Pratiques exemplaires de travail auprès des jeunes délinquants multirécidivistes au CanadaFootnote 1 : Rapport sommaire

Présenté par :
Institut canadien de recherche sur le droit et la famille et Centre for Initiatives on Children, Youth and the Community Footnote 2

Préparé par :
Berenice DeGusti, M.A.
Leslie MacRae, M.A.
Michel Vallée, M.Sc.
Tullio Caputo, Ph.D.
Joseph P. Hornick, Ph.D.

Introduction

En 2006, l’Institut canadien de recherche sur le droit et la famille (ICRDF) a entrepris à Calgary un projet triennal intitulé A Study of Youth Offending Patterns, Serious Habitual Offenders and System Response (Étude des comportements des jeunes délinquants, des récidivistes invétérés et des modes d’intervention du système). L’un des objectifs de cette étude était de créer une base de connaissance des pratiques exemplaires utilisées au Canada et à l’étranger auprès des jeunes délinquants multirécidivistes. Grâce au financement offert par l’Alberta Law Foundation et le Centre national de prévention du crime, ainsi qu’aux partenariats avec le Centre for Initiatives on Children, Youth and the Community, les services communautaires et de quartier de la municipalité de la Ville de Calgary et le service de police de Calgary, les chercheurs de l’ICRDF ont effectué une analyse de l’environnement pour déterminer quels sont les programmes et les stratégies mises en place par les services de police du Canada pour travailler auprès de cette population de jeunes délinquants.

Le présent rapport résume les renseignements recueillis sur la nature et le type de stratégies et de programmes communautaires, pluriorganisationnels et policiers destinés aux jeunes délinquants multirécidivistes partout au Canada. Afin d’examiner les programmes et les stratégies utilisés par les services policiers au Canada, les chercheurs de l’ICRDF ont mené des entrevues auprès d’intervenants clés d’un certain nombre de services de police et d’autres organismes de partout au pays qui possédaient une expérience de travail en matière de prestation de services aux jeunes délinquants.

Au total, les chercheurs ont communiqué avec 255 services de police et autres organismes au Canada entre octobre 2008 et février 2009, et ont mené au total 140 entrevues à l’aide d’un protocole d’entrevue normalisé. Les services de police et autres organismes (organismes communautaires) offrant des services aux jeunes délinquants qui n’ont pas participé à l’analyse de l’environnement ont soit refusé de participer, soit omis de répondre à la demande avant la fin de la période de collecte de données.

Dans la majorité des provinces, ce sont les services de police qui réalisent les interventions. Cependant, au Québec, les services aux jeunes délinquants sont principalement offerts par 16 centres jeunesse répartis dans la province. Il s’agit d’organismes paragouvernementaux financés presque entièrement par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS). Les centres offrent un éventail de services aux enfants, aux jeunes ainsi qu’à leurs familles, de même qu’aux jeunes de 18 ans et moins visés par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) et/ou par la Loi sur la protection de la jeunesse en vigueur au Québec. Afin d’obtenir une vue d’ensemble des interventions offertes par les autorités québécoises aux jeunes délinquants multirécidivistes, les responsables de l’examen ont envoyé des demandes aux 16 centres jeunesse de la province. Des entrevues ont été menées auprès de représentants de 12 centres jeunesse, qui offrent des services à plus de 85 % de la population de la province, et du Directeur de la protection de la jeunesse d’Inuulitsivik, qui est directement responsable de la prestation de services aux jeunes délinquants au Québec. Les chercheurs ont également communiqué avec 16 services de police, y compris la Sûreté du Québec (SQ), et des entrevues ont été menées auprès de représentants de neuf de ces services de police, qui offrent des services à environ 80 % de la population de la province.

Le tableau 1 présente des renseignements détaillés sur le nombre de services de police et d’organismes communautaires sollicités dans chaque province, ainsi que les taux de réponses. Des renseignements sur le programme étaient recueillis auprès de représentants qui ne participaient pas officiellement au programme. Par conséquent, dans certains cas, très peu de renseignements sur le programme ont pu être obtenus. De plus, très peu de représentants de programmes liés aux services de police autochtones ont participé à l’étude. Par ailleurs, en raison des délais serrés de l’étude, certaines demandes de renseignements étaient toujours en traitement à la fin de la période de collecte de données. Ainsi, bien que le présent rapport expose les stratégies et les programmes offerts par les services de police aux jeunes délinquants multirécidivistes au Canada, ils n’y sont pas tous recensés.

Tableau 1 Services de police et autres organismes sollicités et interviewés, par administration
Administration Nbr sollicités Nbr interviewés % de réponse
Colombie-Britannique  25  15 60,0
Alberta  25  18 72,0
Saskatchewan  26  12 46,2
Manitoba  25  14 56,0
Ontario  50  20 40,0
Québec      
  Services de police  16   9 56,3
  Centres jeunesse  16  12 75,0
Nouveau-Brunswick  19  10 52,6
Nouvelle-Écosse  18  10 55,5
Terre-Neuve-et-Labrador  14   7 50,0
Île-du-Prince-Édouard   9   5 55,5
Territoires du Nord-Ouest  12   8 66,6
Total 255 140 54,9

Stratégies et programmes offerts par la police aux jeunes délinquants multirécidivistes

Tel que mentionné précédemment, le présent rapport est un sommaire des renseignements obtenus durant les entrevues menées auprès des représentants des services de police et d’organismes connexes de l’ensemble du Canada. L’analyse de l’environnement portait principalement sur les programmes offerts par les services de police, mais il est néanmoins important de souligner que de nombreux autres fournisseurs de services et organismes du Canada travaillent auprès des jeunes délinquants et des jeunes à risque de commettre une infraction ou de récidiver Footnote 3. Plus particulièrement, la LSJPA permet maintenant aux tribunaux d’imposer un certain nombre de peines à purger dans la collectivité, ce qui leur laisse une plus grande latitude lorsqu’ils doivent intervenir auprès des jeunes délinquants. Quelques provinces ont recours à des programmes offerts par d’autres organismes, comme la Société John Howard, lorsqu’ils doivent travailler auprès des jeunes présentant un risque élevé.

