Cadre fédéral visant à réduire la récidive

Message du ministre

La récidive est un enjeu complexe pour lequel il n’existe pas de solution simple et linéaire.

Le cadre fédéral visant à réduire la récidive est la première étape du gouvernement du Canada dans l’élaboration d’un plan qui cerne les facteurs déterminants qui influent sur les motifs de récidive et sur la façon d’appuyer la réinsertion sociale sécuritaire et réussie. Objectif : Accroître la sécurité publique en réduisant la récidive, en prévenant la victimisation, en abordant à la surreprésentation des Autochtones, des Canadiens noirs et d’autres groupes marginalisés dans notre système de justice pénale et, en fin de compte, en créant des collectivités plus sécuritaires.

Au cours de l’hiver dernier, plus de 20 organisations œuvrant dans le secteur de la justice pénale ont assisté des consultations pendant quatre mois, et elles ont pu directement constater les obstacles à la réussite de la réinsertion sociale et les conséquences de la récidive sur les collectivités, les familles et les individus. Sa réussite s’appuie sur nos principes directeurs : la collaboration avec les intervenants, les approches novatrices et la souplesse pour assurer la réactivité à divers besoins.

Le gouvernement du Canada s’est engagé à poursuivre le dialogue avec ses partenaires à mesure que nous travaillons à l’élaboration d’un plan de mise en œuvre exhaustif qui permettra de prendre des mesures concrètes pour réduire les obstacles à la réintégration communautaire et assurer le maintien du soutien au fil du temps.

Au nom du gouvernement du Canada, je tiens à remercier tous ceux qui ont participé aux consultations à ce jour et au dialogue constructif et productif sur la récidive. J’attends avec impatience la collaboration continue pour bâtir des collectivités sécuritaires en réduisant la récidive.

L’honorable Marco Mendicino, C.P., député
Ministre de la Sécurité publique

Aperçu

La Loi sur le cadre visant à réduire la récidive Note de bas de page1 (la Loi), qui a reçu la sanction royale le 29 juin 2021, exige que le gouvernement fédéral élabore un cadre fédéral (« le Cadre ») visant à réduire la récidive qui comprendrait les mesures suivantes :  

  1. mettre sur pied des projets pilotes et élaborer des programmes normalisés et fondés sur des données probantes ayant comme objectif de réduire la récidive;
  2. favoriser la réinsertion sociale des personnes qui ont été incarcérées en leur donnant accès à des ressources adéquates et permanentes ainsi qu’à des possibilités d’emploi afin de réduire le risque de récidive;
  3. appuyer les initiatives à caractère confessionnel et communautaire axées sur la réinsertion sociale des personnes qui ont été incarcérées;
  4. étudier et appliquer les pratiques exemplaires internationales liées à la réduction de la récidive;
  5. évaluer et améliorer les instruments et les procédures d’évaluation des risques pour s’attaquer aux préjugés raciaux et culturels et veiller à ce que toutes les personnes qui sont incarcérées aient accès à des programmes adaptés qui permettent de réduire la récidive.

La Loi prévoit la tenue de consultations avec divers intervenants du secteur de la justice pénale, y compris les provinces et les territoires. Des consultations ont eu lieu de novembre 2021 à février 2022. Au cours de cette période, plus de 20 organisations et 140 personnes représentant un large éventail de partenaires et d’intervenants ont pris part à un dialogue constructif et productif sur des enjeux touchant divers aspects : programmes fondés sur des données probantes pouvant réduire la récidive; difficultés actuellement reliées à la prestation de programmes destinés aux personnes incarcérées dans des établissements fédéraux; occasions de combler des lacunes dans les services; et difficultés uniques auxquelles font face les femmes, les Autochtones et les Canadiens noirs qui sont toujours surreprésentés dans les établissements correctionnelsNote de bas de page1

De plus, Sécurité publique Canada a commandé une étude sur les pratiques exemplaires internationales, qui présente un tour d’horizon complet des méthodes de réduction de la récidive adoptées dans le monde.

Sécurité publique Canada, en partenariat avec d’autres ministères fédéraux, continuera de mettre en œuvre des projets novateurs dans les années à venir. 

Le gouvernement du Canada est déterminé à faciliter l’accès des délinquants à des mesures de soutien qui favoriseront leur réussite tant dans le contexte carcéral que dans la collectivité. De plus, en reconnaissance de l’importance d’intervenir à l’égard de la surreprésentation de populations marginalisées dans le système de justice pénale, le gouvernement du Canada va collaborer avec d’autres secteurs et administrations en vue d’adapter les mesures de soutien à des communautés précises et d’intégrer des approches tenant compte des traumatismes, où les besoins des victimes sont pris en considération.

