Effets de l'incarcération et des sanctions intermédiaires sur la récidive : effets généraux et différences individuelles
Table des matières
Liste des Tableaux
- Tableau 1. Degré d'effet moyen avant et après pondération selon les types de sanctions
- Tableau 2. Degré d'effet moyen avant et après pondération selon la durée d'incarcération
- Tableau 3. Degré d'effet moyen avant et après pondération selon le type de sanctions et l'âge
- Tableau 4. Degré d'effet moyen avant et après pondération selon le type de sanctions et le sexe
- Tableau 5. Degré d'effet moyen avant et après pondération selon le type de sanctions et la race
- Tableau 6. Degré d'effet moyen avant et après pondération selon le type de sanctions et la qualité des plans de recherche
- Tableau 7. Degré d'effet moyen avant et après pondération selon le type de sanctions et le degré de risque
2002-01
Paula Smith, M.A.
Claire Goggin, M.A.
Paul Gendreau, Ph.D.
Département de psychologie
et
Centre for Criminal Justice Studies
Université du Nouveau-Brunswick, Saint John
Les opinions exprimées n'engagent que les auteurs et ne sont pas nécessairement celles du portefeuille du Solliciteur général du Canada. Ce document est disponible en anglais. This report is available in English under the title : The Effects of Prison Sentences and Intermediate Sanctions on Recidivism: General Effects and Individual Differences
Vous pouvez également l'obtenir sur le site Internet de Solliciteur général Canada : www.securitepublique.gc.ca
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2002
Nº de cat. : JS42-103/2002
ISBN : 0-662-66475-2
Remerciements
Nous remercions vivement Jim Bonta d'avoir constamment appuyé nos travaux de recherche dans ce domaine. Le financement du projet vient du contrat 1314-01-CG1/587 de Recherche et développement correctionnels au ministère du Solliciteur général du Canada. Pour obtenir tout complément d'information, on s'adressera à Paul Gendreau (courrier électronique : gendreau@unbsj.ca; télécopieur : 506-648-5814).
Sommaire
Dans des rapports antérieurs, nous avons décrit les effets des sanctions sur la récidive (voir Gendreau, Goggin et Cullen, 1999; Gendreau, Goggin et Fulton, 2000; Gendreau, Goggin, Cullen et Andrews, 2000). Dans la présente étude, nous actualiserons les résultats de ces rapports et examinerons les effets des sanctions sur les jeunes, les femmes et les membres de groupes minoritaires. Depuis 1958, 117 études ayant porté sur 442 471 délinquants ont dégagé 504 corrélations entre la récidive et a) la durée d'incarcération, b) l'alternative peines en établissement – sanctions communautaires ou c) les sanctions intermédiaires. On a analysé les données à l'aide de méthodes quantitatives (méta-analyse) pour juger si les peines d'emprisonnement et les sanctions communautaires réduisaient la récidive.
En voici les résultats : premièrement, la nature des sanctions n'a pas d'effet réducteur sur la récidive pour les trois catégories énumérées; deuxièmement, il n'y a pas d'effet différentiel entre les types de sanctions sur les jeunes, les femmes et les membres de groupes minoritaires; troisièmement, il y a des indications qui tendent à associer un accroissement de la durée d'incarcération à une légère augmentation de la récidive.
Les conclusions essentielles de notre étude concordent avec celles des méta-analyses en question.
- On ne devrait recourir ni aux peines d'emprisonnement ni aux sanctions intermédiaires en s'attendant à réduire de la sorte les comportements criminels.
- À en juger par les résultats actuels, un recours excessif à l'incarcération peut entraîner des coûts importants.
- Pour établir qui est défavorablement touché par un séjour en prison, il revient aux responsables des pénitenciers de soumettre à des évaluations répétées et complètes les attitudes, les valeurs et les comportements des délinquants tout au long de leur incarcération et de mettre les changements observés en corrélation avec le phénomène de la récidive après le retour dans la société.
Introduction
Depuis le milieu des années 1970, on fait valoir le rôle des sanctions ou des peines comme moyen efficace de supprimer des comportements criminels (Wilks et Martinson, 1976). Les deux peines le plus souvent privilégiées par les apôtres de la dissuasion ont été l'incarcération et les sanctions intermédiaires (surveillance intensive, surveillance électronique, etc.). Ce qui est intéressant, c'est qu'on n'a mis de l'avant aucune justification empirique cohérente du recours à de telles stratégies. Dans notre recension des études consacrées à la question (Gendreau, 1996), nous avons rarement relevé de mentions d'études expérimentales ou cliniques s'y rapportant (p. ex., Matson et DiLorenzo, 1984). Ce qui passe pour de la rigueur intellectuelle dans le domaine des sanctions est plutôt un véhément appel au bon sensNote de bas de page 1 ou l'idée vaguement exprimée que, d'une manière quelconque, la seule « expérience » d'une sanction, c'est-à-dire l'imposition de ce qu'on qualifie de coûts directs et indirects ou le fait de « faire monter la pression » aura pour effet magique de réformer des traits comportementaux antisociaux qui ont été cultivés la vie durant, et ce, en relativement peu de tempsNote de bas de page 2 (cf. Andaneas, 1968; Erwin, 1986; Nagin, 1998; Song et Lieb, 1993).
Quelles sont alors les preuves que les peines d'emprisonnement et les sanctions intermédiaires sont de bons moyens de punir les comportements criminels? On peut penser que les études qui se sont faites dans ce domaine auraient invariablement pu faire état d'un rapport inverse entre la gravité des sanctions et le taux de récidive (c'est-à-dire d'un effet suppresseur des peines). Une suite de synthèses quantitatives ont récemment récapitulé les résultats de telles études (cf. Cullen et Gendreau, 2000). Les résultats de ces méta-analyses (Gendreau et coll., 1999; Gendreau, Goggin, Cullen et Andrews, 2001) n'accréditent pas nettement une hypothèse de punition. Que les études en question comparent a) ces incarcérations dans leur durée, b) les incarcérations aux sanctions communautaires ou c) les sanctions intermédiaires dans leur gravité, leurs résultats associent un accroissement des peines à une augmentation légère (φ = 0,02 à 0,03) ou nulle (φ = 0,00) de la récidive. Ils ne montrent pas l'existence d'une durée optimale des peines qui serait de nature à réduire la récidive, comme l'ont affirmé certains économistes (Orsagh et Chen, 1988), ni n'indiquent que les prisons sont des écoles du crime (voir un examen détaillé dans Gendreau et coll., 1999). Le seul effet de modération du crime que l'on peut trouver dans tout l'ensemble de données exploité par Gendreau est celui des sanctions intermédiaires : les programmes de surveillance intensive (PSI) qui s'accompagnaient de traitement venaient un peu réduire la récidive (dans une proportion approximative de 10 %; Gendreau, Goggin et Fulton, 2000)Note de bas de page 3.