Le Programme d’assistance et de surveillance intensives (PASI) est une peine semblable à une période de probation, qui offre néanmoins plus de soutien aux jeunes, et suppose une surveillance plus étroite. Même si seulement cinq provinces et territoires ont choisi de recourir au PASI comme peine pouvant être imposée par un juge (Colombie-Britannique, Alberta, Québec, Terre-Neuve-et-Labrador et Yukon), d’autres provinces, dont la Nouvelle-Écosse, ont choisi d’offrir le programme à des candidats adressés par les responsables des services correctionnels ou des services de probation.

De plus, il existe au Canada de nombreux programmes résidentiels et de jour adaptés aux jeunes délinquants multirécidivistes. Le programme Camp Trapping de la Colombie-Britannique est l’un de ces programmes résidentiels offerts aux jeunes délinquants de sexe masculin recommandés par les Youth and Probation Services de la Colombie-Britannique; la participation des jeunes est une condition de leur probation. Le programme PASS (Progressive Accountability through Supervision and Support) de l’Ontario offre des services semblables aux jeunes qui présentent un risque moyen ou élevé de récidive. Le programme offre des services comme des cours sur la maîtrise de la colère et la sensibilisation au traumatisme des victimes, de même que du soutien individuel, familial et scolaire.

Le reste de la présente section décrit et résume les stratégies et les programmes policiers offerts aux jeunes délinquants multirécidivistes partout au Canada. Les nombreux programmes offerts par les diverses administrations du pays sont répartis en trois modèles :

1) modèle de surveillance et d’exécution de la loi,

2) modèle d’intervention pluriorganisationnel et

3) modèle thérapeutique du Québec.

Le présent rapport contient une description des programmes (caractéristiques distinctes et exemples) correspondant à chacun de ces modèles. Toutefois, il convient de mentionner que la majorité des programmes répertoriés au Canada ont des caractéristiques uniques qui reflètent tant les besoins (comme le taux d’infraction de jeunes délinquants) que les ressources disponibles dans les collectivités où le programme est établi. Footnote 4

Modèle de surveillance et d’exécution de la loi

Les premières stratégies et les premiers programmes offerts par des policiers au Canada à l’intention des jeunes délinquants multirécidivistes se concentraient principalement sur une plus grande surveillance et une meilleure exécution de la loi. La majorité de ces premières initiatives se fondaient sur le modèle américain Serious Habitual Offender Comprehensive Action Program (SHOCAP). Le SHOCAP est un programme pluriorganisationnel axé sur les services policiers et conçu pour permettre une approche coordonnée et une meilleure communication entre les organismes qui travaillent auprès des jeunes délinquants récidivistes. L’objectif principal est d’améliorer la surveillance et l’exécution de la loi. Toutefois, dans certaines régions où le programme a été mis en œuvre, les services de police travaillent également en étroite collaboration avec les services sociaux et les services de probation pour la planification des cas et la réinsertion dans la collectivité des jeunes visés par le programme SHOCAP, tout en s’assurant que ceux-ci respectent à la lettre les conditions imposées par les tribunaux. Les délinquants visés sont généralement sélectionnés grâce à un instrument d’évaluation officiel, ou font l’objet d’une recommandation par un comité d’examen interorganisationnel.

Le modèle SHOCAP a été mis en œuvre pour la première fois au Canada en 1988 par le service de police de Calgary. Actuellement, l’objectif principal du programme de Calgary, qui s’appelle maintenant le Programme d’intervention auprès des récidivistes invétérés (PIRI), est de freiner les activités criminelles des jeunes faisant l’objet de la surveillance. Toutefois, les agents collaborent également avec les travailleurs sociaux pour s’assurer que les jeunes visés par le PIRI ont accès à des services de réadaptation et de réinsertion.

Le programme SHOCAP a été mis en œuvre pour la première fois en Saskatchewan en 1999, à Regina, à Saskatoon et à Prince Albert. Depuis, il est devenu l’un des programmes les plus couramment utilisés par les services de police de la Saskatchewan auprès des délinquants multirécidivistes. Bien que chaque service de police ait adapté le programme aux besoins de sa collectivité, notamment en élargissant le programme en réaction à des tendances criminelles précises, comme les introductions par effraction et le vol d’automobile, tous les services ont continué de mettre l’accent sur la surveillance et l’exécution de la loi.

Il existe également en Ontario un certain nombre de programmes offerts par la police qui misent sur la surveillance et l’exécution de la loi. Par exemple, le service de police régional de Halton a mis en œuvre le programme High Enforcement Repeat Offender (HERO), qui s’adresse aux adultes et aux jeunes récidivistes présentant un risque élevé de récidive. Bien que le but de ce programme soit principalement de faire respecter les conditions imposées par les tribunaux, les agents du programme HERO aiguillent également les participants vers des services communautaires, leur fournissent du soutien et une orientation et transmettent aux patrouilleurs des renseignements sur les délinquants récidivistes visés par le programme.