Introduction

La vaste majorité des personnes incarcérées seront libérées au cours de leur vieNote de bas de page2. Dans ce contexte, il faut qu’une réorientation publique vers la compréhension de la réadaptation et le soutien à la réinsertion sociale s’opère pour que les délinquants réintègrent la collectivité avec succès. Lorsque nous soutenons la réadaptation réussie des délinquants dans la communauté, nous veillons à ce que les anciens délinquants puissent devenir des membres prosociaux de la société. Lorsque nous mettons en place des mesures de soutien pour réduire la récidive, nous investissons dans les secondes chances, améliorons la sécurité publique et construisons des communautés plus sûres.

La réadaptation est offerte au moyen de programmes correctionnels et d’interventions dans les établissements où résident la plupart des délinquants purgeant une peine avant d’être surveillés dans la collectivité. Les délinquants suivent un plan correctionnel, du début à la fin de leur peine, qui a pour but de les aider à travailler sur les facteurs contribuant à leur comportement criminel. Après avoir servi une partie de leur peine dans un établissement, les délinquants sont libérés dans la collectivité pour purger le reste de leur peine, en liberté conditionnelle ou en liberté d’office. Durant cette libération, les contrevenants sont soumis à certaines conditions et surveillés par des agents de libération conditionnelle. Des programmes correctionnels sont également disponibles dans la communauté pour aider les délinquants dans leur processus de réinsertion.

Il n’existe aucune définition internationale ou fédérale courante de la récidive. En effet, le sens attribué à cette notion varie selon la province ou le pays. Aux fins du Cadre, on entend par « récidive » toute nouvelle condamnation relative à une infraction criminelle.

La récidive a une incidence sur la sécurité publique et sur les victimes de ces nouveaux crimes, ainsi que sur la vie et la famille des délinquants qui sont incapables de briser le cycle de la récidive. Il est crucial d’assurer efficacement la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants pour bâtir des collectivités plus sûres. En outre, la réduction de la récidive peut générer d’importantes retombées pour la société en réduisant les coûts liés à la justice pénale et en prévenant de nouvelles victimisations.

Surreprésentation de populations marginalisées au Canada

La surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale (SJP) est un problème de longue date qui s’est aggravé avec le temps. Alors que les peuples autochtones représentent environ 4 % de la population canadienne, ils sont surreprésentés chez les délinquants autant que chez les victimes. Dans le système correctionnel fédéral, la proportion d’Autochtones sous la garde du Service correctionnel du Canada (SCC) a atteint un sommet de 26,1 % Note de bas de page2. Cette surreprésentation disproportionnée est encore plus marquée dans les établissements correctionnels pour femmes, où 48 % des femmes détenues par le SCC sont autochtones. 

De plus, la proportion d’Autochtones au sein de la population de délinquants du SCC s’est accrue de 15,3 % entre 2015‑2016 et 2019‑2020Note de bas de page2. Les causes profondes de la surreprésentation des Autochtones résident dans les traumatismes intergénérationnels que subissent les peuples autochtones en raison de la colonisation au Canada. La situation est exacerbée par le racisme systémique.

Les pavillons de ressourcement autochtones se sont révélés efficaces à réduire le taux de récidive parmi les délinquants qui participent à leurs programmes holistiques. Les pavillons de ressourcement sont des environnements spécialement conçus pour répondre aux besoins des délinquants autochtones, et offrent aux délinquants des services, des interventions et des programmes adaptés à la culture dans un milieu intégrant les valeurs, les traditions et les croyances autochtones. L’objectif principal est de soutenir la guérison, s’attaquer aux facteurs qui ont contribué à leur incarcération et de les préparer à réintégrer la société, avec un accent mis sur le leadership spirituel et sur la valeur de l’expérience de vie des membres du personnel et de la collectivité, qui servent de modèles.

On répond aux besoins des délinquants en leur donnant accès à des enseignements et à des cérémonies autochtones, en leur permettant d’avoir des interactions avec des Aînés ainsi qu’avec la nature. Des programmes y sont offerts dans un esprit d’interaction avec la collectivité, le but premier étant de préparer le délinquant à sa mise en liberté. En 2019, environ 85 pour cent des délinquants autochtones du SCC travaillaient avec des Aînés et se sont engagés ou souhaitent suivre un cheminement traditionnel dans tous les établissements du SCC.

