Paramètres de rendement pour le cannabis aux fins d'élaboration de politiques – Que devons-nous mesurer?

Paramètres de rendement pour le cannabis aux fins d'élaboration de politiques – Que devons-nous mesurer? Version PDF (1 Mo)
Table des matières

Par Anton Maslov, Austin Lawrence et Matthew Ferguson

Sommaire

Le cannabis et ses sous-produits sont les substances narcotiques illégales les plus couramment consommées dans le monde. Le Canada affiche l’un des taux de prévalence les plus élevés de consommation de cannabis dans le monde : plus de quarante pour cent des Canadiens ont consommé du cannabis comme drogue au cours de leur vie, et de 10,2 % (Santé Canada, 2012) à 12.2% (Rotermann et Langlois, 2015) en ont consommé en 2010. En date de février 2016, sa production et sa consommation étaient illégales selon le Code criminel du Canada, à l’exception de certains usages médicaux. Le gouvernement fédéral a cependant indiqué son intention de légaliser l’usage du cannabis à des fins non médicales. Au moment d’aborder la question de savoir si les régimes de réglementation du cannabis ont les effets escomptés ou d’envisager des changements aux régimes de réglementation du cannabis, il est important de mesurer empiriquement ces changements et effets au moyen de paramètres de rendement. Les paramètres sur le rendement sont des cas où l’incidence du cannabis sur divers aspects de la société est mesurée au moyen de données empiriques. Le présent rapport met en évidence l’importance que l’on recueille des données empiriques concernant 45 paramètres sur le rendement lorsqu’il s’agit d’évaluer les changements possibles des régimes de réglementation du cannabis au Canada. Sur les 45 paramètres de rendement cernés dans le présent rapport, le Canada recueille présentement des données pour en calculer sept, des données partielles sur 17 autres paramètres et peu de données, voire aucune, sur les 21 paramètres restants. La signification, l’objectif et, dans la mesure du possible, l’application opérationnelle de chaque paramètre est analysée en détail.

Note de l’auteur

Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne traduisent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada. La correspondance concernant le présent rapport doit être transmise à l’adresse suivante : Division de la recherche, Sécurité publique Canada, 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario)  K1A 0P8. Courriel : ps.csccbresearch-recherchesscrc.sp@canada.ca.

Remerciements

Les auteurs souhaiteraient remercier Ashley Zakhem (analyste, Division des crimes graves et du crime organisé, Sécurité publique Canada) et la Dre Megan Bettle (directrice, Bureau de la science et surveillance des drogues, Santé Canada) de leurs conseils et suggestions constructives. Nous sommes également grandement reconnaissants à Jack Reed (analyste statistique, Office of Research & Statistics, Division of Criminal Justice, ministère de la Santé publique du Colorado) pour ses travaux et conseils essentiels, et aux employés du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies (CCLT) et ceux de la bibliothèque de Sécurité publique Canada, pour les ressources et l’orientation qu’ils ont offertes.

Introduction

Le cannabis et ses sous-produitsFootnote1sont les substances narcotiques illégales et plus couramment consommées dans le monde. Selon des estimations sommaires, il y avait 125 millions de consommateurs et de fournisseurs de produits de cannabis dans le monde en 2011 (Caulkins et coll., 2012). Le Canada affiche l’un des taux de prévalence les plus élevés de consommation de cannabis dans le monde. Plus de 40 % des Canadiens ont consommé du cannabis au cours de leur vie, et de 10,2 % à 12,2 % en ont consommé au cours de l’année précédant l’enquête en question (2011) (Santé Canada, 2012; Rotermann et Langlois, 2015).

En général, les politiques relatives à la consommation de cannabis peuvent être catégorisées selon des régimes qui réglementent trois aspects. Les principaux axes de réglementation des régimes sont les suivants : 1) usage prévu (récréatif, médical ou spirituel); 2) population de consommateurs (jeunes ou adultes), et 3) rigueur avec laquelle les lois sont appliquées (illégalité du cannabis et lois appliquées; illégalité du cannabis et lois non appliquées; réglementation administrative ou décriminalisation du cannabis et légalisation du cannabis) (Caulkins et coll., 2012).

Le droit criminel interdit tout usage prévu du cannabis pour toute catégorie de consommateurs dans la majorité des pays partout dans le monde. De 2013 à 2015, quatre États des États‑Unis – Alaska, Colorado, Oregon et Washington – et le district fédéral de Columbia ont légalisé la culture et la consommation de cannabis à des fins médicales et récréatives. De nombreux autres États ont adopté des lois visant à décriminaliser la consommation des produits du cannabis pour usage médical et leur possession pour usage récréatif. À l’échelon national, l’Uruguay est le seul pays à avoir complètement légalisé le cannabis pour usage médical et récréatif. Aux Pays-Bas, les autorités ont décriminalisé la distribution au détail et la consommation du cannabis, et, au Portugal, la consommation de drogues est une infraction d’ordre administratif (plutôt qu’une infraction criminelle). En Jamaïque, on a décriminalisé certains types de possession et production domestique de cannabis, et la consommation à des fins spirituelles a été légalisée dans une grande mesure. Pour sa part, le Canada a légalisé l’utilisation du chanvre industriel et l’usage médical du cannabis Footnote2,tandis que d’autres usages du cannabis sont illégaux.

Dans les discussions sur les effets escomptés des régimes de réglementation du cannabis ou au moment d’envisager des changements à apporter à ces régimes, les parties prenant part à ce débat sur les politiques invoquent divers types de données probantes pour appuyer leur point de vue. Par exemple, un groupe pourrait soutenir que les taux de consommation du cannabis, la quantité de cannabis consommée et le prix du cannabis doivent être mesurés adéquatement pour saisir la taille de ce marché de consommation. Il peut plaider qu’il faut mieux comprendre, avant toute modification des politiques, les tendances en matière de consommation du cannabis chez divers sous-groupes de la population, comme les jeunes, les sans-abri ou les groupes ethniques et religieux. Une telle compréhension pourrait permettre de cerner les populations vulnérables et d’établir des stratégies afin d’établir des interventions rapides, si elles deviennent nécessaires. Un changement apporté aux politiques relatives au cannabis peut entraîner, entre autres exemples, des enjeux liés aux soins de santé. Pour déterminer les conséquences générales des politiques relatives au cannabis sur la santé publique, il faudrait préciser, par exemple des mesures adéquates à prendre concernant l’admission liée au cannabis de personnes dans les salles d’urgence et les services de toxicologie, les cas liés aux conséquences néfastes du cannabis sur la santé physique et mentale, ainsi que les effets à long terme de la consommation de cannabis et son incidence sur les personnes et la société en général.