Dans ces méta-analyses, on n'a toutefois pas évalué d'importants effets différenciés de modération, et notamment les effets des trois types de sanctions sur les femmes, les jeunes et les membres de groupes minoritaires. En ce qui concerne les femmes, on ne voit pas trop ce qui pourrait justifier qu'on les distingue sur ce plan, mais il semblerait que, lorsqu'on a commencé à appliquer la méthode de la « probation de choc », certains pensaient qu'elle serait profitable aux femmes en particulier (cf. Vito, Holmes et Wilson, 1985)Note de bas de page 4. Pour ce qui est des jeunes, un certain nombre de représentants de la classe politique et de pontes du néoconservatisme ont sans cesse vanté l'adoption d'une « ligne dure » envers ce groupe, croyant que, de ce fait, les jeunes seraient davantage amenés à assumer la responsabilité de leurs actes. Cela devait conduire, par exemple, à l'adoption de lois plus répressives contre les jeunes délinquants (Loi sur les jeunes contrevenants; Leschied et Gendreau, 1986). Il est difficile de vérifier si ces idées étaient liées à des attentes de diminution du crime dans l'optique des défenseurs de telles lois. Enfin, nous n'avons pas eu vent d'appels à une accentuation des effets des peines sur les groupes minoritaires (on peut penser qu'une recherche dans Internet permettrait de découvrir des vues racistes à ce sujet). Il suffit de noter que les politiques de justice pénale aux États-Unis ont fait monter les taux d'incarcération de certains groupes minoritaires (Mauer, 1999). On peut aussi penser que les tenants de telles politiques étaient surtout désireux d'obtenir des effets de neutralisation.
Ainsi, dans notre méta-analyse, nous visions à actualiser les résultats que nous avions déjà présentés au sujet des trois catégories générales de sanctions, ainsi qu'à examiner ces résultats en fonction des délinquants appartenant à ces trois fractions de la population. Nous avons également voulu cerner les effets différentiels, sur le degré mesuré d'incidence des sanctions, des plans de recherche, des durées d'incarcération et du degré de risque que présentent les délinquantsNote de bas de page 5. Dans ce dernier cas, les auteurs des premières études consacrées aux sanctions (Waldron et Angelino, 1977) et certains économistes (cf. Gendreau et coll., 1999) ont avancé que les délinquants à faible risque devraient profiter des sanctionsNote de bas de page 6.
Enfin, on ne s'entend pas entre méta-analystes sur le bon nombre de degrés d'effet des sanctions à inclure dans chaque étude de base. Nous avons choisi d'inclure toutes les comparaisons disponibles de groupes de traitement et de groupes témoins (p. ex., Andrews, Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen, 1990; voir aussi Rosenthal, 1991), sinon nous nous trouverions à exclure des données susceptibles de nous éclairer sur d'importantes questions théoriques, de même qu'à accroître la taille de l'échantillon. Ajoutons que notre équipe met bien plus l'accent sur la description que sur l'inférence dans son intégration de la recherche (Gendreau, Goggin et Smith, 2000; voir aussi Hunter et Schmidt, 1990). D'autres méta-analystes prônant plus la prudence ont posé pour hypothèse la possibilité que des degrés d'effet qui ne seraient pas indépendants les uns des autres pourraient indûment influer sur les résultats (Lipsey et Wilson, 2001). Voilà pourquoi nous avons scruté nos résultats pour qu'il n'y ait pas de telle source de confusion.
Méthode
Échantillon d'études
À l'aide de la méthode de filiation et des services de résumés analytiques des bibliothèques, nous avons fait la recension des études des effets de l'incarcération ou des sanctions intermédiaires sur la récidive qui étaient disponibles depuis qu'avait été produit le dernier rapport (Gendreau, Goggin et Fulton, 2000). Voici nos critères d'inclusion de ces études :
- On avait recueilli des données sur les délinquants avant d'observer les résultats sur le plan de la récidive.
- On avait suivi les délinquants pendant au moins six mois après leur peine d'emprisonnement ou leur sanction.
- On trouvait assez de renseignements pour calculer un degré d'effet (coefficient phi (φ) ou corrélation) entre le « traitement » (incarcération ou non-incarcération, par exemple) et la récidive.
- Nos critères d'admissibilité ont été élargis afin d'inclure les études portant sur les cas de conduite avec facultés affaiblies ou celle portant sur le traitement (thérapie cognitivo-comportementale, éducation, toxicomanie, etc.) dont les groupes étaient visés par des sanctions, mais d'exclure les études de sanctions avec plan de recherche « avant-après » ou les études présentant des données agrégées, celles-ci risquant de gonfler les résultats hors de toute proportion (Gendreau, Goggin et Smith, 2001).
Codage des études
Le guide de codage employé dans la présente étude figure à l'annexe A. Une observation s'impose peut-être au sujet du classement des sanctions et des définitions de la qualité de la recherche et du degré de risque.
Les enquêtes indiquent que, pour les citoyens, les décideurs et les délinquants à la fois, la prison est le moyen le plus rigoureux ou efficace de punir le comportement criminel (DeJong, 1997; Doob, Sprott, Marinos et Varma, 1998; van Voorhis, Browning, Simon et Gordon, 1997; Wood et Grasmick, 1999). Signalons, par exemple, que, dans les études spécialisées, on se demande si les délinquants ne pourraient pas en réalité voir dans des peines d'emprisonnement très brèves (de quelques mois) moins une sanction qu'une mise en probation très alourdie (Wood et Grasmick, 1999), mais les données en question n'ont rien de définitif, étant tirées de petits échantillons et faisant uniquement appel aux perceptions des délinquants (on n'a pas d'observations comparatives récentes des deux sanctions visées).
Ainsi, dans la catégorie « incarcération longue ou brève », la durée de l'incarcération était proportionnelle à la gravité de la sanction. Dans la catégorie « incarcération-sanctions communautaires », diverses formes de probation comme la probation ordinaire – qui tendait à prédominer – représentaient la sanction la moins sévère.