Le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinéesNote de bas de page2 présente des appels à la justice pour que le SCC s’attaque à la surreprésentation des femmes autochtones dans le système correctionnel. Parmi les appels, le rapport identifie le besoin de pavillons de ressourcement autochtones supplémentaires gérés par des collectivités autochtones.

Le SCC possède actuellement dix pavillons de ressourcement au Canada. Quatre pavillons de ressourcement sont gérés par le SCC, tandis que six pavillons de ressourcement sont gérés par des collectivités autochtones selon les accords conclus en vertu de l’article 81Note de bas de page4. De plus, le rapport de l’ENFFADA a appelé les pavillons de ressourcement afin de fournir des services résidentiels axés sur la guérison familiale et communautaire. Le pavillon de ressourcement le plus récent visé à l’article 81 est le Pavillon de ressourcement Eagle Women, situé à Winnipeg, au Manitoba. Le Pavillon de ressourcement Eagle Women peut accommoder jusqu’à 30 femmes et promeut la réintégration communautaire tout en offrant des programmes et des services adaptés à la culture, y compris le regroupement familial.

Les Canadiens noirs sont aussi surreprésentés dans le SJP : ils comptent pour plus de 8 % de la population carcérale, alors qu’ils ne représentent que 3,5 % de la populationNote de bas de page2. La réalité du racisme systémique se manifeste dans la surreprésentation des Canadiens racisés. Le gouvernement du Canada poursuivra ses efforts pour lutter contre le racisme systémique en misant sur le Cadre, les politiques fédérales et une collaboration continue entre les partenaires dans le système de justice pénale.

Délinquantes

Les délinquantes ont des besoins et des considérations uniques qui ont une incidence sur leurs interventions correctionnelles. Une optique/approche adaptée au genre est nécessaire pour aborder les défis complexes auxquels elles sont confrontées dans leurs situations sociales, économiques et culturelles. Par conséquent, il devrait y avoir une distinction dans la façon dont les délinquantes sont confrontées à des obstacles au logement, en particulier celles ayant des enfants et des responsabilités familiales accrues au moment de leur libération.

Lorsque l’on considère les services correctionnels pour femmes, il est particulièrement important de s’assurer que les programmes et les interventions reconnaissent que les femmes accordent beaucoup d’importance aux relations dans leurs vies. La recherche correctionnelle contient une foule de preuves selon lesquelles le lien mère-enfant peut être essentiel au succès de la réinsertion sociale des délinquantes. Des études montrent en effet que lorsque les délinquantes maintiennent des liens familiaux solides, elles risquent moins de récidiver. Cette recherche souligne l’importance du Programme de cohabitation mère-enfant du SCC et la nécessité de l’étendre à un plus grand nombre de délinquantes admissibles.

Désaffiliation aux gangs

L’un des principaux défis auxquels le SCC est confronté est de fournir une intervention et une prévention contre les gangs au sein de ses établissements. Des travaux de désaffiliation aux gangs sont en cours, le SCC cherchant à travailler avec des organisations ayant une expertise dans l’intervention auprès des gangs. Au fur et à mesure que les consultations se poursuivront sur le plan de mise en œuvre du cadre, Sécurité publique s'engagera avec des intervenants qui sont des experts en matière de programmes de déjudiciarisation et de sortie des gangs.

En soi, l’incarcération n’est pas un moyen de dissuasion contre l’affiliation aux gangs. Au sein des établissements correctionnels, les membres de gangs ont une influence disproportionnée sur le niveau de violence, ainsi que sur la mauvaise conduite institutionnelle par rapport à leurs pairs non associés à des gangs. Il faut mieux comprendre comment dissuader les jeunes délinquants de rejoindre les gangs, une fois qu'ils ont été condamnés, surtout s'ils n'ont pas d'antécédents de participation aux gangs avant leur condamnation.