Ces facteurs à prendre en considération sont des exemples de paramètres de rendement liés aux politiques sur le cannabis. Autrement dit, les paramètres de rendement sont la mesure à l’aide de données empiriques des répercussions du cannabis sur divers aspects de la société. Les auteurs de la présente étude ont d’abord examiné le cas de l’État du Colorado afin de déterminer au préalable les paramètres qui doivent être mesurés lorsqu’on se penche sur la question du cannabis. En janvier 2015, Jack K. Reed, du ministère de la Sécurité publique du Colorado, a présenté un exposé sur les besoins de l’État du Colorado au chapitre de l’information et des données afin d’évaluer les changements des politiques sur le cannabis (Reed, 2015). Dans son exposé, il a cerné trois domaines concernant lesquels les paramètres de rendement doivent être davantage précisés : les jeunes, la sécurité publique et la santé publique. Les auteurs du présent rapport ont utilisé comme point de départ les paramètres de rendement particuliers établis dans l’exposé de J. K. Reed. Les auteurs et leurs collègues de Sécurité publique Canada ont cerné d’autres paramètres et les ont intégrés à la présente étude à mesure que le projet avançait.

Dans le cadre de travaux antérieurs effectués par Sécurité publique Canada, on a présenté en détail les aspects, par exemple la criminalité (Lawrence, 2012) et la conduite d’un véhicule avec facultés affaiblies (SCSJ, 2014), des questions de sécurité publique et de politiques sur les drogues pour lesquelles les paramètres de rendement faisaient défaut. D’autres recherches ont montré que les paramètres de rendement concernant les enjeux économiques contribuent également de façon essentielle à une compréhension des répercussions de divers régimes de réglementation des substances illicites (Boucher et coll., 2013; Caulkins et coll., 2012; Maslov et Boucher, 2014).

Objectif

Le projet qui nous concerne a pour objectif de répertorier et d’analyser les principaux paramètres de rendement proposés en vue de l’évaluation des régimes de réglementation du cannabis. Le but du projet est d’analyser les divers paramètres de rendement qui existent actuellement, ainsi que d’autres qui pourraient devoir être examinés au préalable, de même que, après l’adoption de ces paramètres, un nouveau régime de réglementation du cannabis au Canada.

Approche et méthode

Le présent rapport comporte un examen détaillé de documents et une analyse de paramètres de rendement qui pourraient être appliqués aux régimes de réglementation du cannabis. La documentation examinée comprenait des ouvrages universitaires publiés, des documents publiés par des gouvernements et les organismes d’application de la loi au Canada et à l’étranger, de même que des données non officielles comme des articles de presse et de revues en ligne, ainsi que des documents de travail non universitaires provenant de pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Une fois que les documents ont été recueillis, triés et analysés, une brève analyse des paramètres de rendement pour lesquels la documentation était accessible a suivi. En parallèle, nous avons tenté d’analyser la disponibilité et la qualité des données mises à notre disposition au Canada pour évaluer des paramètres de rendement en particulier. Lorsque des données ou des mesures indirectes n’étaient pas disponibles pour un paramètre particulier, les auteurs ont abordé la question de l’importance de recueillir directement les données et les méthodes possibles pour agir ainsi.

Aux fins du présent rapport, les paramètres de rendement pour le cannabis recueillis ont été classés selon quatre catégories : 1) sécurité publique; 2) santé publique; 3) enjeux économiques; et 4) enfants et jeunes. Nous reconnaissons que de nombreux paramètres abordés tout au long du présent ouvrage peuvent être classés dans plus d’une catégorie. Par exemple, le paramètre relatif au rapport entre le cannabis et d’autres drogues pourrait être un enjeu de sécurité publique et de santé publique. De même, le paramètre relatif aux liens entre le cannabis et le crime organisé ou le blanchiment d’argent pourrait être classé dans les catégories de la sécurité publique et des enjeux économiques. Fondamentalement, il importe peu comment le paramètre a été classé ou dans quelle catégorie il a été placé. Le projet qui nous concerne vise, au bout du compte, à analyser les paramètres eux-mêmes et l’importance de les mesurer adéquatement.

La liste des paramètres présentés dans cet ouvrage n’est en aucun cas exhaustive. Plutôt, on devrait considérer ces paramètres comme un point de départ en vue de la détermination et de l’analyse des paramètres qui doivent être mesurés au moment d’examiner dans quelle mesure un régime de réglementation du cannabis réalise ses objectifs, ainsi que les répercussions prévues de changements des politiques sur certains aspects du régime de réglementation du cannabis. Une liste sommaire des paramètres analysés dans cet ouvrage figure au tableau 1 de l’annexe. Les auteurs doivent également mentionner que, même s’ils ont fourni tous les efforts pour inclure et analyser autant de paramètres que le temps et la disponibilité des documents leur permettaient, ils ont pu omettre certains paramètres. Des ouvrages publiés par des universités, des gouvernements, des services de police ou de grandes entreprises de presse continueront de relever et de présenter sous diverses formes de nouveaux paramètres, et il est simplement impossible de les répertorier tous dans un rapport. Nous espérons donc que le présent rapport servira de point de départ au débat et que d’autres paramètres et idées seront soulevés à mesure que les discussions avanceront.

Sécurité publique

Tendances en matière de consommation

Les tendances en matière de consommation sont un paramètre de rendement de base que les décideurs publics doivent comprendre afin de connaître la prévalence à laquelle la population consomme le cannabis et la quantité qu’elle consomme. Entre autres raisons, il faut recueillir de tels renseignements pour mieux déterminer si les politiques favorisent ou dissuadent la consommation de cannabis, pour déterminer si des types problématiques de consommation augmentent, baissent ou se concentrent chez des consommateurs particuliers, pour analyser des questions économiques, comme établir les impôts qui seraient, ou devraient être établis dans le cadre de divers scénarios ou pour, entre autres fonctions, estimer la taille des marchés semi-clandestin ou noir du cannabis dans le cadre d’un régime de légalisation de la substance.

Deux enquêtes distinctes mesurent la prévalence de la consommation de cannabis dans la population canadienne : l’Enquête de surveillance canadienne de la consommation d’alcool et de drogues (ESCCAD), désignée présentement sous le nom de « Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues » (ECTAD), et l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC). Selon l’ECTAD, la prévalence estimée de consommation de cannabis l’année précédant la tenue de l’enquête chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus s’élevait à 10,2 % et la prévalence de consommation au cours de la vie chez la même population s’élevait à 41,5 % (Santé Canada, 2012). Selon d’autres résultats d’enquête, la prévalence de la consommation de cannabis au cours de la dernière année (14,1 %) et au cours de la vie (44,5 %) décline depuis 2004. En 2012, les hommes (47,9 %) étaient plus susceptibles d’avoir consommé du cannabis au cours de leur vie par rapport aux femmes (35,5 %), ainsi qu’au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête (13,7 % comparativement à 7 %). Dans les provinces, la Colombie‑Britannique (48,7 %), suivie de l’Alberta (44,3 %), a affiché la plus grande prévalence de consommation de cannabis au cours de leur vie; par comparaison, le Nouveau‑Brunswick (36,4 %) a présenté la plus faible prévalence. La Colombie‑Britannique a aussi affiché la plus grande prévalence de consommation de cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête (13,8 %), et le Nouveau‑Brunswick, la plus faible prévalence (8,5 %).