Enfin, dans la catégorie des sanctions intermédiaires, le groupe à sanctions était formé des probationnaires à qui avaient été imposés, comme sanction, la surveillance électronique ou intensive, la mise à l'amende, la restitution, la dissuasion par la peur ou les tests de dépistage de drogue. Nous avons d'abord ainsi comparé les intéressés à ceux qui s'étaient vu imposer une sanction de moindre gravité comme la probation ordinaire, laquelle consiste habituellement en des contacts peu fréquents avec les agents de correction. Deuxièmement, nous avons codé comme plus intensives des combinaisons de deux sanctions intermédiaires et plus et avons comparé leur effet à celui d'une sanction unique. Troisièmement, nous avons comparé les délinquants faisant l'objet d'une surveillance intensive à ceux dont les conditions de surveillance étaient moins rigoureuses (8 heures contre 2 heures de surveillance par semaine). Le groupe de comparaison pour les études où l'arrestation était la sanction était formé de personnes qui avaient fait l'objet d'un mandat d'arrêt ou d'une citation à comparaître ou qui n'avaient pas été arrêtées. Les études portant sur les camps de type militaire pour délinquants ont été rangées dans le groupe des sanctions intermédiaires, car cette sanction était souvent précédée d'une mise en probation. Dans ce cas, le groupe de comparaison comprenait les gens soumis à un programme de surveillance intensive ou mis en probation ordinaire.
Les études jugées d'une meilleure qualité étaient celles où il y avait répartition aléatoire (sans points de démarcation dans la procédure appliquée (seuil de déperdition d'effectif fixé à 20 %, par exemple), ainsi que les plans de recherche avec groupes de comparaison où le groupe principal et le groupe témoin étaient semblables pour au moins cinq domaines utiles de prévision de risque (âge, antécédents criminels, valeurs antisociales, etc.; on trouvera une liste plus complète des facteurs applicables dans Gendreau, Little et Goggin, 1996).
On jugeait par ailleurs qu'un échantillon était à haut risque en se reportant a) à ce qu'en déclarait l'auteur de l'étude, b) à des normes de mesure de risque ou c) au taux de récidive du groupe de comparaison (il y avait risque élevé pour un taux de récidive de plus de 16 % en suivi d'un an et de plus de 30 % en suivi de deux ans et plus).
Disons enfin que les codeurs ont toujours erré par excès de codage des sanctions. Dans la mesure du possible, ils ne codaient pas les manquements aux conditions de la libération conditionnelle si d'autres critères de résultats étaient disponibles (les programmes de surveillance intensive créent parfois des taux anormalement élevés de manquement compte tenu des conditions de probation). De plus, pour certaines sanctions intermédiaires (camps de type militaire pour délinquants, par exemple), les données de groupes de comparaison visaient ceux qui avaient terminé l'étude et ceux qui avaient décroché en cours de route. Nous avons tenu compte des degrés d'effet pour les seuls groupes ayant terminé l'étude.
Calcul des degrés d'effet
On trouvera dans Gendreau et coll. (2000) le détail de notre démarche dans le cadre de l'élaboration de politiques correctionnelles par méta-analyse. Mentionnons brièvement que, pour la présente étude, nous avons produit des coefficients phi (φ) pour toutes les comparaisons groupe de traitement-groupe témoin dans chaque étude présentant des relations numériques avec la récidive. Si une relation prédicteur-critère n'était pas significative et qu'une valeur p de plus de 0,05 était la seule statistique présentée, nous attribuions un coefficient φ de 0,00.
Nous avons ensuite transformé les corrélations obtenues en une valeur φ pondérée (z+) par la taille d'échantillon pour chaque degré d'effet et par le nombre de degrés d'effet pour chaque type de sanctions (Hedges et Olkin, 1985). Nous notions les résultats de sorte qu'une valeur positive de φ ou z+ indique un résultat moins favorable (sanction plus sévère avec taux de récidive plus élevé).
Degré d'effet
Nous avons évalué le degré d'incidence des diverses sanctions sur la récidive en examinant les valeurs moyennes de φ et z+, ainsi que leurs intervalles de confiance (IC) respectifs à 95 %. L'IC est un intervalle de valeurs autour du degré d'effet moyen qui, un certain nombre de fois sur 100 (p. ex. 95 %), comprend le paramètre de population correspondant. Son utilité réside dans son interprétabilité : si l'intervalle ne contient pas 0, on peut en conclure que le degré d'effet moyen est significativement différent de 0 (c'est-à-dire qu'il n'est pas dû au seul hasard), bien que l'on sache que la décision de l'interpréter de cette manière demeure arbitraire (Gendreau et coll., 2000). De même, s'il n'y a pas de chevauchement entre les IC à 95 % des degrés d'effet moyens de deux états (groupe à sanctions et groupe de comparaison), on jugera que ces degrés moyens sont statistiquement différents l'un de l'autre au niveau 0,05.
Nous avons aussi employé la statistique de « langage commun » (McGraw et Wong, 1992) pour produire des énoncés probabilistes du degré d'effet de durées variables d'incarcération sur la récidive. Plus précisément, cette statistique convertit un degré d'effet en une probabilité qu'une estimation ponctuelle de critère de traitement échantillonnée au hasard dans la distribution d'un traitement (incarcération plus longue) sera supérieure à celle qui a été prélevée sur une autre distribution (incarcération moins longue).
Résultats
Le tableau 1 résume les degrés d'effet des diverses grandes sanctions sur la récidive. Depuis les derniers rapports (voir Gendreau, Goggin, Cullen et Andrews, 2000), nous avons relevé 39 autres degrés d'effet pour 52 805 délinquants de plus. Voici leur distribution par type de sanctions : incarcération longue ou brève (k = 11, n = 38 917), incarcération ou sanctions communautaires (k = 1, n = 1 002) et sanctions intermédiaires (k = 27, n = 12 886).