Le Youth Intervention Monitoring Program est un autre exemple de programme de surveillance et d’exécution de la loi offert en Ontario. Il a été mis en œuvre par le service de police régional de Peel en 2005. Ce programme vise les jeunes de moins de 18 ans bénéficiant d’une mise en liberté judiciaire qui font l’objet d’une ordonnance de surveillance par un tribunal et sont affiliés à un gang. Les agents de la police de quartier se voient attribuer entre trois et cinq dossiers et sont responsables de s’assurer que les jeunes respectent les conditions qui leur ont été imposées.

Dans les plus petites collectivités, comme celles des provinces de l’Atlantique et des territoires du Nord, il ne semble pas y avoir une grande demande à l’égard de programmes officiels à l’intention des délinquants multirécidivistes, puisque ceux-ci sont peu nombreux. Les entrevues ont révélé que c’est souvent la GRC et des détachements de police qui s’occupent des plus petites collectivités; ainsi, un petit nombre d’agents communiquent régulièrement entre eux pour discuter des jeunes et des adultes récidivistes. Grâce à cette communication, les membres des services de police savent quels jeunes ont besoin d’une attention et d’une surveillance accrues dans leur collectivité.

Modèle d’intervention pluriorganisationnel

Les programmes fondés sur le modèle d’intervention pluriorganisationnel sont plus récents et sont très populaires dans certaines provinces, particulièrement au Manitoba et en Colombie-Britannique. Ils sont principalement axés sur la prévention et l’intervention afin de réduire le taux de récidive. Bien que les programmes d’intervention pluriorganisationnels permettent eux aussi d’intensifier le niveau de surveillance des jeunes, l’accent est plutôt mis sur l’engagement, pas seulement sur la surveillance. Ces programmes pluriorganisationnels supposent un partenariat entre les services de police et de nombreux autres services communautaires. Ainsi, plutôt que d’utiliser une approche axée sur les services policiers, le programme fait appel au travail d’équipe, dans le cadre duquel des services d’intervention sont offerts aux jeunes recommandés par les services de police. Les activités principales sont l’échange de renseignements sur les jeunes à risque de récidiver et la coordination des services offerts aux jeunes par les organismes partenaires. Dans de nombreux programmes, les jeunes peuvent être aiguillés par tout organisme participant, du moment qu’ils remplissent les critères établis. Certains programmes utilisent également un outil d’évaluation pour déterminer quels sont les jeunes qui présentent un risque important de récidive.

L’examen des programmes offerts dans la collectivité et par la police aux jeunes délinquants montre que cette approche pluriorganisationnelle de gestion des jeunes délinquants multirécidivistes est la plus courante au Manitoba. Par exemple, la ville de Brandon administre l’organisme sans but lucratif Multi Agency Preventative Program (MAPP), qui comprend un réseau formé des organismes suivants : division scolaire de Brandon, Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances, Child and Adolescent Treatment Centre, Child and Family Services of Western Manitoba, Dakota Ojibway Child and Family Services, Métis Child, Family and Community Services, services correctionnels communautaires et pour adolescents, bureau du procureur de la couronne du Manitoba, département de psychologie de l’Université de Brandon, service d’incendie de Brandon et service de police de Brandon. Le MAPP ne fait pas le travail des autres organismes, mais leur offre plutôt du soutien, de la façon suivante :

… rapports sur les activités des jeunes dans la collectivité, à l’école et à la maison; renseignements concernant la police, les tribunaux ou les services de probation; soutien administratif, sur demande; outil de mesure permettant d’évaluer les domaines où il y a eu amélioration ou détérioration au fil du temps; outil d’échange d’idées entre les personnes et les organismes; dossiers complets pouvant être utilisés dans le cadre de conférences de cas ou de réunions pluriorganisationnelles; occasion d’établir un réseau avec d’autres organismes de la collectivité qui partagent les mêmes buts et les mêmes idées pour aider les jeunes à risque. (MAPP à l’intention des jeunes présentant un risque élevé, s.d.).

Des comités pluriorganisationnels semblables sont également utilisés à Fisher Branch, à Killarney et à Oakbank. À Fisher Branch, la GRC collabore avec les organismes de la collectivité pour cibler les jeunes qui obtiennent des services auprès de plusieurs organismes. La GRC rencontre les représentants des divers organismes, y compris les services à l’enfance et les services familiaux, les services de probation et les services psychologiques, et collabore également avec les collectivités des Premières nations pour élaborer des stratégies uniques permettant d’aider les jeunes. Les stratégies consistent notamment à aiguiller les jeunes vers des programmes de sensibilisation aux drogues ou divers programmes de loisirs ou de perfectionnement des compétences, et à organiser des réunions avec les responsables des écoles et des comités de la justice communautaire.

