Sommaire de recherche
Les pratiques en matière d'évaluation du risque chez les délinquants varient à l'échelle du Canada

Qu'est-ce que ça veut dire au juste quand un organisme correctionnel détermine qu'un délinquant présente un risque élevé?

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Contexte

Au fil du temps, plusieurs outils d'évaluation du risque chez les délinquants ont été élaborés pour aider les praticiens du milieu correctionnel à prendre des décisions quant à la nature et à l'intensité des interventions correctionnelles. De façon générale, ces outils évaluent les délinquants en fonction de divers éléments liés à la récidive (c.-à-d. les facteurs de risque et de besoins). En bout de ligne, ils donnent à l'évaluateur une idée de la probabilité que le délinquant commette ultérieurement des actes criminels, en plus d'éclairer la prise de décisions concernant la peine, la cote de sécurité, le traitement, la mise en liberté et l'intensité de la surveillance dans la collectivité, dans le but de faire concorder les services et les stratégies de surveillance avec le niveau de risque.

Bien qu'il semble simple d'établir une concordance entre l'intensité des services et de la surveillance et le niveau de risque de récidive, l'existence de multiples outils d'évaluation du risque soulève certaines questions quant à l'équivalence des classifications du risque produites par chacun. En effet, chaque outil utilise différentes définitions d'un risque « faible », « moyen » ou « élevé », et classe souvent les délinquants dans un nombre de catégories de risque différent des autres (p. ex. très faible, faible, moyen, élevé, très élevé). Un délinquant désigné à risque élevé par une administration peut ne pas obtenir le même jugement dans une autre administration utilisant un outil différent. De plus, si le taux de récidive pour les délinquants à « risque élevé » selon un outil est considérablement plus bas que le taux établi avec un autre outil, les interventions correctionnelles devraient-elles être les mêmes?

Une des pierres angulaires de notre système de justice est que les délinquants doivent être traités de façon juste et équitable. La revue avait pour but de déterminer dans quelle mesure les procédures relatives à l'attribution de niveaux de risque varient dans les systèmes correctionnels canadiens, et le risque que ces écarts aient des conséquences réelles pour les délinquants et pour la sécurité publique. Nous souhaitions tout particulièrement déterminer de quelle manière les niveaux de risque et de besoins sont définis, la mesure dans laquelle il y a cohérence entre les administrations, ainsi que les répercussions sur la réadaptation et la gestion des délinquants.

Méthode

Au moyen d'une entrevue semi-structurée, nous avons demandé à un total de 20 professionnels provenant d'organismes correctionnels provinciaux, territoriaux et fédéraux de parler des politiques et des pratiques d'évaluation du risque au sein de leur administration, des outils employés pour évaluer le risque pour la population de délinquants adultes à l'échelle du système (c.-à-d. en tant que règle générale dans la province ou le territoire), de leur compréhension des catégories de risque établies dans les outils, et de la manière dont les catégories de risque sont utilisées pour éclairer diverses décisions (p. ex. mise en liberté conditionnelle, surveillance ou traitement). Nous avons également examiné les données normatives (c.-à-d. les taux de récidive et la répartition des cotes de risque) pour les outils d'évaluation du risque.

Constatation

L'évaluation du risque est pratique courante dans les services correctionnels canadiens. Toutes les administrations canadiennes utilisent un outil d'évaluation du risque et des besoins pour la récidive générale, la plupart d'entre elles utilisent des outils directement liés aux crimes sexuels et quelques-unes d'entre elles utilisent des outils axés sur la violence conjugale. En tout, 20 différents outils d'évaluation du risque ou versions particulières sont utilisés au Canada.