Sanction (k) | N | M | ICM | z+ | ICz+ |
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Note : k = nombre de degrés d'effet par type de sanctions; N = taille totale d'échantillon par type de sanctions; M = phi moyen; ICM = intervalle de confiance autour de la valeur moyenne de phi; z+ = estimation pondérée de phi par type de sanctions; ICz+ = intervalle de confiance autour de z+. a Incarcération longue ou brève = durée moyenne d'incarcération en mois : longue = 31 mois; brève = 13 mois (k = 202). b Incarcération ou sanctions communautaires – durée moyenne d'incarcération en mois : 10 mois (k = 19). c Sanctions intermédiaires = les types de sanctions de cette catégorie sont la surveillance intensive, l'arrestation, la mise à l'amende, la restitution, les camps de type militaire pour délinquants, la dissuasion par la peur, les tests de dépistage de drogue et la surveillance électronique. |
|||||
1. Incarcération longue ou brèvea (233) | 107 165 | 0,03 | 0,02 à 0,05 | 0,03 | 0,02 à 0,04 |
2. Incarcération ou sanctions communautairesb (104) | 268 806 | 0,07 | 0,05 à 0,09 | 0,00 | 0,00 à 0,00 |
3. Sanctions intermédiairesc (167) | 66 500 | -0,01 | -0,03 à 0,01 | -0,01 | -0,02 à 0,00 |
4. Total (504) | 442 471 | 0,03 | 0,01 à 0,04 | 0,00 | 0,00 à 0,00 |
Incarcération longue ou brève
Au total, 26 études dégagent 233 degrés d'effet dans cette catégorie, et la taille totale d'échantillon est de 107 165. La durée moyenne des incarcérations longue et brève (k = 202) était respectivement de 31 et 13 mois. La majorité des études de l'échantillon ont paru (95 %) dans des revues, des rapports gouvernementaux ou d'autres documents. Plus de 90 % des degrés d'effet sont tirés d'études américaines réalisées en majorité (82 %) dans la décennie 1970.
Les résultats ne prouvent nullement l'existence d'un effet des sanctions. Quel que soit le choix du degré d'effet (φ ou z+), l'incarcération longue ou brève comme catégorie de comparaison (k = 233) était liée à une légère augmentation de la récidive (φ = 0,03). À noter qu'aucun des IC ne contenait 0.
Nous disposions d'assez de renseignements sur 202 degrés d'effet dans la catégorie « incarcération longue ou brève » pour établir si les variations de durée d'incarcération (différences en mois) avaient une incidence sur la récidive. Les résultats figurent au tableau 2. Ainsi, le groupe 4 est celui de la sanction la plus sévère. Il y avait 47 degrés d'effet pour lesquels la différence de durée entre le groupe « incarcération longue » et le groupe « incarcération brève » était d'au moins 24 mois. Les degrés d'effet moyens étaient 0,07 et 0,06 et les IC ne contenaient pas 0. De ce tableau, il ressort que l'augmentation de la récidive varie selon la sévérité de la sanction définie par la différence de durée d'incarcération. Pour la sanction la moins sévère dans le groupe 1, on constatait une légère diminution de la récidive, mais les IC contenaient 0. Il convient enfin de noter que les quatre groupes en question étaient plutôt semblables sur le plan des degrés d'effet dans la répartition « délinquants à faible et à fort risque » de chaque groupe.
Durée d'incarcérationa (k) | N | M | ICM | z+ | ICz+ |
---|---|---|---|---|---|
Note : Sur le plan des degrés d'effet, le pourcentage relatif aux délinquants à faible risque s'établissait respectivement à 38 %, 34 %, 35 % et 34 % dans les quatre groupes. a La durée d'incarcération représente la différence de durée entre le groupe « incarcération longue » et le groupe « incarcération brève ». |
|||||
1. moins de 6 mois (37) | 8 411 | -0,03 | -0,07 à 0,13 | -0,01 | -0,03 à 0,01 |
2. 7 à 12 mois (64) | 56 877 | 0,02 | 0,00 à 0,04 | -0,02 | -0,03 à -0,01 |
3. 13 à 24 mois (54) | 14 657 | 0,05 | 0,02 à 0,09 | 0,03 | 0,01 à 0,05 |
4. plus de 24 mois (47) | 16 327 | 0,07 | 0,04 à 0,10 | 0,06 | 0,04 à 0,08 |
En appliquant la statistique de « langage commun » (LC) à ces résultats, on peut estimer l'ordre de grandeur de l'effet. Nous nous attachons ici à la sanction la plus sévère (groupe 4). Dans ce cas, la statistique LC indique que, 75 % des fois, les degrés d'effet du groupe 4 donnent des estimations accrues de la récidive par rapport aux degrés d'effet du groupe 1. Les valeurs LC correspondantes par rapport aux groupes 2 et 3 sont de 64 % et 55 %.
Incarcération ou sanctions communautaires
Au total, 31 études répondaient aux critères d'inclusion dans la catégorie « incarcération ou sanctions communautaires ». On y relevait 104 degrés d'effet sur la récidive (tableau 1).
La plupart de ces études ont été publiées (96 %), la majorité depuis 1980 (96 %). Les degrés d'effet sont tirés en majeure partie d'études américaines (68 %). Les groupes de comparaison étaient formés dans une proportion de 43 % de personnes en probation ordinaire et, dans une proportion de 35 %, de personnes soumises à diverses formes de probation. L'incarcération était liée à une légère augmentation de la récidive (φ = 0,07, IC = 0,05 à 0,09), mais si on pondérait par la taille d'échantillon (z+), l'effet était nul.
Combinaison de sanctions d'incarcération
Si l'on examine les données de ces catégories d'incarcération (incarcération longue ou brève et incarcération ou sanctions communautaires), on constate que l'emprisonnement est lié à un léger accroissement de la récidive (φ = 0,04, IC = 0,03 à 0,06). Après pondération toutefois, l'effet est nul (z+ = 0,00, IC = 0,00 à 0,00).
Sanctions intermédiaires
Ce groupe comprenait 74 études dont on dégageait 167 degrés d'effet pour 66 500 délinquants (tableau 1). La majorité des études de cet échantillon ont été publiées (78 %), la plupart dans les années 1980 (91 %) à partir de sources américaines (80 %). Les groupes témoins étaient formés de personnes en probation ordinaire dans une proportion de 43 %, de personnes soumises à diverses formes de probation dans une proportion de 22 % et de personnes soumises à aucune sanction dans une proportion de 26 %.
Les sanctions intermédiaires étaient liées à une diminution de 1 % de la récidive et les IC respectifs contenaient 0.
Âge
Le tableau 3 indique une haute variabilité des résultats pour les trois catégories de sanctions dans le cas des adultes et des jeunes. L'effet sur la récidive dépendait de la nature des sanctions et du choix de l'indice de résultats (φ ou z+).