La GRC, à Killarney, participe elle aussi à un comité pluriorganisationnel appelé comité pluriorganisationnel de la division scolaire de Turtle Mountain. Le comité se réunit une fois par mois et est composé de représentants de la GRC, des Services à l’enfant et à la famille, des services de santé mentale, de la division scolaire de Turtle Mountain, des services de probation, des services de santé communautaire et de la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances. Le comité travaille auprès de cinq à vingt jeunes âgés de 12 à 18 ans. Le processus d’aiguillage des jeunes vers le comité n’a rien d’officiel; les représentants des organismes transmettent simplement leurs recommandations au président du comité. Le comité s’efforce de garantir l’uniformité des plans d’action de tous les organismes qui travaillent auprès d’un même jeune. Le rôle de la GRC est de travailler en étroite collaboration avec les services de probation pour s’assurer que les jeunes respectent les conditions qui leur sont imposées par les tribunaux.

La province de la Colombie-Britannique participe à une initiative provinciale de réduction de la criminalité qui vise à faire baisser le taux de criminalité en ciblant les délinquants actifs qui présentent un risque élevé de récidive. En 2005 2006, la GRC a mis à l’essai une première initiative de réduction de la criminalité à Coquitlam, à Comox Valley, à Maple Ridge, à Port Moody, à Penticton, à Port McNeill et à Fraser Lake. Des partenariats ont été établis dans ces collectivités avec les services de santé, les services sociaux et les organismes de réforme de la justice pour orienter l’exécution de la loi vers les délinquants actifs et prioritaires. Par exemple, à Comox Valley, dans le cas des délinquants adultes prioritaires, l’accent est principalement mis sur l’exécution de la loi, mais les agents qui travaillent auprès des jeunes délinquants prioritaires travaillent en partenariat avec les écoles, le Ministry of Children and Family Development et les familles pour fournir des services de réadaptation en plus des services d’exécution de la loi. Depuis le lancement de cette initiative, les collectivités participant au projet pilote ont constaté une diminution importante du taux de criminalité, particulièrement en ce qui a trait aux infractions contre les biens.

Certains membres de l’unité des services aux jeunes du service de police de Vancouver font équipe avec les travailleurs sociaux et les agents de probation dans le cadre de programmes intitulés Yankee 20 et Yankee 10. Les équipes ciblent et surveillent particulièrement les jeunes présentant un risque élevé et fournissent également des services de réadaptation. Les membres du programme Yankee 20 collaborent durant la journée avec les travailleurs sociaux, tandis que les membres du service de police qui participent au programme Yankee 10 collaborent avec les agents de probation le soir pour surveiller les jeunes et garantir le respect des conditions imposées par les tribunaux. Les membres du service de police de l’unité des services aux jeunes rencontrent des représentants des services de probation et des travailleurs sociaux toutes les deux semaines pour déterminer quels jeunes feront l’objet d’une surveillance. Ils n’utilisent pas de protocole officiel pour sélectionner les jeunes, mais évaluent plutôt les facteurs de risque de certains jeunes qui leur ont été recommandés. L’objectif des équipes multidisciplinaires est d’offrir des services globaux aux jeunes visés, grâce à la participation de nombreux organismes répartis dans toute la ville. Chaque organisme est responsable de financer le travail de ses membres, et les équipes font en moyenne plus de 200 vérifications par mois.

Modèle thérapeutique

Par le passé, la province de Québec a adopté une approche unique en matière de justice pour les jeunes. Bien plus que les autres provinces canadiennes, le Québec a favorisé une approche fondée sur la protection et le bien-être de l’enfance pour s’occuper des jeunes présentant un risque de récidive. Le Québec a toujours défendu le principe du développement social; la réadaptation et la réinsertion étant les principaux objectifs. La province a recours à la déjudiciarisation des jeunes et aux peines autres que l’incarcération depuis la fin des années 1970, lorsque la Loi sur la protection de la jeunesse du Québec est entrée en vigueur.

Au Québec, les centres jeunesse, répartis dans la province, sont responsables des jeunes qui ont besoin de protection ainsi que des jeunes ayant des démêlés avec la justice, qui relèvent du mandat du directeur provincial (jeunes contrevenants). Ces organismes paragouvernementaux sont presque entièrement financés par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Ils fournissent un éventail de services aux enfants, aux jeunes et à leur famille, y compris aux jeunes de 18 ans et moins visés par la LSJPA et la Loi sur la protection de la jeunesse du Québec. En fait, les services aux jeunes sont fondés sur le principe suivant : il n’y a que très peu de différence entre les services fournis aux enfants et aux jeunes qui ont besoin de protection et ceux dont ont besoin les jeunes délinquants. Au Québec, on part donc du principe que les jeunes délinquants sont des enfants et des jeunes qui en sont à une étape de leur développement où ils ont besoin d’un soutien spécial. On considère qu’ils sont susceptibles de commettre des erreurs, qu’ils ont des besoins spéciaux et qu’il faut leur fournir un milieu structuré et des conseils pour qu’ils puissent grandir et acquérir de la maturité.

Dans ce contexte, il a été important de mener des entrevues auprès de représentants des centres jeunesse de la province, pas seulement auprès des représentants de la police, puisque les centres jeunesse jouent un rôle très important dans le travail auprès des jeunes, y compris des jeunes délinquants multirécidivistes. Les entrevues menées auprès des représentants de la police ont montré qu’aucun des services de police ayant participé à l’étude n’offre de programmes conçus particulièrement pour les jeunes délinquants multirécidivistes. À l’exception d’un projet pilote de ce type à Montréal, la majorité des services de police prennent plutôt part à des programmes de prévention et à des mesures extrajudiciaires. À Montréal, un travailleur auprès des jeunes (qui relève du mandat du directeur provincial) d’un centre jeunesse de Montréal rencontre les agents de la police de quartier et les jeunes libérés au début de la période de surveillance dans la collectivité de ces jeunes. L’objectif de cette initiative est de fournir aux agents de police de meilleurs renseignements sur les jeunes qui demeurent dans le quartier afin d’améliorer la surveillance.