Ces comportements vont de la participation à des bagarres et à des agressions, à l’introduction et au trafic de contrebande (p. ex., drogues, armes et téléphones cellulaires). En général, ils contribuent à l’augmentation des taux de violence et des tensions intergroupes au sein des établissements. Ils entraînent également une instabilité des populations de délinquants et compromettent les interventions, les programmes et, en fin de compte, la réinsertion et la réhabilitation communautaires.Note de bas de page6 Note de bas de page2

La désaffiliation aux gangs est un défi de taille. Chaque établissement a sa propre approche spécifique au site pour la gestion des groupes menaçant la sécurité (GMS) et les délinquants qui y sont affiliés. Ces approches tiennent compte du type et de la dynamique uniques des GMS présents, des niveaux de sécurité, de l’infrastructure physique et de la capacité de l’institution à gérer diverses routines, de même que du profil des délinquants de l’établissement, de la capacité de programmation et plus encore. Des efforts dans la collectivité et dans les établissements correctionnels sont requis pour appuyer la désaffiliation des groupes menaçant la sécurité.

Une responsabilité fédérale partagée

Étant donné sa nature multidimensionnelle, il faut adopter une approche multisectorielle afin de pouvoir agir sur les enjeux complexes et interdépendants qui influent sur la récidive. En conséquence, plusieurs ministères fédéraux, ainsi que les provinces et territoires et la société civile, devront participer à la réduction de la récidive.

Trois ministères clés, un organisme de service spécial et un tribunal administratif indépendant sont investis de responsabilités directes à l’égard des délinquants.

Service correctionnel Canada : contribue au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité, d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines. L’objectif du ministère est d’aider, au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

Ministère de la Justice : Le ministère de la Justice s’est engagé à assurer la sécurité des familles canadiennes et à aider les victimes d’actes criminels. Il travaille en collaboration avec des organismes communautaires partout au pays pour répondre aux besoins des victimes et aider les jeunes qui ont des démêlés avec la justice. Le Ministère analyse également les tendances en matière de droit criminel et travaille à la réforme du droit.

Sécurité publique Canada : Sécurité publique Canada a été créé en 2003 pour assurer la coordination de tous les ministères et organismes fédéraux qui ont pour mission de veiller à la sécurité nationale et à la protection des Canadiens et des Canadiennes. Sécurité publique Canada exerce un leadership en matière de politiques fédérales, assure une coordination et offre un soutien aux programmes relativement à de nombreuses activités liées à la prévention du crime, à l’application de la loi et à la réadaptation des délinquants.

CORCAN est un organisme de service spécial au sein du SCC qui est responsable d’offrir aux délinquants des possibilités d’emploi et une formation et des services portant sur les compétences relatives à l’employabilité pendant leur incarcération dans des pénitenciers fédéraux et sous la supervision de la communauté. Ces compétences sont acquises grâce à la formation en cours d’emploi, aux heures accumulées en vue d’obtenir un certificat d’apprenti et aux certifications professionnelles, ainsi qu’aux services à l’emploi, qui améliorent la capacité des délinquants à trouver et à conserver un emploi dans le cadre d’une mise en liberté sécuritaire et réussie dans la collectivité.

Commission des libérations conditionnelles du Canada : La Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) est un tribunal administratif indépendant qui prend des décisions judicieuses sur la mise en liberté sous condition et la suspension du casier et formule des recommandations en matière de clémence. La CLCC contribue à la sécurité publique en facilitant autant que possible la réinsertion sociale rapide des délinquants en tant que citoyens respectueux de la loi.

Le gouvernement du Canada jouera un rôle directeur national au chapitre de la réduction de la récidive en assurant la coordination entre les administrations, en entretenant des relations avec la société civile, en menant des études, en favorisant le transfert de connaissances et en travaillant à l’amélioration des systèmes de données utilisés pour mesurer les progrès réalisés sur le plan de la réduction de la récidive.

Piliers

Le Cadre s’articule autour de cinq aspects prioritaires favorisant la réinsertion sociale des délinquants. Ces piliers, validés lors du processus de consultation, reposent sur les déterminants sociaux de la santé. Le logement, l’éducation, l’emploi, la santé et les réseaux de soutien positif sont les aspects prioritaires qui correspondent aux besoins qu’il importe de combler pour favoriser la réussite de la réinsertion sociale. Toutefois, les consultations ont permis de cerner un certain nombre de barrières et d’obstacles liés à ces aspects qui minent la réussite de la réinsertion sociale. Il s’agit des piliers du Cadre, c’est‑à‑dire les aspects sur lesquels le gouvernement fédéral va concentrer ses efforts — y compris son travail avec d’autres ordres de gouvernement et la société civile — afin de favoriser la réinsertion sociale et de réduire la récidive.

