avant la fin de ce jour, ces articles sont prorogés par résolution adoptée par les deux chambres du Parlement.
Le paragraphe 83.31(4) du Code criminel stipule que sont exclus du rapport annuel les renseignements dont la divulgation compromettrait une enquête en cours ou nuirait à une telle enquête ou mettrait en danger la vie ou la sécurité d'une personne. De plus, la divulgation ne doit pas porter atteinte à une procédure judiciaire, ni être contraire à l'intérêt public.
3. Statistiques
Les alinéas 83.31(3)a) et 83.31(3)b) du Code criminel stipulent que, chaque année, le solliciteur général du Canada établit un rapport contenant notamment les renseignements ci après :
83.31(3)a)
- Le nombre d'arrestations effectuées sans mandat.
- La durée de la détention de la personne dans chacun des cas.
Du 24 décembre 2002 au 23 décembre 2003, la Gendarmerie royale du Canada et le Service fédéral des poursuites du ministère de la Justice ont déclaré qu'aucune arrestation sans mandat n'avait été effectuée en vertu du paragraphe 83.3(4) du Code criminel. Il n'existe donc pas de statistiques sur la durée de la détention de la personne.
83.31(3)b)
- Le nombre de cas d'arrestation sans mandat suivi d'une mise en liberté par un agent de la paix.
- Le nombre de cas d'arrestation sans mandat suivi d'une mise en liberté par un juge.
Puisque aucune arrestation sans mandat n'a été effectuée en vertu du paragraphe 83.3(4), il n'y a donc pas de statistiques à déclarer au sens de l'alinéa 83.31(3)b). Ces renseignements ont été confirmés par la Gendarmerie royale du Canada et Service fédéral des poursuites du ministère de la Justice.
4. Évaluation générale
Les dispositions de la Loi antiterroriste concernant les investigations et les arrestations à titre préventif visent à fournir des outils à la police, aux procureurs et aux tribunaux pour les aider à bien reconnaître les menaces et les activités terroristes et à enquêter sur ces dernières dans le cadre de l'objectif général qui consiste à prévenir que de telles activités aient lieu.
Le fait que la Gendarmerie royale du Canada n'ait pas effectué d'arrestations en vertu du paragraphe 83.3(4) du Code criminel au cours de la première ou de la deuxième année d'existence de la Loi antiterroriste est révélateur.
Ce fait montre que la police considère le pouvoir d'arrestation sans mandat uniquement comme une mesure de prévention. Les organismes d'application de la loi ne prennent pas à la légère les pouvoirs soigneusement définis qui leur ont été conférés par le Parlement au moyen de la Loi antiterroriste et ils sont sensibles aux répercussions de l'application de tels pouvoirs.
Par conséquent, les dispositions de la Loi antiterroriste réalisent leur dessein initial : elles garantissent des moyens législatifs pour protéger la population canadienne et la collectivité mondiale tout en respectant les valeurs de justice et les droits des Canadiens et Canadiennes, y compris en établissant un équilibre entre les droits à la sécurité de la personne et la protection des libertés civiles.
Les obligations de faire rapport chaque année, comprises dans la Loi antiterroriste, continueront à fournir un moyen utile d'analyser la pertinence de ces dispositions lorsqu'elles sont appliquées.
À l'article 145 de la Loi antiterroriste, il est prévu que cette dernière fera l'objet d'un examen complet trois ans après avoir reçu la sanction royale. Cet examen fournira une autre occasion d'évaluer l'utilité du pouvoir d'arrestation sans mandat en vertu de la Loi, tel qu'il est décrit dans le présent rapport, et des dispositions sur les audiences d'investigation et autres aspects touchant les ordonnances d'engagement assorties de conditions, dont il est question dans le rapport annuel du procureur général du Canada.
- 1
En vertu du paragraphe 83.31(2) du Code criminel, chaque année, le procureur général du Canada doit également rédiger et déposer devant le Parlement un rapport sur l'utilisation du pouvoir d'arrestation sans mandat.
- 2
Aux fins du présent rapport, les statistiques présentées incluent les données liées aux exigences en matière de rapport des gouvernements du Yukon, des Territoires du Nord Ouest et du Nunavut.
- Date de modification :