Sanction (k) | N | M | ICM | z+ | ICz+ |
---|---|---|---|---|---|
1. Incarcération longue ou brève | |||||
Adultes (228) | 68 303 | 0,03 | 0,02 à 0,05 | 0,03 | 0,02 à 0,04 |
Jeunes (5) | 38 862 | 0,00 | -0,08 à 0,08 | -0,04 | -0,03 à -0,05 |
2. Incarcération ou sanctions communautaires | |||||
Adultes (71) | 76 287 | 0,07 | 0,05 à 0,10 | 0,03 | 0,02 à 0,04 |
Jeunes (24) | 4 118 | 0,09 | 0,03 à 0,15 | 0,08 | 0,05 à 0,11 |
3. Sanctions intermédiaires | |||||
Adultes (104) | 44 870 | -0,02 | -0,05 à 0,00 | -0,01 | -0,02 à 0,00 |
Jeunes (59) | 11 141 | 0,00 | -0,04 à 0,04 | -0,01 | -0,03 à 0,01 |
4. Total | |||||
Adultes (403) | 189 460 | 0,03 | 0,02 à 0,04 | 0,02 | 0,02 à 0,02 |
Jeunes (88) | 54 121 | 0,02 | -0,01 à 0,05 | -0,02 | -0,03 à -0,01 |
Sexe
L'examen du tableau 4 ne révèle aucun effet différentiel des sanctions selon le sexe. Comme il y a si peu de degrés d'effet (n = 10) pour les femmes, les IC sont relativement étendus. Pour les trois types de sanctions, les femmes sont généralement plus défavorablement touchées (φ = 0,08; z+ = 0,06), bien que les IC des hommes et des femmes soient en chevauchement.
Sanction (k) | N | M | ICM | z+ | ICz+ |
---|---|---|---|---|---|
1. Incarcération longue ou brève | |||||
Hommes (211) | 99 403 | 0,03 | 0,01 à 0,04 | 0,00 | -0,01 à 0,01 |
Femmes (7) | 563 | 0,15 | -0,07 à 0,37 | 0,10 | 0,02 à 0,18 |
2. Incarcération ou sanctions communautaires | |||||
Hommes (65) | 28 622 | 0,06 | 0,03 à 0,10 | 0,08 | 0,07 à 0,09 |
Femmes (1) | 47 | 0,05 | s.o. | 0,05 | s.o. |
3. Sanctions intermédiaires | |||||
Hommes (115) | 48 527 | 0,00 | -0,03 à 0,02 | 0,00 | -0,01 à 0,01 |
Femmes (2) | 135 | -0,15 | -0,63 à 0,33 | -0,13 | -0,30 à 0,04 |
4. Total | |||||
Hommes (391) | 176 552 | 0,02 | 0,01 à 0,04 | 0,01 | 0,00 à 0,02 |
Femmes (10) | 745 | 0,08 | -0,09 à 0,24 | 0,06 | -0,01 à 0,13 |
Race
Les données du tableau 5 sont intéressantes, car on connaît très peu de choses sur la réaction des divers groupes raciaux aux sanctions. La majorité des degrés d'effet viennent d'échantillons à races multiples. Au total, il n'y avait que 5 degrés d'effet pour les groupes minoritaires et les IC respectifs de φ et z+ contenaient 0.
Sanction (k) | N | M | ICM | z+ | ICz+ |
---|---|---|---|---|---|
1. Incarcération longue ou brève | |||||
Blancs (4) | 391 | 0,14 | -0,12 à 0,40 | 0,09 | -0,01 à 0,19 |
2. Incarcération ou sanctions communautaires | |||||
Blancs (9) | 2 720 | 0,11 | 0,03 à 0,19 | 0,10 | 0,06 à 0,14 |
Membres de minorités (3) | 852 | -0,02 | -0,09 à 0,04 | -0,02 | -0,09 à 0,05 |
3. Sanctions intermédiaires | |||||
Blancs (29) | 4 065 | 0,01 | -0,06 à 0,05 | -0,03 | -0,06 à 0,00 |
Membres de minorités (2) | 450 | -0,07 | -0,46 à 0,33 | -0,14 | -0,23 à -0,05 |
4. Total | |||||
Blancs (42) | 7 176 | 0,03 | -0,01 à 0,08 | 0,03 | 0,01 à 0,05 |
Membres de minorités (5) | 1 302 | -0,04 | -0,09 à 0,01 | 0,04 | -0,09 à 0,01 |
Qualité du plan de recherche
Les résultats du tableau 6 ne montrent guère de lien avec la qualité des plans de recherche, bien que, dans 6 comparaisons sur 8 avec φ et z+, les degrés d'effet des plans de recherche de meilleure qualité tendent à être liés à une très légère augmentation de la récidive. Dans trois de ces comparaisons, les IC des plans de recherche supérieurs ne sont pas en chevauchement avec ceux des plans de qualité moindre.
Sanction (k) | N | M | ICM | z+ | ICz+ |
---|---|---|---|---|---|
1. Incarcération longue ou brève | |||||
Plans supérieurs (122) | 37 437 | 0,04 | 0,02 à 0,06 | 0,03 | 0,02 à 0,04 |
Plans inférieurs (111) | 69 728 | 0,03 | 0,01 à 0,05 | -0,01 | -0,02 à 0,00 |
2. Incarcération ou sanctions communautaires | |||||
Plans supérieurs (39) | 28 456 | 0,11 | 0,01 à 0,14 | 0,08 | 0,07 à 0,09 |
Plans inférieurs (65) | 240 350 | 0,04 | 0,01 à 0,07 | -0,01 | -0,01 à -0,01 |
3. Sanctions intermédiaires | |||||
Plans supérieurs (82) | 31 903 | -0,02 | -0,05 à 0,00 | -0,01 | -0,02 à 0,00 |
Plans inférieurs (85) | 34 597 | 0,00 | -0,04 à 0,03 | 0,00 | -0,01 à 0,01 |
4. Total | |||||
Plans supérieurs (243) | 97 796 | 0,03 | 0,01 à 0,04 | 0,03 | 0,02 à 0,04 |
Plans inférieurs (261) | 344 675 | 0,02 | 0,01 à 0,04 | -0,01 | -0,01 à -0,01 |
Degré de risque
Les résultats du tableau 7 ne semblent indiquer aucune association différentielle entre le degré de risque et le type de sanctions dans son effet sur la récidive. Tous les IC contiennent 0.