Logement

Des études sur la question donnent à penser qu’environ 30 % des personnes libérées d’un établissement fédéral ou prNote de bas de page2ovincial feront face à l’itinérance dans les deux années suivant leur mise en libertéNote de bas de page7. De fait, l’itinérance accroît le risque d’infraction criminelle, et la mise en liberté d’une personne n’ayant pas de logement stable et sûr mène à un risque de récidive accru. Afin de remédier à l’insécurité du logement à laquelle sont confrontés les délinquants après leur mise en liberté, des efforts accrus doivent être déployés pour fournir des solutions de logement de transition. Une augmentation des options de logement de transition pour les délinquants leur permettrait de bénéficier d’un meilleur soutien lorsqu’ils passent de la vie dans un établissement résidentiel communautaire (ERC) à une vie indépendante dans la communauté.

Les conditions de libération peuvent comprendre la prise de mesures pour éviter le contact avec des personnes, des lieux ou des substances en particulier. Or, de nombreuses solutions de logement à court terme (p. ex. le placement dans un refuge) forcent les délinquants à se retrouver dans des situations qui n’ont pas une influence positive sur leur réinsertion sociale, comme le fait d’être exposés à la consommation de drogue ou d’alcool ou à d’autres comportements à risque durant leur séjour dans un refuge. Ce type d’exposition peut accroître la probabilité d’une rechute ou mener à la récidive.

Un aspect qui exacerbe le problème du logement dans nombre de villes canadiennes est le fait que de nombreuses propriétés à louer sont financièrement hors de portée pour les délinquants. Comme ils ont souvent peu d’économies, les délinquants ne sont pas en mesure de verser, par exemple, un dépôt en cas de dommages ou le loyer du premier et du dernier mois. Le traitement d’une demande d’aide sociale peut prendre plusieurs semaines, et il faut également du temps pour trouver un emploi.

Aux défis d’ordre financier liés à l’obtention d’un logement s’ajoutent des barrières administratives. Par exemple, il faut accompagner sa demande de logement d’une pièce d’identité (permis de conduire ou autre pièce d’identité avec photo), mais de nombreux délinquants quittent l’établissement sans aucune pièce d’identité et/ou il y a un coût pour obtenir l’identification nécessaire. De plus, les locateurs demandent souvent des références et/ou des vérifications de crédit, lesquelles sont difficiles à obtenir pour un délinquant .

Enfin, de nombreux propriétaires sont réticents à prendre des ex‑détenus comme locataires. L’effet de ces préjugés est encore plus fort dans le cas de personnes racisées.

Éducation

Les délinquants peu instruits font souvent face à des débouchés économiques limités au moment de leur libération, de sorte qu’ils sont plus susceptibles de commettre des actes criminels que de réintégrer la société. Le SCC a fait savoir en 2018 que 72 % des personnes incarcérées avaient des besoins en matière d’éducation/emploi, 46,1 % de la population de délinquants ayant déclaré avoir une 10e, 11e ou 12e année .

Les recherches répétées ont montré que la participation aux études réduit la récidive d’environ 20 à 30 %, et toute participation aux études postsecondaires réduit la récidive d’environ 45 à 75 %. Selon sa propre évaluation, le SCC estime que chaque dollar investi dans ses programmes éducatifs se traduit par une économie directe de 6,37 $ en raison de son effet sur la récidive et du pouvoir qu’a l’éducation d’empêcher une personne de récidiver.

Une éducation de base ne suffit pas à préparer des personnes incarcérées pour une réinsertion sociale réussie. De nombreux délinquants tirent parti d’une formation professionnelle supplémentaire (y compris sur l’aspect technique) et de l’aide sur la façon de postuler un emploi.

Il existe des difficultés considérables pour fournir aux délinquants des établissements correctionnels fédéraux avec un accès à la technologie. En raison du vieillissement des installations et des difficultés liées à l’infrastructure informatique, les détenus ont actuellement un accès limité à une technologie informatique à jour ou à Internet; la familiarité avec ces deux compétences techniques est importante pour nombre d’emplois, et d’autres parties de la vie (p. ex. : utiliser les réseaux de transport locaux ou chercher des services sociaux de base et en faire la demande). Le SCC continuera de faire progresser les projets pilotes et examiner des façons de moderniser son infrastructure afin de combler cette importante lacune en matière d’accès à la technologie, de manière à faciliter une réinsertion réussie et à réduire la récidive. 