Comme c’était le cas pour les services de police, les entrevues auprès des représentants des centres jeunesse ont montré qu’il n’existe aucun programme ou service précis destiné aux jeunes délinquants multirécidivistes de la province. Un certain nombre de centres jeunesse tentent d’établir des protocoles de collaboration avec les services de police relativement à leur travail auprès des jeunes et aux enjeux connexes en matière de sécurité du personnel. Toutefois, bon nombre de centres jeunesse semblent avoir de la difficulté à élaborer des protocoles avec la police parce que chacun doit traiter avec plusieurs services de police dans sa région. Par conséquent, les protocoles visent principalement la consultation et la coordination plutôt que la collaboration en matière de programmes, d’examen des cas ou d’intervention.

Les répondants des centres jeunesse ont indiqué que la majorité des centres jeunesse du Québec adoptaient une approche d’intervention clinique différentielle qui offre aux jeunes délinquants un éventail complet de services. Cela mène souvent à une stratégie d’intervention propre à chaque jeune délinquant multirécidiviste. Les jeunes délinquants multirécidivistes reçoivent divers services fondés sur leurs arrangements de garde et l’évaluation qui a été faite d’eux au moment de l’admission.

En plus des interventions individuelles, les centres jeunesse de la province offrent un éventail de programmes spécialisés aux jeunes délinquants. Par exemple, le Centre jeunesse de Montréal offre un programme conçu précisément pour les jeunes délinquants qui font l’objet d’une ordonnance de surveillance intensive pendant leur période de probation ou d’une surveillance dans la collectivité après leur période d’emprisonnement. L’intervention s’inspire de l’approche psychoéducative de Boscoville, c’est-à-dire que les stratégies d’intervention sont fondées sur un modèle cognitivo-comportemental. Bien que les centres jeunesse n’aient pas mené d’évaluation complète de cette approche, une stratégie d’évaluation continue est actuellement en cours. De plus, au moins une étude a été menée par l’Institut de recherche sur le développement social des jeunes et l’Université du Québec en Outaouais relativement à l’efficacité de la surveillance intensive des jeunes par le centre jeunesse de Montréal en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA). Le sommaire de l’étude montre que les jeunes aiguillés vers le programme étaient des jeunes délinquants présentant un risque élevé (Cournoyer et Dionne, 2007). L’évaluation a permis de constater que l’intervention a mené à une réduction du taux de récidive dans 76,2 % des cas, comparativement à 47,7 % dans le cas des jeunes délinquants qui ont fait l’objet d’un arrangement de garde en milieu ouvert.

Une autre analyse de l’efficacité potentielle de cette approche de traitement a porté davantage sur les jeunes délinquants multirécidivistes. Elle est décrite en détail dans un rapport présenté par Le Blanc (2007). Le Blanc laisse entendre qu’une approche psychoéducationnelle utilisée de concert avec un traitement cognitivo-comportemental constituait la façon la plus efficace de travailler auprès des jeunes délinquants difficiles ou multirécidivistes.

Presque tous les centres jeunesse de taille moyenne ou de grande taille offrent des programmes d’intervention spéciaux aux jeunes délinquants incarcérés. Plusieurs centres offrent des programmes cognitivo-comportementaux comme ceux mentionnés précédemment, tandis que d’autres se concentrent davantage sur des approches qui favorisent les stratégies de négociation des interventions ou les éléments liés à la maîtrise de soi. Un des exemples des programmes cognitivo-comportementaux offerts aux jeunes incarcérés est celui du Centre jeunesse de l’Abitibi-Témiscamingue. Ce programme est fondé sur le développement cognitivo-comportemental, le modèle psychoéducatif et la longue expérience des deux établissements pour jeunes qui relèvent de ce centre.

Deux autres centres jeunesse (Mauricie et Centre du Québec et Québec) offrent des programmes d’intervention spéciaux aux jeunes délinquants qui font objet d’une peine d’emprisonnement avec sursis, puisqu’ils croient que ces jeunes présentent un risque élevé de récidive et doivent faire l’objet d’une intervention différentielle. Un certain nombre de centres jeunesse (Montréal, Estrie, Québec et Mauricie) ont indiqué qu’ils offrent des programmes semblables aux jeunes délinquants qui sont mis en liberté sous surveillance dans la collectivité. Le Centre jeunesse de Laval offre par exemple un programme qui jumelle les jeunes délinquants à des agents de gestion de cas qui collaborent avec eux dans les établissements et à des éducateurs ou conseillers externes pour jeunes. Les deux membres du personnel collaborent avec le jeune et sa famille. Les centres jeunesse de la Mauricie et du Centre du Québec offrent des séances de counseling de groupe spécialisées aux jeunes délinquants reconnus coupables d’infractions sexuelles. Toutefois, les jeunes délinquants sexuels récidivistes ou les jeunes délinquants ayant commis des infractions sexuelles plus graves sont exclus de ce programme.

Analyse

Le présent rapport visait à déterminer quels sont les stratégies et les programmes canadiens offerts par la police aux jeunes délinquants multirécidivistes. La section qui suit traite du sens qu’il faut donner aux résultats de l’examen, et indique sur quels domaines il faudra se concentrer pour accroître les connaissances sur ces pratiques et programmes destinés aux jeunes délinquants.

