Consultations publiques sur le programme de suspension du casier – « Ce que nous avons entendu »
Introduction
Le gouvernement du Canada s’est engagé à mener un examen sur les modifications législatives apportées au système de justice pénale au cours des dix dernières années. En appui à cet engagement, une consultation publique en ligne concernant le programme de suspension du casier (auparavant désigné sous le terme de « pardon »), comme il est énoncé dans la Loi sur le casier judiciaire, a été tenue entre le 7 novembre et le 16 décembre 2016, dans le cadre de laquelle un total de 1 166 questionnaires ont été soumis. Des consultations en personne ont également eu lieu, de septembre à décembre, auprès d’environ 70 intervenants du système de justice pénale, notamment des avocats de délinquants, des avocats de victimes, des organismes nationaux autochtones et des représentants provinciaux et territoriaux. En outre, des observations écrites du public ont été utilisées pour obtenir une rétroaction à ce sujet.
Les renseignements recueillis dans le cadre de ces consultations serviront à éclairer l’élaboration des options pour la réforme de la Loi sur le casier judiciaire. Cet examen vise à évaluer les réformes apportées à la Loi sur le casier judiciaire au cours de la dernière décennie, en vue de renforcer la sécurité publique, d’optimiser les ressources, de combler les lacunes et de veiller à ce que les dispositions actuelles s’harmonisent aux objectifs du système de justice pénale.
Les modifications apportées au programme de suspension du casier au cours des dix dernières années englobent le remplacement du terme « pardon » par « suspension du casier », la prolongation des périodes d’attente avant qu’un délinquant soit admissible à la suspension du casier et les modifications aux critères d’admissibilité pour l’obtention d’une suspension du casier.
Le programme de suspension du casier appuie la réadaptation en effaçant la stigmatisation sociale associée au fait d’avoir un casier judiciaire chez les délinquants qui ont purgé leur peine et qui ont démontré leur capacité à vivre comme des citoyens respectueux des lois. La facilitation de la réinsertion sociale de manière efficace et en toute sécurité des anciens délinquants dans la collectivité procure des avantages sur le plan économique, social et de la sécurité publique. La suspension du casier constitue la dernière étape du processus de réinsertion sociale et, à ce titre, le gouvernement est résolu à faire en sorte que celle‑ci soit accessible, équitable et proportionnelle.
Voici un résumé des propos que nous avons entendus au cours du processus de consultation, tels qu’ils ont été soulignés par les participants, et qui découlent de la consultation en ligne, des consultations en personne ciblées et des observations écrites soumises par des membres du public.
Terminologie
Le remplacement du terme « pardon » par « suspension du casier » fait partie intégrante des réformes apportées à la Loi sur le casier judiciaire en 2010 et en 2012. Ce changement a fait l’objet de certaines critiques laissant entendre que le passé des anciens délinquants continue de planer sur eux, plutôt que de faire table rase. Au cours des consultations en ligne et en personne, l’appui envers les deux termes variait, bien que les consultations en ligne ont révélé que 64 % des répondants privilégiaient le terme « pardon » alors que seulement 19 % préféraient le terme « suspension du casier ».
Dans le cadre de la consultation en ligne, de la consultation en personne et des observations écrites, les participants ont clairement indiqué que le terme employé doit refléter l’objectif du programme lui‑même. Les répondants qui privilégiaient le terme « suspension du casier » ont fait remarquer qu’il s’agit d’un terme plus circonscrit, moins chargé sur le plan émotionnel que le terme « pardon ». Des considérations relatives aux victimes ont été soulevées, étant donné que le terme « pardon » sous‑entend la clémence, et de nombreux répondants étaient d’avis qu’il revient aux victimes d’actes criminels et non au gouvernement de pardonner au délinquant.
Les répondants qui préféraient le terme « pardon » ont indiqué qu’il laissait entendre une séparation plus définitive par rapport au passé du délinquant. Le terme correspond davantage à la notion d’effacer les actes répréhensibles afin de permettre au délinquant d’aller de l’avant. Selon de nombreux répondants, ce terme cadre mieux avec la nature du système, puisqu’il promeut davantage la réadaptation des anciens délinquants en leur offrant un nouveau départ ou une deuxième chance.