Enfin, les capacités de lecture et d’écriture sont un élément fondamental de la capacité d’une personne de parfaire ses études. Lors des consultations, on a mentionné cet aspect comme étant un élément crucial d’une réinsertion sociale réussie. L’évaluation et l’amélioration des capacités de lecture et d’écriture, en établissement comme dans la collectivité, sont des considérations importantes à l’égard du pilier de l’éducation.

Emploi

Il a déjà été mentionné que le niveau de scolarité (éducation de base, formation des compétences professionnelles) peut améliorer l’accès à l’emploi et procurer de meilleurs débouchés économiques. Les possibilités d’emploi donnent au délinquant la capacité de subvenir à ses besoins et lui permettent d’accéder à des modèles prosociaux et d’étendre son réseau de soutien. Toutefois, de nombreux délinquants ont du mal à trouver un emploi avec des obstacles incluant un faible niveau de scolarité, un manque d’expérience de travail communautaire ou de compétences professionnelles. De plus, le fait d’avoir un casier judiciaire peut miner la capacité d’une personne d’obtenir un emploi. Conscient de l'effet néfaste qu'un ancien casier judiciaire peut avoir sur la vie des anciens délinquants, le gouvernement a annoncé en décembre 2021 une importante diminution des coûts associés à l'obtention d'un pardon, qui sont passés de 658 $ à 50 $. De plus, le gouvernement investit 18 millions de dollars dans des organismes communautaires qui aident les délinquants à s'orienter dans le processus de demande et d'obtention d'un pardon.

Les recherches du SCC montrent que les délinquants qui purgent une peine fédérale et qui obtiennent et conservent un emploi dans la collectivité sont presque trois fois moins susceptibles d’être réincarcérés à la suite d’une nouvelle infraction que ceux n’ayant pas d’emploi. On a constaté que la participation à une formation sur l’emploi et à une formation liée à l’emploi augmentait la probabilité d’obtenir un emploi dans la communauté. Bien que ces types de programmes existent déjà au SCC, le Cadre fédéral visant à réduire la récidive examinera les possibilités d’élargir les programmes de formation existants. Pour s’assurer que les délinquants acquièrent les compétentes professionnelles les plus susceptibles de mener à un emploi rémunéré, un examen de la formation offerte, en particulier dans les établissements pour femmes, serait utile pour faire en sorte que les délinquantes aient accès à une formation qui reflète mieux le marché du travail après leur libération.

Santé

Le SCC est responsable de la prestation de soins de santé aux délinquants incarcérés. Cependant, cette responsabilité passe aux provinces et aux territoires au moment de la mise en liberté, ce qui crée des difficultés supplémentaires sur le plan du maintien de l’accès aux soins de santé pour tous les délinquants.

Par comparaison à la population dans son ensemble, les personnes qui subissent l’incarcération sont plus susceptibles de présenter un trouble de l’humeur comme la dépression ou une maladie psychotique comme la schizophrénie. Ceci souligne la nécessité de tenir compte des services de santé mentale élargis pour les délinquants lorsqu’ils sont incarcérés. En outre, les délinquants sont plus susceptibles de souffrir d’affections chroniques, par exemple le VIH, le diabète, la bronchopneumopathie chronique obstructive ou l’asthme.

De plus, nous savons que les personnes atteintes de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale (ETCAF) sont plus susceptibles d'avoir affaire au système de justice pénale en raison de déficits neuropsychologiques au niveau du jugement. Il y a encore du travail à faire pour dépister et soutenir les délinquants qui peuvent être atteints de l'ETCAF non diagnostiqué, puis pour s'assurer qu'ils reçoivent les soins de santé mentale nécessaires à une réinsertion réussie dans la communauté.

Dans les jours et les semaines qui suivent la libération dans la collectivité, les délinquants font face à un risque accru de résultats négatifs en matière de santé, y compris des pics dans les visites en salle d’urgence, les hospitalisations et les décès. Les délinquants sont également plus susceptibles de courir un risque de surdose à leur libération. Parmi les facteurs de risque qui ressortent des études sur le sujet, mentionnons une baisse de la tolérance à la drogue et la faible pureté de la drogue dans les établissements. Se pencher sur l’usage problématique de substances parmi les délinquants est un problème urgent. 60 % des délinquants qui sont incarcérés dans un établissement de SCC étaient intoxiqués au moment de leur arrestation. Il serait avantageux d’offrir davantage de programmes à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement pour aider les délinquants à gérer leur dépendance.