La documentation sur les jeunes à risque mentionne de nombreux facteurs qui font qu’un jeune se met à récidiver. Ces facteurs se divisent en cinq domaines : la personne, la famille, les pairs, l’école et la collectivité. En général, les jeunes délinquants multirécidivistes subissent l’influence d’un certain nombre de facteurs complexes, comme des problèmes de santé mentale, de violence familiale et de dépression, la fréquentation de pairs ayant une influence négative ou la participation à des activités de gangs, de la difficulté à l’école et le fait de résider dans des collectivités qui ne sont pas sûres. La compréhension des répercussions de ces facteurs sur les diverses étapes du développement des enfants et des jeunes, de la petite enfance à la fin de l’adolescence, permettrait d’élaborer des stratégies de prévention et d’intervention plus efficaces. Par conséquent, la détermination précoce des facteurs de risque et les interventions qui suivent sont importantes pour accroître la résilience des jeunes. De plus, selon la documentation, il est essentiel de déployer des efforts concertés dans les divers milieux où l’enfant se développe afin d’accroître ses chances de réussite. De plus en plus, les services de police du Canada interviennent de façon précoce auprès des jeunes à risque d’adopter un comportement criminel récidiviste.

À la lumière de ces constatations, il semblerait que les stratégies d’intervention les plus efficaces dans le cas des jeunes délinquants multirécidivistes sont celles qui comprennent des éléments qui influent sur les facteurs de risque dans les cinq domaines cernés. Les services de police qui collaborent avec les représentants des services communautaires sont susceptibles de travailler plus efficacement auprès des jeunes délinquants multirécidivistes que les services de police qui offrent des programmes sans consulter d’autres organismes qui travaillent auprès des jeunes (par exemple, service de probation, service de protection de l’enfance). Les stratégies d’intervention pluriorganisationnelles utilisées au Manitoba et dans certaines parties de la Colombie-Britannique (par exemple par l’unité des services aux jeunes du service de police de Vancouver) favorisent l’échange de renseignements entre les services de police et les autres organismes, ainsi que la participation directe des organismes qui fournissent des services aux jeunes délinquants dans la collectivité.

La documentation tirée de la recherche donne à penser qu’il s’agit probablement des programmes les plus efficaces. Ceux qui y participent sont en mesure de se tenir au courant de ce qui se passe dans tous les aspects de la vie du jeune et peuvent s’assurer que les plans mis en œuvre ne se nuisent pas. L’approche pluriorganisationnelle permet également de s’assurer que les frères et sœurs du jeune qui participe déjà au programme sont rapidement pris en charge. Certains des programmes de surveillance et d’exécution de la loi qui utilisent des comités pluriorganisationnels pour prendre des décisions et formuler des recommandations à l’intention d’autres ressources communautaires, comme le programme PIRI de Calgary et certains des programmes SHOCAP en Saskatchewan, présentent également certaines des caractéristiques d’une approche stratégique efficace, mais dans une moindre mesure.

Dans l’ensemble, l’examen des programmes offerts aux jeunes délinquants a montré qu’il existe un grand nombre d’initiatives adoptées par la police à l’intention des jeunes délinquants multirécidivistes en Ontario et dans l’Ouest du Canada. Bon nombre de représentants des services de police ont dit que la modification de la loi sur la justice applicable aux jeunes était la principale raison pour laquelle des ressources avaient été consacrées au travail auprès des jeunes délinquants multirécidivistes. La LSJPA laisse plus de liberté aux juges qui souhaitent imposer une peine à purger dans la collectivité, ce qui signifie qu’un plus grand nombre de jeunes le font. Par conséquent, certains services de police ont constaté qu’une surveillance accrue des délinquants multirécidivistes constitue une approche efficace permettant de s’assurer que les jeunes respectent les conditions imposées par les tribunaux.

Au Québec, aucun programme offert par la police ne vise précisément les jeunes délinquants multirécidivistes. Les centres jeunesse de la province ne gèrent pas non plus les jeunes délinquants multirécidivistes comme une population distincte. Les répondants ont indiqué que ces jeunes ne faisaient pas l’objet d’une évaluation particulière permettant de les diriger vers des programmes spéciaux ne faisant pas partie du continuum des services et des programmes qui existent déjà dans la province. Fait important, les répondants ne croyaient pas que ces programmes étaient nécessaires. Le travail auprès des jeunes délinquants récidivistes se fait plutôt par l’entremise des peines qui leur sont imposées par le système judiciaire. C’est dans ce contexte que des traitements et des services spéciaux personnalisés à l’intention des jeunes délinquants ont été élaborés au Québec, y compris dans le cas des jeunes délinquants multirécidivistes.

Les répondants ont indiqué que la majorité des centres jeunesse du Québec ont adopté une approche d’intervention clinique différentielle en fournissant un éventail complet de services aux jeunes délinquants. Cela fait en sorte que les jeunes délinquants multirécidivistes font souvent l’objet de stratégies d’intervention personnalisée. Par conséquent, les jeunes délinquants multirécidivistes reçoivent des services en fonction de leurs arrangements de garde et de leurs évaluations individuelles au moment de l’admission. Les jeunes dont le dossier comporte un plus grand nombre d’infractions reçoivent donc plus de services et font l’objet d’interventions plus intensives.