En dépit des différentes préférences, un consensus s’est dégagé, à savoir que le terme employé devrait dénoter un équilibre entre les considérations relatives aux délinquants et celles des victimes. Il doit être conforme à l’objectif du système consistant à mettre en évidence la réadaptation. Certains participants ont évoqué d’autres termes possibles, notamment les « casiers ouverts et fermés », qui seraient exempts de toute connotation émotionnelle, bien que des préoccupations aient été soulevées quant à la clarté de ces termes et à la confusion possible en ce qui concerne leur utilisation.
Clarification de l’objectif du programme
On a demandé aux participants des consultations en ligne et en personne d’exprimer leur opinion à propos de l’objectif de la suspension du casier ou de ce qu’il devrait être. Au cours des consultations en personne, les participants ont discuté à savoir si une suspension du casier constitue un outil pour atteindre la réinsertion sociale ou une récompense pour avoir déjà réussi à réintégrer la société. Les participants ont indiqué que si le but consiste à faciliter la réintégration, l’accès accru doit être pris en considération, et que si le but consiste à récompenser une personne qui a déjà fait l’objet d’une réintégration, il faudrait prendre en compte des exigences plus rigoureuses. Un consensus s’est dégagé dans le cadre des observations écrites ainsi que des consultations en personne voulant que l’objectif doive englober la diminution des obstacles pour permettre la réinsertion sociale.
Dans le cadre des consultations en ligne, 43 % des répondants étaient d’avis que l’objectif de la suspension du casier devrait consister à aider les personnes à aller de l’avant et à faire en sorte qu’il soit plus facile pour elles d’obtenir un emploi, de trouver un logement, de voyager, etc. Chez les répondants en ligne, 38 % ont mentionné que l’objectif devrait être de récompenser la bonne conduite à la suite d’une peine et de reconnaître que la dette envers la société a été payée.
Au cours des consultations en personne, les participants ont discuté du concept lié au changement des perceptions sociales entourant la suspension du casier afin qu’elle s’inscrive comme un droit plutôt qu’un privilège. Les participants ont ajouté qu’un accès raisonnable à la suspension du casier permet d’assurer une protection contre la discrimination aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne et des lois provinciales en matière de droits de la personne.
Critères d’admissibilité et périodes d’attente
De 2010 à 2012, des modifications quant aux critères d’admissibilité et aux périodes d’attente ont été apportées, notamment une prolongation de la période d’attente pour présenter une demande de suspension du casier qui est passée de trois à cinq ans pour une déclaration sommaire de culpabilité, et de cinq à dix ans en ce qui concerne une condamnation pour acte criminel. La plupart des personnes ayant une condamnation pour des infractions visées à l’annexe 1Footnote 1 ainsi que toute personne ayant plus de trois condamnations pour acte criminel lui ayant valu chacune une peine de deux ans ou plus inscrites à leur casier judiciaire ont été déclarées inadmissibles à recevoir une suspension du casier.
On a demandé aux participants d’exprimer leurs points de vue sur les critères d’admissibilité en place, les périodes d’attentes, les exclusions rattachées à la présentation d’une demande, ainsi que sur les améliorations à apporter. Les répondants de la consultation en ligne ont montré un soutien mitigé à l’égard de « certains » actes criminels jugés inadmissibles, avec 48 % des répondants affirmant que cela semblait équitable, alors que 43 % des répondants soutenaient que cela était trop sévère. En ce qui concerne les critères d’admissibilité, des participants ont donné à entendre lors des consultations en personne qu’il faudrait établir une distinction entre les délinquants qui sont généralement respectueux des lois (par exemple, première comparution devant le tribunal, première condamnation, infraction mineure, etc.) et ceux dont les antécédents criminels sont plus nombreux.
