L'élaboration de la stratégie nationale du Canada
Lutter contre la radicalisation menant à la violence
Points de vue des intervenants
Le Centre canadien d'engagement communautaire et de prévention de la violence (« le Centre canadien ») est en train d'élaborer une stratégie nationale pour décrire l'approche du gouvernement du Canada pour lutter contre la radicalisation menant à la violence au Canada. La stratégie est élaborée en fonction des discussions menées avec des collectivités, des experts et d'autres parties prenantes dans le cadre de réunions en personne et des consultations en ligne.
En 2017, des représentants du Centre canadien ont tenu plus de 100 réunions avec environ 275 organismes et intervenants différents dans 14 villes de dix provinces canadiennes, dont d'autres ordres de gouvernement, des organismes communautaires, des universités et des organismes d'application de la loi. Des représentants du Centre canadien ont également organisé des réunions d'engagement avec leurs homologues internationaux et des experts en la matière, ou y ont participé, afin d'en apprendre davantage sur les pratiques prometteuses et les leçons apprises en matière de politique nationale, d'appui aux programmes locaux, de collaboration avec le secteur privé, ainsi que de recherche, de mesure et d'évaluation.
Les cinq grands thèmes présentés ci-dessous ont été dégagés au cours des réunions du Centre canadien.
1. Davantage d'information
Les participants ont exprimé le souhait de recevoir plus d'information sur la question de la radicalisation menant à la violence et sur l'incidence qu'elle peut avoir sur leur collectivité.
Il y avait d'importants écarts dans le degré de compréhension du concept de la radicalisation menant à la violence et du processus entraînant la radicalisation menant à la violence. Plusieurs participants ont indiqué qu'il serait utile de diffuser plus de renseignements sur les facteurs qui peuvent contribuer à la radicalisation menant à la violence. Par exemple, des participants ont posé des questions sur les liens entre la radicalisation menant à la violence et un certain nombre de facteurs tels que l'isolement social et l'absence de liens communautaires, la santé mentale, le manque de possibilités d'emploi et la situation économique, la diffusion de fausses nouvelles et de propagande ainsi que les efforts de recrutement en ligne des groupes terroristes.
Les participants étaient souvent d'avis que davantage de ressources devraient être disponibles pour appuyer les efforts de prévention. Par exemple, les membres de la famille, les éducateurs, les pairs, les fournisseurs de services et les autres membres de la collectivité peuvent ne pas savoir comment reconnaître des signes importants indiquant que des personnes ou des groupes sont dans une voie de radicalisation menant à la violence ni à qui s'adresser pour obtenir de l'aide et du soutien.
Les participants ont également exprimé le désir d'obtenir plus de renseignements sur les différentes formes de radicalisation menant à la violence qui peuvent constituer des problèmes au Canada. Certains fournisseurs de services ont également fait remarquer que des ressources et des outils adaptés leur seraient utiles pour traiter avec des personnes qui risquent de se radicaliser et de devenir violentes.
2. Mieux comprendre les menaces qui pèsent sur les Canadiens
Partout au pays, les participants ont souvent fait part de leurs préoccupations au sujet des menaces terroristes et de la violence motivée par la haine. Les régions ont exprimé des points de vue différents relativement à ce qu'elles perçoivent comme des enjeux de sécurité au sein de leurs collectivités, mentionnant souvent une variété de menaces telles que l'extrémisme de droite, l'extrémisme islamique, les activistes écologistes et les activistes antigouvernementaux.
En général, les participants ont cité des exemples canadiens ou internationaux de violence liée au terrorisme et souligné que l'augmentation perçue du nombre d'incidents constituait une des principales sources de leurs préoccupations entourant le terrorisme dans leur collectivité. En outre, certains participants se sont dits préoccupés par les tensions croissantes perçues au Canada et à l'étranger fondées sur les différences politiques, religieuses et ethnoculturelles. Ils ont également indiqué que les croyances à caractère haineux peuvent être liées à un certain nombre de facteurs interreliés tels que les tendances en matière d'immigration, la situation économique et les possibilités d'emploi, l'évolution de la dynamique géopolitique, la diffusion de fausses nouvelles et l'inégalité entre les sexes et les races.