Le caractère unique de l’approche en matière de justice applicable aux jeunes utilisée au Québec se manifeste par le fait que le taux de criminalité chez les jeunes de cette province était à l’avant-avant-dernier rang au Canada en 2006, selon les statistiques de la police. De plus, la province a obtenu le taux d’accusation des jeunes le moins élevé au pays et le taux d’accusation des jeunes le moins élevé dans le cas des crimes avec violence. Le taux de déjudiciarisation était déjà élevé dans la province lorsque la Loi sur les jeunes contrevenants était en vigueur, et le taux demeure élevé depuis l’entrée en vigueur de la LSJPA. En fait, les données sur la justice applicable aux jeunes au Québec montrent que le taux de criminalité des jeunes dans la province diminue (Caputo et Vallée, 2008). Par exemple, le nombre de jeunes délinquants ayant bénéficié des services offerts par les centres jeunesse a diminué de 32 % entre 2002 2003 et 2005 2006. L’utilisation des services offerts par les organismes communautaires a également diminué de 23 %. De même, le nombre de cas adressés par les tribunaux a diminué de 22,5 % depuis la mise en œuvre de la LSJPA. Dans le cadre d’un examen récent des répercussions de la LSJPA (Bala, Carrington et Roberts, 2009), on a pu constater que, comparativement aux autres provinces, le Québec affiche constamment le taux le moins élevé de cas entendus devant les tribunaux de la jeunesse, de jeunes en détention préventive et de jeunes condamnés à une peine d’emprisonnement au cours des dernières années. Le Québec occupe en outre le deuxième rang, après la Colombie-Britannique, en ce qui concerne la proportion de jeunes pouvant être accusés qui ont fait l’objet de chefs d’accusation depuis la mise en œuvre de la LSJPA. Cela donne à penser que d’une part les services de police gèrent les cas de façon moins officielle, en vertu de la LSJPA, et que d’autre part les taux eux-mêmes diminuent.

Selon une des conclusions importantes de cet examen des stratégies adoptées par les collectivités et par la police à l’intention des jeunes délinquants, il faut évaluer officiellement les stratégies et les programmes offerts par les services de police au Canada. La majorité des programmes n’ont pas fait l’objet d’une évaluation des répercussions. Même si la majorité des services de police n’ont pas effectué d’évaluation officielle de leurs programmes (à l’exception des trois programmes SHOCAP en Saskatchewan), bon nombre des répondants avaient une opinion positive des interventions qu’ils offraient aux jeunes délinquants multirécidivistes. Dans l’ensemble, il semble être nécessaire d’accroître les ressources disponibles pour garantir la continuité et l’efficacité du programme. Pour bon nombre de répondants, ce besoin a été amplifié par l’augmentation des peines à purger dans la collectivité imposées en vertu de la LSJPA, qui fait en sorte que les services de police doivent travailler davantage en partenariat avec les organismes communautaires pour s’assurer que les jeunes libérés dans la collectivité respectent les conditions imposées par les tribunaux.

Il est également difficile pour les programmes de définir ce qu’est un jeune délinquant multirécidiviste. Une des définitions souvent utilisées est la suivante : un jeune ayant commis au moins cinq infractions enregistrées (Carrington 2007; Carrington, Matarazzo et deSouza, 2005; Wolfgang, Figlio et Sellin, 1972). Toutefois, il est évident d’après l’examen des programmes que les définitions opérationnelles des jeunes délinquants multirécidivistes varient grandement selon les programmes, ce qui fait en sorte qu’il est difficile d’établir des comparaisons. Par exemple, en Colombie-Britannique, les services de police s’intéressent principalement aux délinquants qui ont accumulé un certain nombre de condamnations ou de contacts avec les services de police, tandis que dans d’autres provinces, les programmes de la police se fondent sur les recommandations faites par les agents de probation et les travailleurs sociaux qui utilisent des outils d’évaluation pour mesurer un certain nombre de facteurs de risque différents. Bien que certains agents de police interrogés ont mentionné qu’il fallait mettre en place un outil d’évaluation normalisé pour déterminer quels jeunes devraient participer à leurs programmes, l’évaluation de ces jeunes demeure complexe. Les praticiens ont déterminé qu’il était important de tenir compte des enjeux qui vont au-delà du système de justice pénale, particulièrement du rôle que joue la santé mentale au chapitre de l’efficacité des programmes destinés aux jeunes délinquants multirécidivistes. Selon la documentation, les jeunes qui ont de nombreux démêlés avec le système de justice pénale ont souvent des antécédents de problèmes de santé mentale et de toxicomanie qu’ils doivent régler avant de pouvoir tirer profit des services de réadaptation qui leur sont offerts. Des agents de police ont souligné que les troubles de santé mentale peuvent nuire aux chances de réussite des programmes qui ciblent les jeunes seulement en fonction de leurs antécédents criminels. Certains agents ont parlé de la nécessité d’accroître la formation sur les problèmes de santé mentale (p. ex. l’ETCAF) pour que la police puisse travailler plus efficacement auprès des jeunes délinquants multirécidivistes.

D’autres représentants des services de police ont mentionné qu’ils utilisaient une stratégie adaptée à chaque type de crime pour gérer les délinquants dans leur collectivité. Plutôt que de cibler des types précis de délinquants, les stratégies et les programmes mentionnés par certains représentants des services de police visent un type de crime. Par exemple, de nombreuses unités responsables des vols de voitures au pays ciblent et surveillent les délinquants qui ont commis plusieurs vols d’automobile. Par conséquent, les services de police qui décident d’utiliser une stratégie visant un crime en particulier dans leur collectivité sont moins susceptibles d’utiliser en plus une stratégie fondée sur le type de délinquant.