On note une grande diversité sur le plan des étiquettes attribuées aux catégories de risque, de leur nombre et de leur signification, ce qui donnerait lieu à des interventions correctionnelles différentes pour une même personne, lesquelles sont fondées uniquement sur l'outil d'évaluation du risque utilisé par une administration donnée. De plus, chaque outil d'évaluation du risque a un nombre d'étiquettes des catégories de risque et des conventions en matière de communication du risque qui lui sont propres. Certains outils établissent trois catégories de risque, alors que d'autres en ont cinq. Même les outils qui ont le même nombre de catégories (p. ex. trois) utilisent différents descripteurs pour communiquer le niveau de risque chez les délinquants. Entre autres exemples, le taux prévu de récidive générale pour les délinquants à risque élevé est de 54 % selon un outil d'évaluation du risque, alors que celui pour les délinquants à risque élevé selon un outil différent varie de 66 à 87 %. Pour les délinquants sexuels, les taux de récidive des délinquants présentant un risque allant de modéré à élevé selon un outil sont approximativement deux fois plus élevés que les estimations des taux de récidive pour le même niveau de risque dans un outil différent (de 26 à 34 % plutôt que de 11 à 15 %).

Au cours des dernières années, les consultations menées auprès de chercheurs, de gestionnaires et de praticiens au Canada et aux États-Unis mettaient l'accent sur le meilleur moyen d'harmoniser les pratiques en matière d'évaluation du risque dans un but commun, soit l'efficacité des services correctionnels. Ces consultations, qui ont été appuyées par Sécurité publique Canada et le Justice Center du Council of State Governments des États-Unis, ont donné lieu à une possible voie à suivre lorsqu'il s'agit de normaliser la communication du risque dans divers systèmes correctionnels. Cinq niveaux de risque universels ont été proposés pour les outils d'évaluation du risque de récidive générale (Hanson, Bourgon et al., 2017) et appliqués au risque de délinquance sexuelle (Hanson, Babchishin et al., 2017). Ces niveaux de risque ont été conçus pour rappeler aux évaluateurs et aux décideurs que nous parlons de la même population, peu importe l'échelle d'évaluation du risque qui est utilisée ou l'administration dans laquelle les délinquants purgent leur peine. Comme prochaine étape, nous suggérons d'employer ce langage du risque commun au Canada afin d'accroître l'uniformité dans l'évaluation et la communication du risque.

Répercussions

  1. Des outils d'évaluation du risque chez les délinquants sont employés dans toutes les administrations correctionnelles canadiennes.
  2. Le risque chez un délinquant est évalué et communiqué de manière non uniforme à l'échelle du pays. En raison de la diversité des outils d'évaluation du risque employés, il est probable que les niveaux de risque aient des significations différentes selon l'outil employé. Par conséquent, des délinquants purgeant une peine identique et présentant la même probabilité de récidive pourraient être gérés différemment.
  3. La normalisation de la signification des étiquettes des catégories de risque entre les divers outils d'évaluation du risque pourrait aider les délinquants à bénéficier invariablement des interventions correctionnelles équitables et fondées sur des données empiriques les plus appropriées partout au Canada.

Source

Mugford, R., Bourgon, G., Hanson, R. K. et Coligado, M. (2017). Les pratiques en matière d'évaluation du risque chez les délinquants varient à l'échelle du Canada (rapport de recherche 2017-R015). Ottawa, Ontario : Sécurité publique Canada.

Sources additionnelles

Hanson, R. K., Babchishin, K. M., Helmus, L. M., Thornton, D. et Phenix, A. (2017b). Communicating the results of criterion referenced prediction measures: Risk categories for the Static-99R and Static-2002R sexual offender risk assessment tools. Psychological Assessment, 29, 582.

Hanson, R. K., Bourgon, G. et Tavarez, L. P. (2017b). A five-level risk and needs system: Maximizing assessment results in corrections through the development of a common language. Justice Centre : Washington D.C.

Pour obtenir davantage de renseignements sur la recherche effectuée au Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime de Sécurité publique Canada, pour obtenir une copie du rapport de recherche complet, ou pour être inscrit à notre liste de distribution, veuillez communiquer avec :
Division de la recherche, Sécurité publique Canada
340, avenue Laurier Ouest
Ottawa, Ontario  K1A 0P8
PS.CPBResearch-RechercheSPC.SP@ps-sp.gc.ca

Les sommaires de recherche sont produits pour le Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, Sécurité publique Canada. Les opinions exprimées dans le présent sommaire sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada.

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