Les auteurs de l’ESCC ont trié les résultats selon qu’il s’agissait de personnes qui n’avaient consommé qu’une seule fois du cannabis ou de consommateurs à répétition. Dans les cas de personnes qui n’avaient consommé du cannabis qu’une seule fois, les Canadiens âgés de 15 ans ou plus avaient consommé du cannabis, selon les estimations, dans une proportion de 12,2 % au cours de la dernière année et de 43 % au cours de leur vie (Rotermann et Langlois, 2015). Dans le cas des consommateurs à répétition, la prévalence de la consommation de cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête s’élevait, selon les estimations, à 11,8 % et à 33,5 % au cours de leur vie. Aucun changement important relativement à la prévalence de la consommation de cannabis au cours de la dernière année ou au cours d’une vie n’a été observé depuis 2002. Les hommes interrogés ont déclaré n’avoir consommé du cannabis qu’une seule fois au cours de leur vie dans une proportion de 49,4 %, tandis que ceux en ayant consommé à répétition l’avaient fait dans une proportion de 33,5 %. La prévalence de consommation de cannabis chez les femmes n’en ayant consommé qu’une seule fois au cours de leur vie s’élevait à 35,8 %; par comparaison, la prévalence de consommation de cannabis chez les femmes qui en avaient consommé à répétition s’élevait à 25,9 %. Pour ce qui est de la prévalence de consommation de cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête, la proportion d’hommes n’en ayant consommé qu’une seule fois s’élevait à 16,1 % (15,3 % chez les hommes en ayant consommé à répétition) celle de femmes en ayant consommé qu’une seule fois s’élevait à 8,3 % (7,8 % des femmes en avaient consommé à répétition). Dans les provinces, la Nouvelle‑Écosse (15,7 %), suivie de la Colombie‑Britannique (14,3 %) affichait la plus grande prévalence de consommation de cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête, la Saskatchewan (9,9 %), la plus faible.

Dans le cadre de l’ESCC, une autre question portait sur la fréquence de consommation de cannabis chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête. Les pourcentages étaient les suivants : 0,7 % n’en avaient consommé qu’une seule fois au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête (0,8 % chez les hommes et 0,6 % chez les femmes); 4,4 % en avaient consommé moins d’une fois par mois (5,2 % chez les hommes et 3,6 % chez les femmes); 2,1 % en avaient consommé de une à trois fois par mois (3 % chez les hommes et 1,3 % chez les femmes); 3,2 % en avaient consommé au moins une fois par semaine (4,6 % chez les hommes et  1,7 % chez les femmes) et 1,8 % en avaient consommé quotidiennement (2,4 % chez les hommes et 1,2 % chez les femmes) (Rotermann et Langlois, 2015).

Entre autres constatations sur le plan démographique, l’ESCC a révélé une plus grande prévalence de consommation de cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête dans la population non immigrante (14,7 % par rapport à 4,6 % chez les immigrants) et dans les agglomérations (12,7 % dans les centres urbains par rapport à 9,6 % dans les régions rurales) (Rotermann et Langlois, 2015). Fait intéressant, le revenu des ménages n’avait pas d’incidence importante sur la prévalence de consommation de cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête.

L’ECTAD et l’ESCC fournissent des données nécessaires pour établir la prévalence de consommation de cannabis et les tendances en matière de consommation dans divers groupes démographiques au Canada. Cependant, le fait de connaître le nombre de fois que les personnes ont consommé du cannabis, et sa fréquence, n’est qu’un point de départ afin de comprendre les tendances générales en matière de consommation de cannabis. Au Canada, les principales lacunes statistiques ont trait à la quantité de cannabis consommée. La prévalence de la consommation n’est en soi qu’une mesure indirecte de la consommation; la consommation générale devrait être mesurée en fonction de la quantité de cannabis consommée. Boucher et coll. (2013) ont souligné la nécessité de mesurer la quantité de cannabis consommée au Canada lorsqu’ils ont examiné les fluctuations des prix du cannabis au pays. Les auteurs ont soutenu que, sans connaître la quantité de cannabis consommée au Canada, les possibilités de recherche sont très limitées (voir la section sur les données économiques, ci-dessous). Il faut poser les questions concernant la fréquence de consommation de cannabis dans la population en même temps que celle concernant les quantités consommées; dans le cas contraire, il n’est pas possible d’estimer avec précision les quantités globales de consommation de cannabis dans la population et par personne. Il est recommandé que, à titre de point de départ, une question sur la quantité de cannabis consommée soit intégrée aux enquêtes comme l’ECTAD et l’ESCC.

Les tendances de consommation de cannabis, à la fois au chapitre de la prévalence de la consommation et de la quantité consommée, doivent faire l’objet d’un suivi permanent, peu importe les modifications apportées aux politiques relatives au cannabis. Il est extrêmement important de continuer d’assurer un suivi de la consommation des substances, licites ou illicites, puisque cela permettrait d’éclairer l’orientation que devraient adopter les politiques, de même que les modifications à apporter en parallèle aux lois, aux programmes ou à la réglementation, et ce, afin d’atteindre les objectifs stratégiques qu’on pourrait devoir formuler.

Méthode de consommation

Ce paramètre permettrait de cerner les façons utilisées pour consommer divers produits du cannabis et de mesurer les proportions des personnes qui consomment du cannabis selon ces méthodes et les quantités qu’elles consomment en fonction de ces diverses méthodes.

Dans un document d’orientation détaillé sur le cannabis à l’intention des professionnels des soins de santé, Santé Canada (2013 : 17 à 19) a énuméré les méthodes connues de consommation du cannabis : cannabis fumé, cannabis vaporisé, voie orale, voie oromucosale, voie rectale ou vaginale et voie topique. Le document décrit aussi les taux d’absorption et les associations de divers ingrédients psychoactifs décelés dans le cannabis selon diverses méthodes de consommation de la substance. Cependant, les statistiques ne disent pas encore comment et quand les diverses méthodes de consommation du cannabis sont utilisées. Elles ne renseignent pas non plus sur les dommages distincts pouvant être associés à diverses tendances de consommation. Au Canada, on ne connaît pas la part de cannabis fumée, ingérée, vaporisée ou administrée par voie topique. Les enquêtes comme l’ECTAD permettraient idéalement de recueillir de tels renseignements. Au moment d’interroger les répondants du sondage au sujet de la prévalence (et, nous le souhaitons, un jour, de la quantité) de consommation, on pourrait — et il le faudrait – leur poser une question secondaire concernant les méthodes de consommation du cannabis.