L’adoption de la LSJPA a amené les services de police de partout au Canada à se concentrer davantage sur les jeunes qui risquent de commettre une infraction et les jeunes délinquants. Bon nombre de représentants des services de police interrogés ont mentionné qu’il fallait affecter des ressources aux initiatives de prévention, comme la liaison dans les écoles et les programmes de déjudiciarisation. Lorsque les ressources visaient principalement les programmes d’intervention précoce, les services de police étaient moins susceptibles d’offrir des programmes ciblant les jeunes qui avaient déjà fait l’expérience du système de justice.

Conclusion

La présente étude portait sur les stratégies et les programmes pluriorganisationnels et rattachés à la police, offerts aux délinquants multirécidivistes. Les services de police mesurent souvent la réussite en évaluant le taux d’accusations portées et le nombre de jeunes placés sous garde. Toutefois, il est clair que, bien qu’il soit très important de protéger le public afin de lui éviter d’être victime de jeunes délinquants multirécidivistes, la solution à long terme la plus efficace à ce problème est de s’attaquer aux besoins et aux facteurs de risque des délinquants à un très jeune âge, avant que ceux-ci ne prennent un chemin qui les mène vers la criminalité.

La documentation souligne également l’importance d’examiner l’influence combinée de plusieurs facteurs sur le comportement criminel, ainsi que les répercussions de ces facteurs sur les différentes étapes du développement de l’enfant. Il est important de mener davantage d’études sur ce sujet, puisque ces études pourront permettre d’élaborer de meilleurs programmes d’intervention ciblant les facteurs de risque qui influencent le plus les jeunes à différentes étapes de leur développement. Enfin, l’évaluation des stratégies et des programmes actuellement offerts au Canada est importante, puisqu’elle permettra de garantir que les ressources sont affectées de la façon la plus efficiente possible et que les jeunes en tirent profit au maximum. Les programmes du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’Australie comportent des modèles de pratiques exemplaires qui peuvent être adaptés et mis en œuvre à l’échelle locale au Canada.

Bibliographie

Bala, N., P. Carrington, et J. Roberts. 2009. « Evaluating the Youth Criminal Justice Act after Five Years: A Qualified Success ». Revue canadienne de criminologie et de justice pénale = Canadian Journal of Criminology and Criminal Justice, vol. 51(2). : 131-167.

Caputo, T., et M. Vallée. 2008. A Comparative Analysis of Youth Justice Approaches, (préparé pour le rapport « Les causes de la violence chez les jeunes »). Ottawa : Centre for Initiatives for Children, Youth and Community.

Carrington, P. J. 2007. L'évolution de la délinquance déclarée par la police chez les jeunes Canadiens nés en 1987 et en 1990. Ottawa : Statistique Canada. (Série de documents de recherche sur la criminalité et la justice 85-561-009).

Carrington, P. J., A. Matarazzo, et P. deSouza. 2005. Les carrières devant les tribunaux d’une cohorte de naissance canadienne. Ottawa : Statistique Canada. (Série de documents de recherche sur la criminalité et la justice 85-561-MIF).

Cournoyer, L. G., et J. Dionne. « Éfficacité du programme de probation intensive du Centre jeunesse de Montréal - Institut universitaire. La récidive officielle ». Criminologie, 40(1) : 155­183.

Latimer, J. 2005. « Thérapie multisystémique en guise de réponse à la délinquance juvénile grave », dans ministère de la Justice Canada, Site du ministère de la Justice, [en ligne], http://www.justice.gc.ca/fra/pi/rs/rap-rep/jr/jr12/p5d.html (page consultée le 15 janvier 2009).

Leblanc, Marc. 2007. « Quelle stratégie de réadaptation faut-il privilégier pour les jeunes délinquants difficiles, une perspective de recherche et de développement », Vingtième entretiens du centre Jacques Cartier: Enfermer ou éduquer? Lyon, France.

MAPP for High Risk Youth, brochure du programme, Brandon (Manitoba).

Wolfgang, M., R. Figlio, et T. Sellin. 1972. Delinquency in a Birth Cohort, Chicago, Chicago University Press.

Notes

  1. 1

    Lien vers le rapport complet (en anglais) :
    http://people.ucalgary.ca/~crilf/publications/Final_Draft_Best_Practices_Report_May_2009.pdf

  2. 2

    Les opinions exprimées dans le présent rapport sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement l’opinion de l’Institut canadien de recherche sur le droit et la famille, du Centre for Initiatives on Children, Youth and the Community, de l’Alberta Law Foundation ou du Centre national de prévention du crime, qui relève de Sécurité publique Canada.

  3. 3

    De plus, les administrations, et quelques fois les programmes, appliquent des définitions différentes des infractions, de la récidive et de la récidive multiple.

  4. 4

    Une description plus détaillée de chaque programme ainsi qu’un examen documentaire complet des facteurs liés aux délinquants multirécidivistes figure dans le rapport suivant : DeGusti, B., L. MacRae, M. Vallée, T. Caputo et J.P. Hornick (2009). Best Police Practices for Chronic/Persistent Youth Offenders. Préparé pour l’Alberta Law Foundation et le Centre national de prévention du crime. www.ucalgary.ca/~crilf.

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