Sanction (k) | N | M | ICM | z+ | ICz+ |
---|---|---|---|---|---|
1. Incarcération longue ou brève | |||||
Risque faible (79) | 58 112 | 0,04 | 0,01 à 0,06 | -0,01 | -0,02 à 0,00 |
Risque élevé (139) | 44 415 | 0,03 | 0,01 à 0,05 | 0,02 | 0,01 à 0,03 |
2. Incarcération ou sanctions communautaires | |||||
Risque faible (25) | 88 140 | 0,07 | 0,01 à 0,14 | 0,01 | 0,00 à 0,02 |
Risque élevé (70) | 168 120 | 0,07 | 0,05 à 0,10 | 0,00 | 0,00 à 0,00 |
3. Sanctions intermédiaires | |||||
Risque faible (49) | 16 136 | 0,00 | -0,04 à 0,04 | -0,02 | -0,04 à 0,00 |
Risque élevé (110) | 8 680 | -0,01 | -0,04 à 0,01 | 0,00 | -0,02 à 0,02 |
4. Total | |||||
Risque faible (153) | 162 388 | 0,03 | 0,01 à 0,05 | 0,00 | 0,00 à 0,00 |
Risque élevé (319) | 253 209 | 0,02 | 0,01 à 0,04 | 0,00 | 0,00 à 0,00 |
Non-indépendance des degrés d'effet
Notre ensemble de données sur l'incarcération comprend diverses études qui indiquent des degrés d'effet multiples. Un exemple digne de mention en est une étude qui décrit l'incidence de durées variables d'incarcération selon 9 degrés de risque, d'où une possibilité de 6 degrés d'effet par degré de risque. Si nous avions appliqué des critères de sélection plus rigoureux (en incluant uniquement les comparaisons sans chevauchement de durées d'incarcération), seuls deux des degrés d'effet possibles auraient été admissibles. Pour évaluer l'éventuelle incidence d'une non-indépendance sur les résultats, nous avons procédé à une nouvelle analyse des données à l'aide des paramètres de sélection précités.
Voici les résultats pour la catégorie « incarcération longue ou brève » : redondances incluses (k = 202, n = 62 420, φ = 0,03, IC = 0,01 à 0,04); redondances exclues (k = 69, n = 21 409, φ = 0,02, IC = -0,03 à 0,05. Dans les deux cas, la moyenne z+ était de 0,03. Les résultats sont à peu près les mêmes pour la catégorie « incarcération ou sanctions communautaires » : redondances incluses (k = 64, n = 68 554, φ = 0,07, IC = 0,04 à 0,10); redondances exclues (k = 23, n = 20 356, φ = 0,08, IC = 0,07 à 0,13). Dans chaque cas, le degré d'effet moyen z+ était de 0,03.
Discussion
D'importantes mises en garde s'imposent au sujet de la qualité des études qui ont servi à cette méta-analyse, plus particulièrement dans le cas des deux groupes visés par l'incarcération. Les études étaient dépourvues de renseignements essentiels sur leur « personnalité » (Lipsey et Wilson, 2001). De grands descripteurs d'échantillon et de méthodologie manquaient fréquemment, ce qui n'a rien d'inhabituel dans des études sur le milieu carcéral (Gendreau, Goggin et Law, 1997). Ainsi, aucune étude ne renseignait sur les conditions de détention, facteur absolument critique. Les périodes de détention n'étaient pas précisément définies dans un grand nombre d'études de la catégorie « incarcération longue ou brève ». Elles n'étaient pas indiquées pour 86 % des degrés d'effet de la catégorie « incarcération ou sanctions communautaires ». Le problème tient en partie à ce que peu d'études aient été expressément conçues pour la vérification d'une hypothèse de dissuasion (c'est même charité que de l'exprimer ainsi). Leurs auteurs examinaient des questions de libération conditionnelle quand, heureusement pour notre propos, ils ont relevé les diverses périodes d'incarcération (avec des comparaisons par degré de risque). Il pouvait encore s'agir d'études de sanctions intermédiaires dont les groupes de comparaison étaient formés de délinquants incarcérésNote de bas de page 7. Certaines des études dataient déjà d'assez loin, ce qui en soi n'invalide pas ce qu'elles apportent, mais rappelle la fâcheuse absence d'études contemporaines dans un contexte d'omniprésence de la prison comme moyen de lutte contre la criminalité. Signalons enfin que quelques études ont produit un nombre disproportionné de degrés d'effet – notamment dans la catégorie « incarcération longue ou brève » –, ce qui tend à en rendre les constatations moins généralisables (p. ex., Gendreau et coll., 1997).
Ce fonds d'information, quelque imparfait qu'il puisse être, reste néanmoins le meilleur à notre disposition jusqu'ici si les décideurs entendent mener un débat sérieux sur l'utilité de l'incarcération et des sanctions intermédiaires comme moyen punitif. Pour étudier nos trois grandes catégories de sanctions, nous nous sommes appuyés sur d'immenses ensembles de données. Nos résultats montrent invariablement qu'elles n'ont pas pour effet de réduire la récidive. Nous sommes sûrs que, si nombreuses que soient les études que nous puissions découvrir par la suiteNote de bas de page 8, les études sur les sanctions ne révéleront même pas d'effet modeste de suppression ni des résultats qui se comparent de loin à ceux de certains programmes de traitement (φ = 0,26, IC = 0,21 à 0,31; Andrews, Dowden et Gendreau, 2002). Pour ce qui est du second axe de notre recherche, nous n'avons pas relevé d'effets différentiels des sanctions selon les jeunes, les femmes ou les membres de groupes minoritaires ou selon les délinquants à fort ou à faible risque. Nous faisons une double mise en garde : dans le cas des minorités, notre fonds d'information est minuscule, et il y a des indices d'un effet plus défavorable des sanctions sur les femmes que sur les hommes.
Par ailleurs, les tenants de la « ligne dure » pourraient chicaner sur la qualité des plans de recherche des études portant sur le milieu carcéral, mais la réalité est que les apôtres de telles sanctions ont eux-mêmes longtemps plaidé leur cause en délaissant le fond de la question, en arguant du bon sens et en y allant d'un pur traitement narratifNote de bas de page 9. On ne peut toutefois imaginer que les systèmes de justice pénale se mettent soudain à l'heure des plans de recherche fondés sur la répartition aléatoire au bénéfice des méta-analystes. Nous nous retrouvons donc avec une collection d'études par groupe de comparaison d'une qualité variable pour la méditation des décideurs. Qu'en fait-on? La question est complexe. Plusieurs méta-analystes soutiennent que de bons plans de recherche par groupe de comparaison produisent des résultats semblables à ceux de véritables plans expérimentaux (cf. Andrews et coll., 1990; Heinsman et Shadish, 1996; Lipsey et Wilson, 1993; Shadish et Ragsdale, 1996), alors que d'autres constatent que des plans d'étude plus rigoureux dégagent des effets moindres (Weisburd, Lum et Petrosino, 2001)Note de bas de page 10.