L’une des plus importantes conclusions émanant de la littérature sur le lien entre la consommation problématique de substances et le comportement criminel est qu’un délinquant ne peut maintenir les gains réalisés grâce aux programmes de traitement offerts en milieu carcéral que s’il bénéficie d’un soutien de suivi et de traitements dans la collectivité au moment de sa mise en libertéNote de bas de page8. Dans bien des cas, il peut être difficile de trouver un médecin de famille. Faute d’accès à un médecin, les délinquants ne peuvent obtenir des soins de santé que par l’intermédiaire de cliniques sans rendez‑vous ou de salles d’urgence, où les médecins — qui travaillent souvent en rotation — ne peuvent pas accéder à l’historique de soins du patient. Une telle situation mine la continuité des soins et la capacité de suivre les besoins médicaux, y compris les renouvellements d’ordonnances, le traitement de la consommation problématique de substances, la prise en charge d’affections chroniques, etc. Ces difficultés, en particulier celles reliées au maintien des progrès réalisés à l’égard du traitement de la toxicomanie, pourraient avoir une incidence négative sur la récidive en accroissant le risque de nouvelles infractions. Il ressort des consultations qu’une planification préalable est cruciale pour assurer l’accès à des services médicaux ainsi que pour veiller à ce que les ordonnances puissent être renouvelées après la mise en liberté et que le suivi des agents de libération conditionnelle comprenne l’obtention d’une carte d’assurance‑maladie et/ou d’un médecin de famille.

Réseau de soutien positif

En tant qu’êtres sociaux, les humains doivent avoir le sentiment d’appartenir à un groupe. Les conditions de libération interdisent parfois aux délinquants d’entrer en contact avec des amis ou des groupes en particulier qu’ils côtoyaient avant leur incarcération. Une telle situation peut mener à l’isolement des délinquants, qui devront s’établir un réseau de soutien positif en l’absence de ces fréquentations anciennes ou interdites. Lors des consultations, on a évoqué la nécessité d’offrir aux délinquants en réinsertion sociale une place provisoire ou un réseau de soutien « prosocial » afin de les aider à prévenir l’isolement et l’exposition à des facteurs négatifs.

On entend par « réseau de soutien positif » le fait de favoriser la réinsertion sociale dans la collectivité par le contact avec des pairs prosociaux. Des études montrent que le risque de commettre des actes criminels et de récidiver est plus élevé chez les délinquants qui fréquentent des pairs antisociaux. Par conséquent, il importe que les délinquants s’entourent d’influences positives au moment de leur mise en liberté. La création de ce réseau social de soutien peut commencer avant la libération et se poursuivre dans la collectivité. Les consultations portaient sur l’expertise des organisations en contact avec le client pour aider les délinquants à rebâtir des réseaux de soutien social positifs.

Prochaines étapes

Le Cadre décrit la stratégie que le Canada appliquera en vue de travailler à l’aplanissement des barrières relevées à l’égard des thèmes prioritaires que sont le logement, l’éducation, l’emploi, la santé et les réseaux de soutien positif. Le Cadre est conçu de façon à permettre l’adoption d’approches agiles pour s’attaquer au problème de la récidive au moyen d’initiatives et de programmes financés par le gouvernement fédéral ou en tirant parti d’initiatives et de programmes provinciaux et territoriaux, en faisant la promotion des partenariats avec des organismes communautaires et confessionnels et en sensibilisant la population aux avantages du soutien aux délinquants.

En reconnaissance du fait qu’aucun ministère ou organisme n’aura toutes les solutions, la communication se poursuivra en vue de l’élaboration d’un plan de mise en œuvre du Cadre, y compris le recensement de mesures précises qu’on pourra prendre pour réduire la récidive et qui tiendront compte de la loi habilitante.

La loi exige également que Sécurité publique Canada prépare, dans les trois années suivant le dépôt du Cadre, un rapport sur son efficacité, assorti de conclusions et de recommandations. De plus, le Cadre et le plan de mise en œuvre subséquent serviront aussi d’outils aux fins de l’évaluation de la pertinence et du succès des mesures fédérales, y compris celles établies avec les provinces, les territoires, le secteur privé, les groupes bénévoles et d’autres organismes.

Le Cadre est un premier pas important et va évoluer au fil du temps, s’adaptant aux besoins naissants et changeants et intégrant de nouvelles approches à la lumière des dernières études et des nouvelles pratiques exemplaires.