Les participants ont examiné si le type de condamnation (par exemple, une déclaration sommaire de culpabilité par rapport à une condamnation pour acte criminel) constitue un facteur pertinent pour déterminer les périodes d’attente. Ils ont examiné l’idée de classer les périodes d’attente en fonction du type d’infraction (par exemple, avec ou sans violence), étant donné que cette façon de faire pourrait se révéler plus représentative de la gravité de l’infraction. Les répondants de la correspondance écrite ainsi que ceux de la consultation en personne ont mentionné que le fait de recourir à la procédure sommaire ou au processus par voie de mise en accusation a parfois peu à voir avec l’infraction elle‑même, mais plutôt avec les avocats chargés de l’affaire. Les participants aux consultations en personne s’entendaient pour dire que les délinquants violents devraient être soumis à une période d’attente plus longue que celle des délinquants non violents, et certaines des données tirées des répondants au questionnaire ont confirmé ce point de vue. On a demandé aux répondants à la consultation en ligne si d’autres facteurs devraient être pris en considération au moment de déterminer les périodes d’attente. Il appert que 35 % des participants ont convenu que les circonstances et la gravité de l’acte criminel constituaient les facteurs les plus importants, suivi par la bonne conduite ou l’engagement à changer de la part du demandeur (24 %).
De l’avis général de tous les participants, les périodes d’attente pour présenter une demande de suspension du casier sont trop longues. La majorité des répondants à la consultation en ligne estimaient que les périodes d’attente de cinq ans pour une infraction punissable par procédure sommaire (74 %) et de dix ans pour une infraction punissable par voie de mise en accusation sont trop longues (69 %). Ces points de vue étaient semblables dans les consultations en personne ainsi que dans la correspondance reçue à cet égard. Bon nombre de personnes étaient d’avis que les précédentes périodes d’attente de trois et cinq ans pour les infractions punissables par procédure sommaire et par voie de mise en accusation, respectivement, étaient suffisantes. Certains étaient d’avis que les périodes d’attente devraient tenir compte des répercussions de l’infraction sur les victimes et la collectivité, ainsi que de la probabilité de récidive et de l’incidence potentielle de celle‑ci sur les victimes et la société. Ils ont aussi échangé sur la question de savoir si la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) devrait prendre en considération les dossiers de traitement existants et les outils d’évaluation des risques actuels dans le cadre de la détermination de l’admissibilité (par exemple, les délinquants qui présentent un risque plus élevé devraient attendre plus longtemps avant d’être admissibles que les délinquants qui posent un risque plus faible).
Des participants ont souligné qu’il faudrait envisager de remplacer les périodes d’attente prédéterminées par un examen des circonstants au cas par cas mené par les commissaires de la CLCC. Le point de vue global à cet égard était que les périodes d’attente se révélaient trop longues et que les critères d’admissibilité devraient être revus et améliorés de manière à ce qu’ils s’harmonisent à l’objectif du système de suspension du casier, qu’ils reposent sur des données probantes, en prenant en considération la gravité de l’acte criminel et les facteurs externes pertinents à l’infraction.
Amélioration de l’efficience et de l’accès au processus
On a demandé aux participants aux consultations en personne et en ligne comment améliorer le système de suspension du casier. De nombreux thèmes similaires se sont dégagés dans la correspondance en ligne reçue de la part du public. Bon nombre de répondants étaient d’avis que les modifications apportées en 2010 et 2012 étaient inutiles, et qu’il faudrait rétablir la loi précédente.
Un thème important portait sur le fait que le processus était lourd pour le demandeur quant à la marche à suivre pour obtenir les résultats des vérifications du casier judiciaire tant de la part des services de police locaux que de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de même que tous les documents et autres formulaires requis par le tribunal. Bon nombre d’entre eux ont donné à entendre qu’un système de demandes/dossiers électronique simplifierait le processus. Certains participants ont discuté de l’établissement d’un processus au moyen duquel un dossier serait créé au moment de la condamnation de façon à regrouper la totalité de l’information qui serait exigée le cas échéant lors d’une demande de suspension du casier. Toutefois, des préoccupations ont été soulevées quant à l’organisation qui serait responsable de la tenue de ce dossier et des mécanismes qui permettraient d’intégrer tous les renseignements issus des différentes administrations.
À l’heure actuelle, les frais pour présenter une demande de suspension du casier totalisent 631 $, par rapport au montant de 50 $ exigé avant 2010. Même si cette question n’était pas précisément abordée pendant l’examen, les répondants aux consultations en ligne, les participants aux consultations en personne et les membres du public qui ont fait part de leurs préoccupations ont indiqué que les frais actuels sont trop élevés et constituent un obstacle pour de nombreuses personnes en vue de l’obtention d’une suspension du casier. On a fait valoir que la plupart des personnes qui demandent une suspension du casier judiciaire le font dans l’espoir d’obtenir un emploi stable.