À notre avis, les degrés d'effet indiqués par les études mieux conçues étaient informatifs dans le cas des catégories d'incarcération, puisque les groupes expérimentaux et les groupes témoins étaient comparables pour au moins 5 importants facteurs de risque (antécédents criminels, par exemple) et que nombre de comparaisons reposaient sur des mesures de risque validées. Les résultats de ces études n'accréditent pas la thèse de la dissuasion. Signalons en passant que deux valeurs d'effet viennent de plans de recherche aléatoires; il s'agit d'augmentations de 5 % et 9 % de la récidive pour le groupe de l'incarcération (les études consacrées aux sanctions intermédiaires étaient généralement d'une meilleure qualité).
Mais ce qui est encore plus important que les questions de conception d'études, c'est que, au départ, il n'y a absolument pas de justification théorique ni empirique qui tienne en ce qui concerne les sanctions de justice pénale comme moyen de suppression des comportements criminels (Gendreau, 1996). Au mieux, la plupart des sanctions pénales sont des menaces (« fais telle ou telle chose et quelque chose pourra t'arriver »). À ceux qui croient que les sanctions pénales en général ou les menaces en particulier sont un moyen efficace de punition ou de renforcement négatif, nous conseillons de se reporter aux études spécialisées en réforme des comportements ou à tout guide expérimental pour des données de corroboration (p. ex., Masters, Burish, Hollon et Rimm, 1987). Ils n'y trouveront pas ce qu'ils cherchent.
Les résultats pour la catégorie « incarcération longue ou brève » appellent plus de commentaires là où, dans l'ensemble, nous avons relevé un effet criminogène, avant et après pondération des degrés d'effet. Nous constatons aussi que l'effet criminogène augmente avec les différences de durée d'incarcération (tableau 2). Ces résultats semblent conforter la thèse de la prison comme « école du crime », puisque, sur le plan des degrés d'effet dans cette analyse particulière, les pourcentages relatifs aux délinquants à faible risque étaient très semblablesNote de bas de page 11. Bien que les IC n'aient pas contenu 0 tant pour φ que pour z+ dans un grand nombre de ces comparaisons, des résultats aussi faibles pourraient tout simplement évoquer ce que Paul Meehl qualifie d'infâme facteur des impuretés (Meehl, 1991). Avec d'énormes tailles d'échantillon, la signification statistique est une visée d'un intérêt discutable. On devrait toutefois se rappeler que, si un surcroît de recherche devait invariablement confirmer une légère augmentation de la récidive, il serait peut-être désormais impossible de défendre les énormes coûts qu'entraîne un recours excessif à l'incarcération. Des variations en pourcentage d'aussi peu que quelques points ont déterminé d'importantes majorations de coûts en médecine et dans d'autres secteurs des services sociosanitaires (Hunt, 1997). Ajoutons que, en justice pénale, on estime à au moins 1 million de dollars ce que coûte la carrière criminelle d'un seul délinquant à haut risque (Cohen, 1998; voir Cullen et Gendreau, 2000). On peut penser que, même avec une modeste hausse de la récidive, le coût deviendrait prohibitif compte tenu surtout des hauts taux d'incarcération qui ont cours en Amérique du Nord.
Nous faisons une observation en conclusion. Notre étude a livré des indications intéressantes d'un double point de vue clinique et politique, mais il nous faut aller au-delà d'analyses comme celle-ci. Sans vouloir nécessairement critiquer les méta-analyses, nous devons noter qu'il s'agit là d'un instrument grossier lorsque les études sur lesquelles elles portent sont si muettes sur leurs caractéristiques essentielles qu'on n'a d'autre recours que de produire individuellement de meilleures études de base. Nous devons plutôt nous mettre à des évaluations d'une plus grande sensibilité, particulièrement dans le cas des effets de l'incarcération. De concert avec les autorités carcérales, les évaluateurs doivent soigneusement regarder ce qui se passe dans la « boîte noire » de la vie carcérale, aspect qu'il nous faut apprendre à mieux connaître (Bonta et Gendreau, 1990; Gendreau et Keyes, 2001). Il devrait être obligatoire que des évaluations d'adaptation des délinquants portent tous les six mois ou tous les ans sur une grande diversité de facteurs dynamiques de risque. D'abord, en jaugeant les changements de comportement des détenus (attitudes, croyances, résultats au travail ou aux études, rendement des programmes de traitement, cas d'inconduite, etc.) dans leur lien avec la récidive, on pourra constater qui est favorablement ou défavorablement touché par la vie carcérale et dans quelle mesure. Deuxièmement, on devrait évaluer comment les facteurs de situation (mouvement de la population carcérale, disponibilité de programmes de traitement et de travail, relations agents-détenus, climat de l'établissement, etc.) influent sur l'adaptation des prisonniers (Bonta et Gendreau, 1990; Gendreau et coll., 1997). Troisièmement, nous devons nous soucier du mode d'interaction des caractéristiques des délinquants et des situations carcérales (Bonta et Gendreau, 1993). Ce n'est que par là que nous pourrons bien mieux aborder la question débattue de l'incidence de l'incarcération sur la récidive. Nous entreprenons un programme de recherche sur certaines de ces questions. Nous produirons une suite d'études de base où les effets de la prison sur la récidive seront évalués avec bien plus de précision.