Faisant état des préoccupations relatives aux crimes et incidents haineux, certains participants ont dit souhaiter que le gouvernement fédéral et les organismes d'application de la loi intensifient les efforts de prévention. Certains ont estimé que ces efforts devraient viser à répondre à la violence motivée par la haine menant à des actes terroristes lors de la poursuite des auteurs de ces actes.
3. Accès à de l'aide pour les initiatives communautaires
Les fournisseurs de services sociaux et les organismes communautaires ont souvent fait remarquer qu'ils ont des programmes ou des projets potentiels qui sont déjà des initiatives de prévention efficaces ou qui pourraient l'être, mais qu'ils manquent de ressources durables pour mettre en œuvre efficacement de tels programmes. Les petits organismes ont souvent fait remarquer qu'il est difficile de présenter une demande et de recevoir du financement. Contrairement aux grands organismes, ils n'ont souvent pas la capacité de remplir des demandes détaillées.
Des opinions sur la meilleure façon de financer les initiatives communautaires ont été clairement exprimées. Certains participants étaient d'avis que le gouvernement fédéral n'est pas toujours la meilleure source de financement pour une initiative et, qu'en outre, au sein du gouvernement du Canada, Sécurité publique Canada n'est pas toujours la meilleure organisation à qui s'adresser. Toutefois, dans tous ces cas, les participants ont dit vouloir obtenir de l'aide pour trouver d'autres sources de financement (p. ex. autres ordres de gouvernement, programmes de financement, fondations, secteur privé, etc.)
Reconnaissant que le Centre canadien dispose d'un programme de financement pour des initiatives de prévention et d'intervention en matière de radicalisation menant à la violence, les experts et les fournisseurs de services ont souligné l'importance d'intégrer l'évaluation dans les initiatives et ont exprimé le désir d'obtenir l'appui du Centre canadien pour mettre en commun les pratiques exemplaires concernant l'évaluation des initiatives en matière de radicalisation menant à la violence.
On a souvent fait remarquer que les organismes communautaires ont parfois de la difficulté à distinguer les similitudes et les différences entre les autres formes de prévention du crime et d'intervention et la façon dont ils se distinguent de la radicalisation menant à la violence. De plus, un certain nombre d'organismes estiment qu'ils ont besoin de plus de renseignements sur des travaux similaires ou pertinents que d'autres ont réalisés, parfois au sein de leur propre collectivité, afin de mettre en commun les leçons apprises, de collaborer et de ne pas dupliquer les efforts.
Les participants ont mentionné l'importance des efforts d'engagement communautaire entrepris par les organismes d'application de la loi. Parmi les avantages positifs, mentionnons un accroissement de la confiance, un meilleur échange de l'information sur la loi et un signalement accrue des incidents. Il y a un désir de voir plus de ressources pour ce type de travail d'engagement communautaire dans le cadre des efforts de prévention.
4. Renforcement de la collaboration avec le gouvernement
Dans la plupart des réunions d'engagement, il a été noté que le Centre canadien devrait continuer à discuter fréquemment et délibérément avec les collectivités pour établir un climat de confiance afin de faire progresser efficacement la collaboration dans le domaine de la prévention. De plus, des participants ont fait remarquer que les efforts d'engagement devraient atteindre un éventail diversifié de groupes, comme les jeunes, les femmes, les nouveaux immigrants, les organismes du secteur privé et les chefs religieux, afin de s'assurer que toutes les voix sont entendues.
De nombreux organismes ont déclaré vouloir non seulement que le Centre canadien s'engage plus largement, mais aussi qu'il trouve des moyens significatifs de faire participer les organismes aux divers aspects des efforts visant la radicalisation menant à la violence, comme la rétroaction, l'établissement d'objectifs ou la détermination de possibilités de collaborer avec le Centre canadien.
Un certain nombre d'organismes estiment également que des relations solides entre les organismes d'application de la loi et les collectivités ont un effet positif sur la cohésion sociale, la réduction des crimes motivés par la haine et la sécurité de la collectivité dans son ensemble. L'établissement de relations positives entre les organismes d'application de la loi et les membres de la collectivité suppose une sensibilisation régulière et une formation des organismes d'application de la loi sur la façon de travailler avec les collectivités.