Processus automatique
On a demandé aux participants s’il faudrait examiner la possibilité d’un système automatisé de suspension du casier. Les avantages liés à un système automatisé comprendraient la réduction du caractère arbitraire de la suspension du casier, des inégalités d’accès et des fardeaux administratifs, tout en améliorant l’efficience. Des participants étaient d’avis que toutes les infractions doivent être admissibles à l’utilisation du système automatisé, alors que d’autres recommandaient la mise en place d’un système par l’entremise duquel certaines infractions ne seraient pas admissibles en raison du type ou de la gravité de l’acte criminel.
Dans le cadre de la consultation en ligne, 83 % des répondants ont convenu que les suspensions du casier devraient être automatiques pour certains actes criminels, dans la mesure où le délinquant a fini de purger toutes les parties de sa peine (y compris le paiement des amendes exigibles) et n’a commis aucune infraction pendant une période de temps prescrite. Plus fréquemment, les participants ont répertorié les infractions contre les biens, les vols, les crimes liés à la drogue, les crimes sans violence et les infractions punissables par procédure sommaire comme les infractions qui devraient être admissibles à la suspension automatique du casier. Nombre de participants ont affirmé que la suspension automatique du casier devrait être prise en considération pour les délinquants reconnus coupables d’infractions qui ne sont plus réputées être des actes criminels, notamment la prostitution, la sodomie, les relations homosexuelles consensuelles et la possession de cannabis s’il devait être légalisé.
Certaines préoccupations ont été soulevées lors des consultations en personne à propos d’un processus automatique, notamment les questions pratiques liées à son fonctionnement, étant donné que les casiers judiciaires ne sont pas tous conservés dans la base de données du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) de la GRC, et à la participation des autres administrations comme les provinces, les territoires et les agents des services frontaliers à cet égard. Des participants s’inquiétaient également du fait qu’un système automatique donnerait lieu à un examen moins approfondi des renseignements rattachés à un cas, et réduirait la confiance de la population canadienne envers le système de justice pénale. Ils ont dit craindre qu’un système automatique ne soit pas en mesure de prendre suffisamment en compte les problèmes des victimes. Les participants ont aussi dit craindre que la suspension automatique du casier pour les infractions mineures ait une incidence sur la capacité des organismes d’exécution de la loi et de l’État de dégager les tendances et les signes précurseurs à l’origine de crimes plus graves. Il s’agit d’une question particulièrement pertinente pour les cas de terrorisme et de radicalisation menant à la violence où un système automatique pourrait nuire à la capacité des organismes d’exécution de la loi de surveiller ces délinquants ou de mener des enquêtes sur ceux‑ci.
Effacement
On a demandé aux participants des consultations en personne si la Loi sur le casier judiciaire devrait traiter du moment où un casier devrait être effacé. Certains participants ont exprimé la nécessité de compter sur un processus distinct du processus de suspension du casier, et dit que ce processus se révélerait particulièrement adapté pour les infractions qui ne sont plus considérées comme des actes criminels aux termes du Code criminel (par exemple, les relations homosexuelles consensuelles, la prostitution et éventuellement la possession simple de cannabis à l’avenir). Les participants ont discuté des difficultés que cela pourrait soulever pour les infractions qui vont et viennent entre la criminalisation et la décriminalisation (comme la prostitution). Des discussions ont suivi sur les circonstances entourant la question de savoir s’il faudrait divulguer les casiers effacés, les supprimer ou les sceller, et s’il faudrait également sceller d’autres documents obtenus par suite d’une condamnation, comme l’ADN et les empreintes digitales, si un casier judiciaire était scellé.
Divulgation des casiers suspendus
Les participants des consultations en personne ont abordé les mécanismes actuels de divulgation des casiers suspendus et des changements qui devraient être envisagés. Ils ont discuté de deux circonstances dans lesquelles les divulgations peuvent être envisagées, c’est‑à‑dire au moment de présenter une demande de bénévolat ou d’emploi dans des secteurs vulnérables et dans le cadre de nouveaux démêlés avec le système de justice pénale.