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Annexe A Guide de codage
Source
1 revue
2 livre
3 rapport
4 communication à une conférence
5 thèse ou dissertation
Codeur
1 PG
2 PS
3 CG
Publication
1 oui
2 non
Décennie de publication
1 avant 1939
2 années 1940
3 années 1950
4 années 1960
5 années 1970
6 années 1980
7 années 1990
8 après 1999
9 Indication manquante
Lieu
1 Australie
2 Canada
3 Israël
4 Nouvelle-Zélande
5 États-Unis
6 Royaume-Uni
9 Indication manquante
Âge
1 adultes (>80 %)
2 jeunes (>80 %)
3 adultes et jeunes (20 % - 80 %)
9 Indication manquante
Sexe
1 hommes (>80 %)
2 femmes (>80 %)
3 hommes et femmes (20 % - 80 %)
9 Indication manquante
Race
1 Blancs (>80 %)
2 membres de minorités (>80 %)
3 Blancs - membres de minorités (20 % - 80 %)
9 Indication manquante
Risque 1
1 faible
2 élevé
3 intermédiaire à l'échelle des risques
9 Indication manquante
Risque 2
1 test psychométrique valable
2 données démographiques, <2 condamnations antérieures
3 taux de récidive %
9 Indication manquante
Emploi de l'évaluateur
1 oui
2 non
9 Indication manquante
Participation de l'évaluateur
1 oui
2 non
9 Indication manquante
Personnel qualifié
1 oui
2 non
9 Indication manquante
Théorie ou pratique du traitement punitif
1 oui
2 non
9 Indication manquante
Qualité du plan de recherche
1 répartition aléatoire
2 supérieure
3 inférieure
9 Indication manquante
Suivi
1 6 mois - 1 an
2 1 an - 3 ans
3 3 ans et plus
9 Indication manquante
Groupe témoin
1 durée moindre d'incarcération
2 PSI
3 probation ordinaire
4 déjudiciarisation
5 autre
6 sans sanctions
9 Indication manquante
Durée de l'incarcération (mois)
Durée de la sanction (mois)
Durée du traitement en groupe expérimental (mois)
Durée du traitement en groupe témoin (mois)
Différence de traitement 1 (mois)
Différence de traitement 2
1 moins de 9 mois
2 10 à 19 mois
3 plus de 20 mois
Traitement : durée de la peine (mois)
Résultat
1 incarcération
2 condamnation
3 arrestation
4 manquement aux conditions de la libération conditionnelle
5 contact avec le tribunal
6 mixte
7 autre
9 Indication manquante
Sanction 1
1 PSI
2 dissuasion par la peur
3 restitution
4 incarcération longue par opposition à brève
5 incarcération par opposition aux sanctions communautaires
6 camp de type militaire pour délinquants par opposition aux sanctions communautaires
7 surveillance électronique
8 tests de dépistage de drogue
9 Indication manquante
10 arrestation
11 mise à l'amende
Sanction 2
1 sanctions communautaires
2 sanctions en établissement
9 Indication manquante
Récidive : % groupe de traitement
Récidive : % groupe témoin
Sens du prédicteur
1 taux égaux de récidive
2 groupe expérimental > groupe témoin
3 groupe expérimental < groupe témoin
Groupes extrêmes
0 oui
1 non
Déperdition d'effectif
0 oui
1 non
Description du sujet
1 oui
0 non
Résultats multiples
1 oui
0 non
Notes
- 1
Une perception du bon sens qui a su traverser les temps et s'accorde avec ce que dit actuellement la recherche en psychologie sociale est celle qu'a adoptée Francis Bacon. Ce que celui-ci a dit en gros, c'est que les gens font leurs les croyances qui vont dans le sens de leurs préjugés ou des idéologies à la mode de leur époque. Ils ferment alors les yeux sur toute indication contradictoire ou y vont de distinctions faciles pour préserver leur système de valeurs (voir Gendreau, Goggin, Cullen et Paparozzi, sous presse). En fait, Bacon est d'avis que les croyances reposant sur le bon sens s'ancrent dans les superstitions.
- 2
Il y a des vues théoriques des domaines de la criminologie et de la psychologie (apprentissage opérant, psychologie sociale, etc.) qui vont à l'encontre d'une hypothèse de punition. Pour un traitement complet de la question, voir Gendreau et coll. (1999).
- 3
Il est impossible de juger de l'intégrité thérapeutique des traitements prévus par ces programmes. À notre avis, la plupart laissent cruellement à désirer sous ce rapport.
- 4
On a consacré des études aux effets des différences individuelles chez les délinquants (quotient intellectuel, psychopathie, etc.) dans leur réaction aux peines, mais d'ordinaire dans un milieu artificiel de laboratoire (Gendreau et Suboski, 1971a, b). C'est la façon dont s'infligent les peines – celles dont l'efficacité a empiriquement été démontrée – qui est de la plus haute importance.
- 5
La présentation des descripteurs essentiels dans ces études est si insuffisante, à quelques exceptions près, que nous ne disposons que d'une poignée de variables à coder et que, même là, des problèmes se posent (degré de risque, par exemple; voir Gendreau et coll., 1999).
- 6
Des vues opposées sont exprimées dans les études. Leschied et Gendreau (1994) soutiennent que l'incarcération devrait avoir des effets défavorables sur les délinquants à faible risque, alors que Zamble et Porporino (1988) supposent le contraire.
- 7
Voilà un choix intéressant, car on pourrait penser que, dans de telles études, les groupes de comparaison seraient formés de délinquants ayant reçu une sanction moins rigoureuse qu'une peine d'emprisonnement.
- 8
Dans de récentes méta-analyses de catégories secondaires de sanctions dans notre fonds d'information, à savoir celles des camps de type militaire pour délinquants et de la restitution (Latimer, Dowden et Muise, 2001; MacKenzie, Wilson et Kider, 2001), on présente des résultats qui ressemblent fort à ceux que nous dégageons d'une information élargie. Les rapports en question indiquent que les camps de type militaire pour délinquants ont des effets négligeables sur la récidive et que la restitution est une sanction qui diminue légèrement (environ 5 %) cette dernière, effet qui, à notre avis, tient probablement à ce que le traitement est déjà imbriqué dans ces programmes.
- 9
Les examens narratifs sont presque inutiles lorsqu'on travaille avec de grands fonds d'information à la détermination d'effets précis (Gendreau et coll., 2000). Un bon exemple en est la tentative de Song et Lieb (1993) d'estimer les effets de l'incarcération sur la récidive (ce n'est pas une critique, puisque les auteurs étaient impartiaux et ont agi au mieux avec un petit fonds d'information aux données incohérentes).
- 10
Nous pensons (voir aussi Weisburd et coll., 2001) que, dans les futures analyses, on trouvera que les résultats varient amplement selon la qualité de conception de certaines études. Qui plus est, dans le cas des études consacrées aux traitements correctionnels, nous précisons que l'intégrité thérapeutique des programmes de traitement (mesurée par un instrument quantitatif comme le Répertoire d'évaluation des programmes correctionnels (REPC), 2000; Gendreau et Andrews, 2001) sera un plus puissant déterminant des résultats de traitement que le fait, pour les évaluations, de reposer sur un plan aléatoire ou un bon plan quasi expérimental. Nous avons l'intention d'examiner cette question plus avant.
- 11
Ce résultat n'est pas nécessairement étonnant. Nous sommes portés à penser que la plupart des peines se donnent en fonction de la gravité de l'infraction (qui est un faible prédicteur de la récidive) et d'autres facteurs d'intérêt pour les tribunaux. Autant que nous sachions, les tribunaux ont souvent hésité à tenir compte, dans les sentences, des évaluations de risque, plus particulièrement des facteurs dynamiques de risque. Disons enfin qu'un grand nombre des études disponibles aux fins de la présente analyse ont été produites il y a déjà longtemps à une époque où les évaluations globales du risque étaient rares.
- Date de modification :