Ce paramètre conserverait sa pertinence peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Il est probable que le cannabis continuera d’être consommé dans la société. Le fait d’en être conscient peut être particulièrement utile au moment d’envisager des scénarios de décriminalisation ou de légalisation de la marijuana, dans lesquels la réglementation, la sensibilisation et d’autres changements des politiques peuvent avoir une incidence plus directe sur le comportement des consommateurs.

Incidents déclarés par la police et accusations

Le nombre d’arrestations liées à des infractions ayant trait au cannabis est actuellement un paramètre de rendement important dans les politiques relatives au cannabis. Ce paramètre peut se traduire selon quelques façons distinctes, notamment les données brutes sur les incidents criminels ou le taux d’incidents criminels par rapport à d’autres types de crimes ou selon un taux d’infraction par tranche de 100 000 habitants. Ces paramètres sont souvent utilisés comme mesure indirecte du nombre d’infractions liées au cannabis commises pour comprendre l’importance relative des crimes liés au cannabis par rapport à d’autres types de crimes. Ces paramètres sont couramment utilisés en conjonction avec d’autres ensembles de données pour estimer, entre autres choses, le coût associé à l’application des lois relatives au cannabis.

Au Canada, le Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) enregistre trois principaux types d’infractions liées au cannabis : la possession; le trafic ou la distribution et la production de cannabisFootnote3. La fréquence à laquelle des personnes sont arrêtées à la suite d’une infraction liée au cannabis varie en fonction de nombreux facteurs, notamment les ressources policières consacrées spécialement à l’application du régime réglementant le cannabis, la demande de cannabis dans une région où des incidents sont survenus, le degré d’activité du crime organisé dans la région et le volume selon lequel le cannabis est produit.

Les services de police enregistrent d’abord les données sur les arrestations dans le cadre des appréhensions qu’ils effectuent tout au long de l’année, et elles sont ensuite communiquées à Statistique Canada aux fins de consignation dans le DUC pour l’ensemble du pays. Cinquante‑sept mille trois cent quatorze (57 314) personnes ont été arrêtées pour possession de cannabis (en baisse de 4 % depuis 2013 et en augmentation de 7 % depuis 2004) et 10 696 autres personnes ont été arrêtées (en baisse de 25 % depuis 2013 et en baisse de 52 % depuis 2003) pour trafic, production ou distribution de cannabis (Statistique Canada, 2015a). Des accusations ont été portées dans quelque 42 % des affaires de possession de cannabis (24 542) et 71 % des affaires de trafic, de production ou de distribution de cannabis (7 573) (Statistique Canada, sans date). Les infractions liées au cannabis comptaient de plus pour 66 % (55 % des infractions pour possession et 10 % des infractions pour trafic, production ou distribution) des infractions liées aux drogues.

Les infractions liées au cannabis représentent la plus grande part des infractions liées aux drogues, et ce, dans toutes les provinces. En 2013, la Colombie‑Britannique affichait la plus grande proportion d’infractions liées au cannabis; deux tiers (69 %) des infractions liées aux drogues signalées aux services de police avaient trait au cannabis dans cette province (Statistique Canada, 2015). Le taux d’infractions liées au cannabis s’élevait à 398 infractions par tranche de 100 000 habitants en 2013 dans la province, soit le taux le plus élevé au pays. Des taux enregistrés en Saskatchewan (293 infractions par tranche de 100 000 habitants) et en Nouvelle‑Écosse (236 infractions par tranche de 100 000 habitants) étaient ensuite les taux les plus élevés au Canada. Dans deux territoires, les taux d’infractions liées au cannabis représentaient plus du double du taux de la Colombie‑Britannique : 930 infractions par tranche de 100 000 habitants dans les Territoires du Nord‑Ouest et 1 000 infractions par tranche de 100 000 habitants au Nunavut. Le taux observé au Yukon est semblable à celui enregistré dans les provinces (302 infractions par tranche de 100 000 habitants). Dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) canadiennes, le taux observé à Kelowna est le plus élevé parmi les RAR du pays (563 infractions par tranche de 100 000 habitants); par comparaison, Thunder Bay affichait le taux le plus faible (86 infractions par tranche de 100 000 habitants).

En ce qui concerne les accusations ayant trait uniquement à la possession de cannabis, Kelowna arrive encore en tête de la liste des RAR canadiennes, affichant un taux de 250 infractions par 100 000 habitants; par contraste, St. John’s affichait le taux le plus faible, à savoir 11 infractions par tranche de 100 000 habitants (Levasseur et coll., 2015). Fait intéressant, Saskatoon, et non Kelowna, est néanmoins la RMR où une personne est le plus susceptible d’être accusée de possession de cannabis parmi les RMR canadiennes. Les services de police de Saskatoon déposent ainsi une accusation de possession de cannabis dans 77 % des arrestations liées au cannabis. Les services de police municipaux les moins susceptibles de porter une accusation de possession de cannabis sont ceux de St. John’s, à Terre‑Neuve (7 %) (CBC News, 2015). Selon l’analyse de la CBC, les services de police du pays s’emploient à déposer des accusations de possession de cannabis toutes les neuf minutes (Levasseur et coll., 2015).

Si nous analysons davantage ces données selon l’âge du délinquant et d’autres infractions associées aux crimes liés au cannabis, il est possible d’en apprendre davantage au sujet de populations particulières qui revêtent un intérêt particulier sur le plan des politiques (voir Statistique Canada, 2014). Par exemple, le fait de raffiner l’analyse en fonction d’autres catégories démographiques et d’autres variables, comme le statut d’immigrant (ou statut générationnel), l’éducation, l’ethnie ou les origines autochtones, de même que les condamnations antérieures des délinquants, aiderait à comprendre la dynamique de la criminalité liée au cannabis et certains dommages pour la santé dans les collectivités. Cependant, puisque la plupart de ces données ne sont pas consignées dans le DUC, du moins jusqu’au moment de sa refonte, une telle analyse finement détaillée devrait être réalisée au moyen d’études distinctes qui exigeraient probablement la collecte d’autres données (originales). Le programme Drug Use Monitoring in Australia (DUMA) est un exemple de stratégies de collecte de ce type de données. Le programme DUMA est un partenariat établi entre le gouvernement australien, les services de police d’État et des chercheurs. Les personnes arrêtées communiquent de plein gré des données sur la consommation de drogues dans la population carcérale. Outre ces renseignements, les renseignements sur les marchés locaux de drogues et les liens entre la drogue et la criminalité sont également recueillis. L’exemple qu’offre le programme DUMA s’est révélé une façon rigoureuse de recueillir de l’information sur la consommation réelle de drogues ainsi que sur d’autres paramètres abordés tout au long du présent rapportFootnote4.