Leadership à l’égard de la réduction de la récidive au Canada

Le Canada est déterminé à réduire la récidive afin de veiller à ce que les collectivités soient sûres pour l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens.

Le processus de consultation était axé sur les thèmes du logement, de l’éducation, de l’emploi, de la santé et des réseaux de soutien positif, mais on a également discuté d’enjeux liés aux programmes fondés sur des données probantes qui pourraient réduire la récidive, des difficultés actuelles touchant la prestation de programmes aux personnes incarcérées et des occasions qu’on pourrait mettre à profit pour combler des lacunes dans les services.

À mesure que nous continuons d’examiner ce que nous avons entendu et de travailler en partenariat sur le plan de mise en œuvre, un ensemble de principes directeurs va guider nos efforts touchant chacun des piliers thématiques du Cadre.

Principes directeurs

Collaboration

Nous ne pouvons agir seuls

Le Canada va donc chercher à :

Innovation

Nous devons faire les choses différemment

Le Canada va donc chercher à :

Souplesse

Nous devons nous adapter aux besoins

Le Canada va donc chercher à :

Conclusion

Le nouveau Cadre fédéral visant à réduire la récidive est le premier instrument du genre, et le Canada prendra immédiatement des mesures pour amorcer sa mise en œuvre.

Le Cadre définit les priorités stratégiques à la lumière desquelles on élaborera un plan de mise en œuvre pour orienter les efforts et les ressources en vue d’agir sur les circonstances uniques des délinquants quittant le système correctionnel, de favoriser le succès de leur réinsertion sociale et de prévenir la récidive.

À long terme, le Canada continuera de travailler en partenariat avec les provinces et les territoires, le secteur privé et les organismes communautaires et bénévoles. Faisant fond sur ces réseaux, le Canada prendra des mesures afin d’accroître le nombre de délinquants pouvant obtenir l’aide qu’il leur faut pour combler leurs besoins fondamentaux, par exemple le soutien touchant la recherche de logement, l’accès aux soins de santé, la participation à des occasions d’apprentissage et la recherche d’emploi.

Le Canada rendra des comptes sur les mesures concrètes prises au titre du Cadre et du plan de mise en œuvre dans le rapport qu’il présentera au Parlement dans trois ans.

Notes de bas

  1. 1

    Loi sur le cadre visant à réduire la récidive. Lois du Canada, c.18. Canada. Sécurité de la Justice. 2021. Site internet. https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/r-4.6/page-1.html

  2. 2

    2020 Aperçu statistique du système correctionnel et la mise en liberté sous condition, Section C. La population des délinquantes. Canada. Sécurité publique Canada. 2022. Site internet. https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/ccrse-2020/index-fr.aspx

  3. 3

    Canada. Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le rapport finale de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Appels à la justice. Site internet. https://www.mmiwg-ffada.ca/wp-content/uploads/2019/06/Calls-Web-Version-FR.docx

  4. 4

    Articles 81 et 84, les services correctionnels fédéraux et la collectivité autochtone. Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Lois du Canada, c.20. Canada. Sécurité de la Justice. 2019. Site internet. https://www.csc-scc.gc.ca/002/003/002003-0004-fr.shtml

  5. 5

    Canada. Service correctionnel du Canada, Direction de la recherche, Division de la recherche correctionnelle. Résumé de Recherche. Les gangs en milieu carcéral : examen et aperçu des stratégies. Canada. Service correctionnel du Canada. 2009. Site internet. https://www.csc-scc.gc.ca/research/092/b43-fra.pdf  

  6. 6

    Jean-Pierre Guay, PhD. Recherche sur les Questions correctionnelles : Rapport pour spécialistes. La prédiction de la récidive chez les membres de gangs de rue. [Quebec, Canada] [Sécurité publique Canada], 2012. Site internet. https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/2012-02-prsgm/index-fr.aspx

  7. 7

    Un ex-détenu aide à tracer un nouveau parcours pour d’autres personnes à risque d’itinérance. Stratégie nationale sur le logement, 2021. https://www.chezsoidabord.ca/en/stories/083-from-prison-to-homelessness-ending-a-perilous-trajectory

  8. 8

    Curt T. Griffiths, PhD. Yvon Dandurand, Danielle Murdoch. Rapport de recherche 2007-02. La réintégration sociale des délinquants et la prévention du crime. [Ottawa, ON] [Centre national de prévention du crime], 2007. Site internet. https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/scl-rntgrtn/index-fr.aspx

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