Certains participants ont affirmé que ces divulgations devraient se limiter à un poste ou à une tâche en particulier et survenir uniquement lorsqu’il existe un lien entre le type d’infraction et l’emploi sollicité. Des participants ont dit que si un ancien délinquant posait sa candidature pour un travail dans un secteur vulnérable, le système pourrait faire courir à ce secteur vulnérable un risque accru en cas de non‑divulgation du casier suspendu.
Certains d’entre eux ont affirmé que dans le cas où un ancien délinquant revient dans le système de justice pénale, le système devrait être au courant des infractions ayant fait l’objet d’une suspension de casier. Certains participants ont soulevé des préoccupations quant au fait que les avocats de la Couronne ne sont pas avisés de l’existence d’un casier suspendu lorsque de nouveaux chefs d’accusation sont déposés (ils sont seulement informés au moment du prononcé de la peine). Ces renseignements sont susceptibles d’influer sur la manière dont ils engagent les poursuites (p. ex. par procédure sommaire ou par voie de mise en accusation et conditions liées à la liberté sous caution). Les participants ont discuté de la faisabilité de divulguer le dossier à la Couronne, mais avec la mise en garde qu’il s’agisse d’un casier suspendu, ou encore de signaler l’existence du casier suspendu, après quoi la Couronne peut présenter une demande de divulgation. Des préoccupations semblables ont été soulevées concernant les services de police qui ignorent l’existence de casiers suspendus à l’étape d’une enquête.
Autrement, certains participants étaient d’avis que le fait d’accorder l’accès (ou de signaler l’existence d’un casier suspendu) aux étapes de l’enquête ou des poursuites remettait en question la valeur de la suspension du casier, et que cela allait à l’encontre de la présomption d’innocence. Ils ont semblé indiquer que si le critère lié à la suspension du casier est satisfait, il devrait être impossible de pouvoir réutiliser celle‑ci contre un délinquant au tribunal. Aussi, si un délinquant récidive, son cas devrait être traité comme une première infraction. On s’est demandé si l’on pourrait établir des seuils ou des limites à cet égard afin de satisfaire les deux parties. Toutefois, on n’est parvenu à aucun consensus.
Considérations relatives aux Autochtones
On a demandé aux participants des consultations en personne d’envisager toutes les questions du point de vue des Autochtones, et ils ont mis en évidence plusieurs enjeux. La réinsertion sociale dans les collectivités autochtones est unique en raison des difficultés auxquelles de nombreuses collectivités font face, des antécédents d’abus, des effets disproportionnés sur les questions inhérentes à la santé mentale et à la surreprésentation, des faibles taux d’instruction et d’emploi, etc. Certains étaient d’avis que les répercussions d’un système prohibitif et onéreux sur ces collectivités se révèlent plus notables en raison de ces facteurs, et qu’il faudrait mettre plus particulièrement l’accent sur l’effacement automatique des casiers judiciaires des Autochtones. Des participants ont proposé que les principes de l’arrêt Gladue soient représentés dans le processus de suspension de casier. Certains ont jugé que les restrictions liées à l’admissibilité en fonction du nombre de condamnations influent de manière indue sur les Autochtones. Selon le caractère holistique de la justice autochtone, certains types d’infractions (par exemple, agression sexuelle) ne peuvent être traités différemment des autres.
Considérations relatives aux victimes
Lorsqu’on a demandé aux participants aux consultations en personne de tenir compte des points de vue et des besoins des victimes, certains d’entre eux ont indiqué que les victimes appuyaient généralement les personnes respectueuses des lois qui souhaitent réintégrer la société et reprendre une vie normale. Toutefois, certains ont souligné l'importance de tenir compte des suspensions de casier à la suite d’infractions liées à une agression sexuelle ou d’infractions pouvant causer des préjudices graves aux victimes, qui sont de nature plus sensible. Par conséquent, ils ont proposé de prolonger les périodes d’attente des personnes ayant commis de telles infractions, et de tenir compte du préjudice causé aux victimes au moment de la détermination de l’admissibilité. Étant donné que les victimes peuvent souffrir à long terme ou toute leur vie des répercussions liées au préjudice causé, des participants ont donné à entendre que la connotation de clémence liée au terme « pardon » ne serait peut-être pas appropriée. Ils ont affirmé qu’il revenait aux victimes et non à l’État, d’accorder le pardon. Toutefois, ce point de vue ne ressortait pas de la consultation en ligne puisque 60 % des répondants représentant les victimes ont appuyé le terme « pardon ».