En l’absence d’autres paramètres de rendement relatifs au cannabis, ce qui pourrait être impossible à obtenir, en particulier dans les régimes de réglementation où le cannabis est illégal, les données sur les arrestations peuvent être utilisées pour estimer d’autres paramètres. Une application différentiée de ces paramètres peut en outre produire un biais attribuable à ces méthodes. Par exemple, pour déduire sur le plan statistique le nombre total de délinquants de tout acabit (y compris ceux échappant à la détection policière), on peut répertorier des renseignements détaillés sur les arrestations et les nouvelles arrestations, de façon très semblable aux populations d’espèces sauvages, lesquelles peuvent être estimées au moyen du marquage à l’aide du baguage ou de l’étiquetage d’oiseaux ou de poissons, avant de les relâcher et de les capturer ensuite de nouveau plus tard (Bouchard, et coll., 2012).

Les paramètres relatifs aux incidents liées au cannabis sont susceptibles d’être les plus pertinents dans le cadre de régimes de réglementation où les étapes de la chaîne d’approvisionnement du cannabis et sa consommation sont illégales. Étant donné que chacun des trois types d’infractions liées au cannabis serait représenté de manière distincte dans un scénario de décriminalisation ou de légalisation, la catégorie de paramètres en question comprendrait non seulement des données sur les arrestations, mais probablement les personnes accusées à la suite d’une infraction réglementaire ou le calcul de ces paramètres ferait  l’objet d’une tout autre méthode de collecte des données. Par exemple, on propose souvent que la possession de petites quantités de cannabis devienne une infraction au civil, plutôt qu’au pénal, dans le cadre de scénarios de décriminalisation ou ne soit carrément pas une infraction en cas de légalisation de la marijuana. Le nombre d’amendes émises pour possession de cannabis devrait donc être mesuré dans le premier cas, et des questions concernant la possession devraient être posées dans le cadre d’enquêtes dans le second cas. Il est possible de concevoir que la possession de grandes quantités de cannabis ou que la possession à des fins particulières puisse toujours être une infraction criminelle dans l’un ou l’autre des scénarios; par conséquent, des arrestations pourraient toujours avoir lieu, et leur nombre devrait continuer à être mesuré.

Résultats des infractions déclarées par la police

La mesure des résultats des infractions relatives à la marijuana déclarées par la police permet de mieux comprendre la façon dont le système de justice pénale gère ces violations. On mesure habituellement ces types de résultats en répertoriant les décisions que rendent les tribunaux dans les affaires relatives au cannabis. Ces décisions peuvent servir non seulement à mesurer indirectement la gravité des affaires ou à tirer des conclusions au sujet de la nature des délinquants, mais également à mesurer les tendances en matière d’exécution de la loi à l’égard des infractions relatives au cannabis ou l’application d’autres mesures stratégiques (particulièrement dans le cadre d’un régime de réglementation du cannabis qui décriminalise officieusement ces infractions, comme en témoignent en réalité des tendances en matière d’exécution de la loi ou qui les décriminalise officiellement par l’intermédiaire de politiques officielles et de directives stratégiques).

Une bonne source de données sur ce paramètre est Statistique Canada (2015), qui a combiné les données déclarées par la police du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (DUC) et de l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) pour examiner les statistiques sur les infractions relatives aux drogues. En 2013, les services de police ont déclaré 73 000 infractions relatives au cannabis, près de 80 % de celles-ci étant des infractions de possession. Dans une grande majorité d’infractions relatives aux drogues (78 %) en 2013, les services de police ont classé ou réglé l’affaire. Dans une bien plus grande proportion, les services de police ont décidé eux-mêmes (41 %) de classer les affaires relatives à la marijuana par rapport aux affaires relatives à d’autres drogues (17 %). Les services de police exercent leur pouvoir discrétionnaire dans les situations où ils émettent un avertissement officiel ou aiguillent la personne concernée vers une ressource communautaire, plutôt que de porter une accusation (Statistique Canada, 2015).

Les données de Statistique Canada (2015) révèlent également que, devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, les affaires relatives au cannabis comptaient pour la majorité (55 %) des causes relatives aux drogues réglées au cours de la période de 2008‑2009 à 2011‑2012. Près de la moitié (48 %) des affaires relatives au cannabis réglées étaient des causes à accusation simple. Les infractions liées à la possession de cannabis représentaient la majorité (79 %) des infractions relatives au cannabis. Il a été constaté que les affaires relatives au cannabis ont été suspendues ou retirées par les tribunaux dans une plus grande proportion que les affaires relatives à d’autres drogues (55 % par rapport à 38 %), ce qui se produit lorsque d’autres mesures, comme les travaux communautaires ou le traitement de la toxicomanie, sont jugées plus appropriées que les poursuites judiciaires (Statistique Canada, 2015). Les affaires relatives au cannabis ont également pris moins de temps à régler. La durée médiane des affaires découlant d’une infraction relative au cannabis était de 105 jours, soit à peu près la moitié de la durée médiane des affaires découlant d’une infraction relative à l’héroïne (202 jours).

Devant les tribunaux pour adultes, 49 % des affaires liées à la distribution de cannabis et 43 % des affaires liées à la possession de cannabis ont entraîné une décision de culpabilité au cours de la période de 2008‑2009 à 2011‑2012. Ces pourcentages étaient inférieurs aux pourcentages de décisions de culpabilité relatives aux affaires liées à la possession d’autres drogues (56 % pour les infractions liées à la distribution de drogues et 65 % pour les infractions liées à la possession de drogues). Dans les affaires ayant entraîné une décision de culpabilité relativement à une infraction liée au cannabis, une peine d’emprisonnement a été imposée dans 27 % des infractions liées à la distribution et dans 16 % des infractions liées à la possession (soit 18 % des infractions liées au cannabis), ce qui est un résultat moins courant par rapport aux affaires découlant d’une infraction liée à d’autres drogues (55 % des infractions liées à la distribution, 36 % des infractions liées à la possession et 44 % des infractions liées à d’autres drogues). Les amendes sont une autre sanction courante infligée dans les cas réglés liés aux drogues (32 %). Les affaires réglées de cannabis ayant entraîné une décision de culpabilité ont entraîné une amende dans une proportion de 43 %, ce qui représente environ le double des affaires réglées relatives à d’autres drogues ayant entraîné une décision de culpabilité et l’imposition d’une amende. Il a été constaté que les amendes étaient une sanction plus couramment imposée à la suite d’une infraction de possession de cannabis (52 %) qu’à la suite d’une infraction de distribution de cannabis (16 %). Le montant médian de l’amende imposée à la suite d’une infraction de possession de cannabis s’élevait à 250 $, comparativement à 1 000 $ pour les infractions de distribution de cannabis. Enfin, une peine de probation est imposée dans 31 % des affaires réglées liées au cannabis ayant entraîné une décision de culpabilité (35 % dans le cas des infractions liées à l’approvisionnement de cannabis et 30 % dans le cas des infractions liées à la possession de cannabis), ce qui est un résultat semblable à celui obtenu dans le cas d’autres drogues (29 % des infractions liées à l’approvisionnement, 38 % des infractions liées à la possession et 34 % des infractions relatives à d’autres drogues).