De nombreux représentants des gouvernements provinciaux et des administrations municipales, ainsi que des représentants d'organismes d'application de la loi de partout au Canada ont exprimé le désir d'approfondir les relations de gouvernement à gouvernement avec le Centre canadien et le gouvernement fédéral sur cette question. Bon nombre de ces participants ont demandé comment il serait possible d'officialiser la relation entre le Centre canadien et leur gouvernement respectif afin de mieux échanger des renseignements, des outils et des ressources.
Un certain nombre de participants étaient également d'avis qu'une plus grande collaboration entre les gouvernements, les collectivités et les médias pourrait aider à renforcer la résilience à la haine et à l'intolérance. Certains participants ont indiqué que les reportages des médias pouvaient contribuer à la formation de croyances à caractère haineux en raison de représentations négatives ou injustes des populations ou de la diffusion de fausses nouvelles. De plus, la couverture médiatique peut créer de la peur et stigmatiser des individus, des familles et des communautés entières, et peut contribuer à la rupture de la confiance entre les membres des collectivités, les organisations communautaires et les gouvernements.
5. La prévention par l'éducation
La plupart des participants considèrent que l'éducation, en tant que concept général, est un élément nécessaire à toute stratégie relative à la radicalisation menant à la violence au Canada. De l'avis général, l'éducation devait encourager la pensée critique. Par exemple, des participants étaient favorables à l'intégration de l'éducation dans des cadres formels qui mettent l'accent sur l'enseignement de la diversité, de l'empathie et de l'inclusivité. La pensée critique devrait également s'étendre à l'utilisation d'Internet. On a indiqué que l'encouragement de la culture numérique pourrait être un moyen de protéger les jeunes contre l'utilisation d'Internet pour consulter du contenu extrémiste et terroriste.
Sur la question de la radicalisation menant à la violence en particulier, des opinions divergentes sur le rôle des éducateurs ont été exprimées. Certains participants étaient d'avis que les éducateurs sont particulièrement bien placés pour rejoindre les jeunes et pour aider à renforcer la résilience face aux idéologies haineuses. Cependant, d'autres participants n'étaient pas à l'aise avec l'idée que les éducateurs discutent de questions de sécurité ou de questions politiques délicates.
De nombreux participants ont fait remarquer que l'éducation doit aussi s'étendre à toute la famille. Par exemple, en plus des compétences que les enfants acquièrent sur l'utilisation sécuritaire d'Internet, les parents doivent également être sensibilisés à ce qui se passe en ligne et savoir notamment comment éduquer et protéger leurs enfants contre les contenus préjudiciables en ligne et discuter de questions difficiles telles que la radicalisation menant à la violence.
L'éducation concerne également les fournisseurs de services. Par exemple, les participants croyaient que la disponibilité d'une formation générale sur la diversité, le genre, la sensibilité ethnoculturelle, ainsi qu'une formation spécifique sur la radicalisation menant à la violence pour les fournisseurs de services et les organismes d'application de la loi sont considérées comme des éléments importants d'une prestation de services efficace. De plus, certains participants ont indiqué que la formation de sensibilisation n'était pas suffisante et que les services devraient représenter les communautés ethnoculturelles qu'ils desservent.
Les séances d'éducation et d'information, telles que les dialogues interconfessionnels, étaient considérées comme un moyen de prévenir la propagation d'opinions haineuses fondées sur l'intolérance, le racisme et l'ignorance.
Certains participants ont discuté du rôle du Centre canadien sur le thème général de l'éducation. Certains étaient inquiets du fait que, en raison de sa situation au ministère de la Sécurité publique du Canada, qui a des liens avec les efforts des organismes d'application de la loi et en matière de lutte contre le terrorisme, le Centre canadien n'est peut-être pas le mieux placé pour diriger des efforts visant l'éducation à grande échelle (p.ex. dialogues interconfessionnels). Toutefois, on croyait toujours que le Centre canadien pouvait jouer un rôle important en tant que centre d'excellence et pour promouvoir les efforts visant à contrer la radicalisation menant à la violence par l'éducation
Prochaines étapes
Au cours des prochains mois, le Centre canadien publiera les résultats d'une récente consultation nationale sur l'élaboration d'une stratégie nationale sur la radicalisation menant à la violence.
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