Des participants étaient d’avis que tous les éléments d’une condamnation (durée de la peine, amendes payées, restitution, etc.) sont essentiels et doivent être terminés avant que le casier d’un délinquant soit suspendu. Les victimes s’attendent à ce que les ordonnances de dédommagement à leur égard soient payées avant que la suspension du casier ne soit octroyée. Quand les circonstances l’exigent, certains jugeaient que la mise en place d’un mode de paiement pourrait suffire étant donné qu’il existe un mécanisme pour révoquer la suspension du casier si les paiements ne sont pas effectués.
Absence de condamnations dans les casiers judiciaires
À l’heure actuelle, la Loi sur le casier judiciaire ne prévoit aucune disposition pour l’effacement des dossiers/la suspension du casier judiciaire comportant un retrait des accusations ou un arrêt des procédures. Cela signifie que les accusations qui ne sont jamais traduites par des condamnations sont susceptibles de demeurer inscrites au casier judiciaire d’une personne. Des participants ont fait valoir ce point au cours des consultations en personne en indiquant que dans le cas d’un arrêt des procédures ou du retrait des accusations, les accusations pourraient demeurer indéfiniment dans le dossier de la personne, alors que si elle avait vraiment été déclarée coupable et condamnée, celle-ci aurait été admissible un jour à la suspension du casier. Ils étaient aussi d’avis qu’il devrait y avoir moyen de prendre des mesures relatives à la communication de données de non-condamnation, sans tenir compte de la raison pour laquelle une infraction n’a donné lieu à aucune condamnation (par exemple, arrêt des procédures, retrait des accusations). On a aussi fait valoir que dans les cas où l’arrêt des procédures ou le retrait des accusations est survenu, les accusations demeurent indéfiniment dans le dossier de la personne, alors que si elle avait été vraiment déclarée coupable et condamnée, celle‑ci aurait été admissible un jour à la suspension du casier.
Une accusation portée à l’égard d’un délinquant, même si elle ne donne jamais lieu à une arrestation, a été citée comme motif de refus de la suspension du casier. Cela a été jugé inéquitable par les participants et met en évidence le besoin de ne pas communiquer les renseignements de non‑condamnation. On a soulevé l’article 7 de la Charte afin d’appuyer l’idée qu’un dossier renfermant tout élément autre qu’une condamnation ne devrait pas être accessible par les responsables de l’exécution de la loi, notamment les policiers et les responsables des services correctionnels, et ne devrait être utilisé qu’aux fins de renseignement.
Paiement d’amendes
À l’heure actuelle, les délinquants qui ont des amendes assorties à leur peine doivent acquitter celles‑ci avant de pouvoir présenter une demande de suspension du casier. Certains participants aux consultations en personne étaient d’avis que le paiement d’amendes doit demeurer un prérequis à l’admissibilité des délinquants, alléguant que les amendes et les suramendes compensatoires doivent être envisagées comme faisant partie intégrante de la peine. On a objecté que les amendes ne doivent pas faire obstacle à une suspension du casier, étant donné que de nombreux délinquants ne sont pas en mesure d’obtenir un emploi en raison de leur casier judiciaire. On a exprimé que bon nombre de délinquants ignorent que des amendes ou des suramendes compensatoires peuvent demeurer dans leur dossier et l’apprennent seulement lorsqu’ils se voient refuser la suspension de leur casier. Les délinquants doivent payer l’amende, s’acquitter encore d’autres frais pour présenter une nouvelle demande de suspension du casier, puis recommencer la période d’attente imposée. Bon nombre de répondants et de participants à toutes les consultations ont jugé ce processus inéquitable.
De nombreuses personnes qui ont écrit des observations estimaient que le système judiciaire devrait consentir un effort supplémentaire pour veiller à ce que les amendes soient versées aux victimes. Par conséquent, les victimes éprouveraient moins de difficultés à recevoir leur dédommagement. En outre, cela contribuerait à faire en sorte que les délinquants ne se voient pas refuser une suspension du casier uniquement parce qu’ils avaient oublié ou ignoraient que des amendes ou des suramendes compensatoires figuraient toujours à leur dossier.
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