À l’instar du paramètre relatif aux incidents liés au cannabis, le paramètre associé aux résultats des infractions liées au cannabis déclarées par la police prendra probablement une autre forme dans le cadre de politiques révisées sur le cannabis. Étant donné que les infractions liées au cannabis font l’objet d’un moins grand nombre de poursuites judiciaires dans le cadre de régimes de décriminalisation ou de légalisation, les tribunaux sont moins susceptibles d’intenter des poursuites dans le cas d’infractions de nature plus grave. Il est cependant concevable que, selon certains scénarios de décriminalisation et de légalisation du marché du cannabis, le nombre d’affaires traduites en justice devant les tribunaux pourrait demeurer important, si certaines infractions criminelles précises demeurent illégales et si un nombre accru d’infractions réglementaires sont enfreintes dans une grande proportion. Les infractions réglementaires sont actuellement déclarées dans le Programme DUC de façon globaleFootnote5, ce qui rend une analyse détaillée pratiquement impossible. Il sera important de mesurer les résultats détaillés et ventilés des affaires de cannabis traitées par le système de justice parce qu’elles renseigneront les législateurs au sujet de la nature illicite du commerce du cannabis. Autrement dit, il serait très important de consigner des infractions réglementaires liées au cannabis et de les analyser en fonction de résultats ventilés et détaillés.

Production et culture illégales

Le nombre de plants de cannabis cultivés et la quantité de dérivés du cannabis produits constituent le paramètre de base nécessaire pour que l’on puisse comprendre la première étape de la chaîne d’approvisionnement du cannabis. Malheureusement, il est extrêmement difficile de comprendre actuellement la dynamique du marché du cannabis au Canada, principalement en raison de la nature illicite de ce commerce. On combine ce paramètre à d’autres pour comprendre l’efficacité du marché, la part de la consommation intérieure et la part de l’exportation, la manière dont la criminalité exploite ce marché et la nature des méfaits associés, etc. L’information sur la culture et la production illégales de cannabis provient essentiellement de rapports de police à la suite du démantèlement d’installations de culture de marijuana, d’éléments d’enquêtes et d’observations sur le terrain, ainsi que d’extrapolations formulées à l’aide de modèles par des économistes. L’extrapolation est une méthode d’inférence statistique employée par les économistes et les criminologues pour tirer des conclusions, en l’occurrence, sur la taille globale de la production et de la culture illégale de cannabis en fonction de renseignements rendus publics sur les productions existantes, on pourrait, entre autres données, extrapoler également les recettes prévues, les ventes et les impôts escomptés et la consommation attendue en cas de changement des politiques sur le cannabis (voir Bryan et coll., 2013; Caulkins, 2010; Clements et Zhao, 2009).

En 2013, la production de cannabis comptait pour 96 % de la production de drogues illicites au Canada portée à l’attention des services de police (Statistique Canada, 2015). Les services de police ont déclaré environ 4 800 cas de production illicite de cannabis, la majeure partie (64 %) du cannabis étant produite dans une maison privée ou un bâtiment adjacent et ensuite à découvert 27 %Footnote6. En général, la production à découvert a lieu surtout dans l’est du Canada, le Québec (40 %), Terre‑Neuve‑et‑Labrador (33 %), l’Île‑du‑Prince‑Édouard (47 %) et le Nouveau‑Brunswick (30 %) faisant état de taux de culture extérieure du cannabis plus élevés que la moyenne nationale (Statistique Canada, 2015).

La recherche sur la production illégale de cannabis est limitée, ce qui est principalement attribuable à la difficulté avec laquelle on peut obtenir de l’information et des données détaillées sur les installations de culture de la marijuana. Sécurité publique Canada a récemment exploré la manière dont les caractéristiques démographiques, socioéconomiques et criminologiques des collectivités peuvent favoriser ou défavoriser la présence d’installations de culture du cannabis dans les collectivités. Malheureusement, ce projet n’a pu être entrepris parce que les données recueillies sur les saisies effectuées dans les installations de culture de la marijuana n’étaient pas suffisamment adéquates et disponibles. De plus, les données recueillies par Statistique Canada se sont révélées insuffisamment détaillées aux échelles géographiques réduites pour fournir les indicateurs sur les quartiers nécessaires pour appliquer la méthode proposée. À la suite de l’exploration de ce projet, la GRC a révisé, en 2014, la procédure de déclaration des démantèlements d’installations de culture du cannabis, ce qui pourrait produire des données plus fiables et améliorées. Les rapports permettront d’augmenter la base de données nationale sur les saisies effectuées dans les installations de culture de la marijuana, ce qui devrait améliorer grandement nos connaissances et notre compréhension de la production de cannabis illicite déclarée par la police au Canada.

Si les services de police adoptent à l’avenir une autre approche à l’égard du cannabis, il est probable qu’une grande partie du volume actuel de la production et de la culture illicite de cannabis sera remplacée par une production licite. Par exemple, dans les régimes de décriminalisation ou de légalisation du cannabis adoptés par certains gouvernements, les consommateurs qui cultivent leurs propres plants de marijuana peuvent produire en toute légalité de petites quantités de cannabis pour leur propre consommation. Il faudrait tout de même mesurer ce type de production au moyen, cependant, d’autres méthodes (comme une enquête) et probablement le désigner sous un autre nom, par exemple « Production et culture de cannabis ». La production et la culture illicites de cannabis en vue de répondre à des segments de marché illégaux particuliers (comme la vente dans des marchés étrangers, à des enfants et à des adolescents, ou à des toxicomanes » seraient susceptibles néanmoins de subsister selon de nombreux scénarios distincts de décriminalisation et de légalisation, mais probablement à une échelle globale réduite par rapport au marché actuel de production et de culture illicites. Il serait donc encore pertinent de tenter de mesurer le paramètre concernant la production et la culture illicites de cannabis.

Demandes d’intervention par la police

Les demandes d’intervention liées au cannabis sont un type de paramètres sur le rendement qui renvoie à diverses sources de données : rapports avec la police amorcés par un membre du public et rapports amorcés par un membre des services de police. Les rapports avec la police amorcés par un membre du public surviennent lorsqu’un membre du public est concerné et communique avec les services de police au sujet d’une infraction liée au cannabis, qui, selon lui, se déroule dans sa collectivité. Les rapports amorcés par un membre des services de police surviennent lorsque les services de police déploient des unités afin de faire face à des personnes ayant commis une infraction liée au cannabis qu’une enquête a révélée, qui a eu lieu pendant des interactions avec un membre du public, que des informateurs ont communiquée ou que des patrouilles de routine ont permis de découvrir.

Les rapports avec les forces de l’ordre amorcés à la suite d’un renseignement ou d’une plainte communiqués par un membre du public devraient être un paramètre assez simple puisque les services de police consignent de telles données à un moment donné entre le début et la fin de la demande d’intervention. Cependant, on ne peut avoir accès à l’information sur la part de rapports avec les forces de l’ordre amorcés par un membre des services de police par rapport à ceux amorcés par un membre du public en ce qui a trait aux infractions relatives au cannabis. Le fardeau administratif associé à la consignation de ce renseignement pendant ou après la demande d’intervention explique selon toute probabilité l’absence de ces données. Une fois l’appel placé et que des membres des services de police sont déployés, l’information est ensuite consignée en fonction de catégories d’incidents prédéfinies. Il existe de nombreuses catégories d’infractions selon lesquelles le cannabis pourrait être à l’origine de rapports avec la police. Par exemple, un appel concernant des installations possibles de culture de la marijuana dans un quartier et un appel concernant le fait qu’un adolescent fume du cannabis au coin d’une rue seraient des cas où un membre du public amorce des rapports avec les forces de l’ordre. Le premier appel pourrait décrire un incident consigné comme une éventuelle infraction de production et de trafic du cannabis, et le second pourrait entraîner une éventuelle accusation de possession de cannabis.

Même si toute l’information relative aux rapports avec les forces de l’ordre devait être consignée dans la base de données sur les demandes d’intervention des services de police, il serait fastidieux d’établir le nombre d’appels que reçoivent des services de police concernant lesquels le cannabis était la raison ou l’une des raisons de l’envoi d’un patrouilleur sur les lieux de l’incident. Une telle information serait néanmoins très utile à la fois pour les services de police et les législateurs au moment de déterminer la part de ressources que les services de police consacrent ou devraient affecter à l’application des lois sur le cannabis. À la suite de la reconnaissance récente par l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) de l’importance des données sur les demandes d’intervention (ACCP, 2014b), il pourrait être plus facile de recueillir des données sur les rapports avec les forces de l’ordre amorcés à la suite d’un incident concernant le cannabis.

Dans des régimes de décriminalisation ou de légalisation du cannabis, il faudrait probablement modifier légèrement le paramètre concernant les demandes d’intervention à la suite d’un incident lié au cannabis parce que la plupart des activités illicites actuellement deviendraient des infractions au civil ou simplement des activités légales. Néanmoins, des membres du public continueront de formuler des plaintes liées au cannabis et des infractions réglementaires continueront d’être commises, ce qui exigera l’intervention des services de police, (comme pour l’alcool et le tabac), et les forces de l’ordre continueront d’entamer des enquêtes relativement au cannabis.

Puissance

La puissance du cannabis est un paramètre souvent utilisé dans les débats publics par les personnes abordant les dommages possibles du cannabis, mais également par ceux qui parlent de l’incidence des mesures d’application de la loi. La puissance du cannabis est habituellement mesurée en fonction de la proportion d’ingrédients psychoactifs, comme le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD), que l’on trouve dans tout échantillon donné de dérivés du cannabis.

On peut obtenir de l’information sur la puissance du cannabis au moyen d’analyses en laboratoire d’échantillons de plants de marijuana saisis et éradiqués, ainsi que de préparations de cannabis saisies et de produits en vente au détail. Selon toutes les analyses disponibles, la concentration du principal ingrédient actif dans le cannabis à des fins non médicales, le THC, a augmenté continuellement dans la marijuana saisie depuis 1975 aux États‑Unis et au Canada. Aux États‑Unis, le pourcentage moyen de THC a augmenté, passant d’environ 1 % en 1975 à plus de 12 % en 2013 (États‑Unis, 2014; Slade et coll., 2012). Au Canada, la concentration moyenne de THC a crû de moins de 1 % avant le début des années 1980 à 10,3 % en 2006 (Slade et coll., 2012).

Le fait que le cannabis est devenu plus puissant est attribuable, entre autres explications, à l’essor de la demande des consommateurs pour des produits plus forts. D’après d’autres explications, le volume moins élevé des doses contribue à la production illicite, à la contrebande ou à la dissimulation de la possession de la substance illégale. De tels facteurs incitent à leur tour les cultivateurs et les producteurs à mettre au point des méthodes de production de volumes moins élevés de cannabis comportant de plus fortes concentrations de THC (CBC News, 2014). Le cannabis est devenu plus puissant en raison non seulement de l’amélioration continue des souches de plants de cannabis, mais aussi de l’évolution de la technologie utilisée pour cultiver la marijuana. Les appareils puissants d’éclairage à usage horticole et l’équipement hydroponique contribuent largement, par exemple, à l’augmentation de la production de dérivés du cannabis à concentration plus élevée (Bouchard et Dion, 2009; Zhang, 2015). Un autre facteur pourrait être les changements apportés aux méthodes de préparation commerciale du cannabis et à la façon dont les concentrés de cannabis sont élaborés.

Enfin, on soutient que l’interdiction du cannabis et l’application des lois à son égard entraînent des changements plus rapides en vue de la production et de la consommation de types de drogues plus concentréesFootnote7. Les chercheurs ont commencé à établir un lien entre la consommation de préparations de cannabis à forte teneur en THC et la consommation à risque des plus dommageables du cannabis : il a été avancé que la consommation de cannabis à concentration élevée en THC crée une plus grande dépendance et accroît le risque de problèmes de santé mentale. Les premières études scientifiques sur la manière dont la consommation prolongée de cannabis chez les jeunes nuit au développement du cerveau montrent qu’il pourrait y avoir, en effet, des effets nuisibles sur l’état de dépendance et la santé mentale des personnes consommant du cannabis (CBC News, 2014). Il faut toutefois réaliser d’autres études afin que l’on puisse établir un lien de causalité entre ces deux questions. Par exemple, la concentration de THC par rapport à celle de CBD ou d’autres cannabinoïdes pourrait jouer un rôle important afin que l’on puisse atténuer les dommages causés par une teneur élevée en THC ou les comportements liés à la consommation de cannabis.

Le paramètre de la puissance du cannabis ne sera pas le même selon qu’il s’agit, d’une part, d’un régime de décriminalisation ou de légalisation du cannabis et, d’autre part, d’un régime où le cannabis est illégal. Par exemple, dans le cadre d’un scénario de légalisation, on pourrait uniformiser la puissance du cannabis commercial légal si les producteurs légitimes sont tenus de déterminer la proportion des ingrédients psychoactifs, et d’en mesurer la teneur, dans leurs produits, et ce, avant de les vendre aux consommateurs. Cela s’apparente aux régimes actuels de légalisation du tabac et de l’alcool, dans le cadre desquels les producteurs sont tenus par la loi d’afficher le pourcentage de nicotine et d’alcool que leurs produits contiennent. Du fait qu’ils sont destinés à la contrebande, le tabac et l’alcool illicites n’affichent souvent pas ces proportions, ce qui est également le cas du cannabis illégal. Le paramètre de la puissance du cannabis continuera donc d’être pertinent dans le cadre d’un autre régime de réglementation du cannabis, principalement en ce qui concerne le cannabis de contrebande. Les chercheurs américains ont à leur disposition une étude longitudinale et une méthode uniformisée de mesure de la puissance des préparations de cannabis, ce qui n’est pas actuellement le cas dans les milieux médico-légaux ou médicaux canadiens.

Criminalité autour des dispensairesFootnote8

Le paramètre de la criminalité autour des dispensaires de cannabis à des fins médicales évalue la mesure dans laquelle des crimes sont commis à proximité géographique de ces établissements et mesure s’il y en a davantage comparativement à d’autres commerces. Entre autres problèmes associés à ce phénomène, mentionnons les suivants : le fait que le dispensaire de cannabis ou ses clients est la cible des délinquants; le fait que la clientèle qu’attire le commerce entraîne la concentration d’une population particulièrement criminogène dans cette zone géographique (comme les touristes ou les jeunes hommes qui commettent ensuite des crimes); la consommation de drogues dans le voisinage du dispensaire prédispose les consommateurs intoxiqués à la criminalité ou les rend susceptibles d’être victimes d’actes criminels et le fait que les propriétaires ou des employés du dispensaire commettent eux-mêmes des crimes (comme la fraude, les infractions relatives aux drogues ou le blanchiment d’argent).

Certaines personnes affirment souvent que les dispensaires de marijuana à des fins médicales sont des cibles de choix pour la criminalité, notamment les infractions contre les biens et les crimes violents (Kepple et Freisthler, 2012; Police Foundation, 2015; Rucke, 2014). Au cours des dernières années, bon nombre de dispensaires de marijuana aux États‑Unis et au Canada ont été la cible de criminels (voir Rucke, 2014; Ingold et Lofholm, 2011; Schmunk, 2015). Les dispensaires de marijuana ont tendance à conserver des sommes importantes d’argent à leur disposition, particulièrement aux États‑Unis, ou le fait que le gouvernement fédéral a rendu illégale la marijuana empêche de nombreuses banques de traiter sciemment de l’argent lié à la marijuana (Rucke, 2014; O’Hara, 2014). Certains dispensaires ne peuvent ouvrir des comptes bancaires ni utiliser de services bancaires, comme les cartes de crédit ou les transferts d’argent par véhicule blindé. On s’attend cependant à ce que les questions juridiques soulevées par les mesures prises par le gouvernement fédéral soient réglées et que les entreprises liées à la marijuana aux États-Unis puissent bientôt avoir recours aux banques et aux caisses d’épargne (Rucke, 2014; O’Hara, 2014). Cependant, selon une croyance courante, les dispensaires de marijuana à des fins médicales attirent toujours l’activité criminelle et sont un foyer d’éclosion de la criminalité secondaire dans les environs (Kepple et Freisthler, 2012; Rucke, 2014).

Ces allégations ne sont pas étayées par la recherche empirique. En général, les ouvrages scientifiques ont démontré que les dispensaires de marijuana à des fins médicales ne sont pas plus susceptibles d’être la cible de la criminalité que d’autres commerces semblables. Par exemple, en 2009, les services de police de Denver ont estimé que 16,8 % des dispensaires de marijuana à des fins médicales avaient été la cible de vols ou de cambriolages au cours de la dernière année, comparativement à 19,7 % des magasins d’alcool et à 33,7 % des banques (Ingold, 2010). Selon une analyse réalisée en 2010, ils ont constaté que la criminalité autour des dispensaires de marijuana à des fins médicales de Denver avait diminué de 8,2 % depuis 2009, ce qui correspondait à la baisse généralisée de la criminalité dans la ville (8,8 %). De plus, selon une étude de 2012 réalisée par des chercheurs de l’Université de la Californie à Los Angeles, il pourrait ne pas y avoir de lien entre la criminalité et les dispensaires de marijuana à des fins médicales à Sacramento, en Californie (Kepple et Freisthler, 2012). Les chercheurs ont conclu que la concentration de dispensaires de marijuana à des fins médicales dans un quartier n’était pas liée aux taux de crimes violents ou d’infractions contre les biens. Kepple et Freisthler (2012) ont cependant fait remarquer que les mesures de prévention de la criminalité prises par les dispensaires (p. ex. caméras vidéo et portiers) pourraient dissuader d’éventuels délinquants, élément qui a été soulevé par d’autres chercheurs par rapport à la situation de Denver (voir Rucke, 2014).

Au Canada et ailleurs, de nombreux dispensaires de marijuana à des fins médicales n’ont pas ménagé leurs efforts au chapitre de la sécurité pour dissuader les éventuels délinquants, retenant les services d’entreprises privées de sécurité pour surveiller les lieux et installant de lourdes portes et des barreaux aux fenêtres. On ne connaît toutefois pas la mesure dans laquelle ces mesures de prévention de la criminalité ont été couronnées de succès. Certains défenseurs du cannabis à des fins médicales ont soutenu que la présence de dispensaires dans les quartiers les rend plus sûrs (Sankin, 2013). Cela est principalement attribuable à une augmentation de la circulation piétonne et aux mesures de sécurité qui l’accompagnent et au fait que les consommateurs peuvent acheter légalement la drogue, plutôt qu’illégalement de revendeurs de drogues sur la rue (Sankin, 2013). En raison de la présence au Canada d’une multitude de dispensaires de marijuana à des fins médicales, on devrait continuer, dans le cadre d’études bien structurées, de surveiller l’incidence de ces établissements sur la criminalité.

Le paramètre de la criminalité autour des dispensaires de cannabis à des fins médicales continuera d’être pertinent dans des scénarios de décriminalisation et de légalisation du cannabis. Il devrait être modifié pour mesurer la criminalité autour des dispensaires de cannabis en cas de légalisation de la substance. Il peut cependant être très difficile d’établir des causes des tendances au chapitre des crimes commis autour d’un dispensaire de drogues en particulier en raison de facteurs, entre autres, ayant trait à la fréquence des patrouilles policières et au degré d’application de la loi qui varient (Lawrence, 2012). Il faudrait veiller à consulter rigoureusement les intervenants relativement à la conception de la méthode de collecte et d’analyse des données concernant les paramètres de ce genre et à examiner la possibilité d’uniformiser les approches à l’égard de la mesure de ce paramètre de façon à ce que les études puissent être comparées.

Éradication des cultures

On traduit souvent les efforts déployés par les forces de l’ordre pour éliminer la production de cannabis par divers paramètres concernant l’éradication des cultures. Ces paramètres correspondent habituellement au nombre de plants saisis et détruits par les forces de maintien de l’ordre. Dans certains cas, généralement dans les pays où existent de nombreuses installations de culture extérieures du cannabis, les terres cultivées sont utilisées pour établir un autre paramètre.

Au Canada, les données sur l’éradication des cultures de cannabis sont souvent insuffisantes. La GRC et d’autres services de police déclarent parfois le nombre de plants éradiqués au cours d’opérations spéciales, mais des statistiques annuelles ne sont pas disponibles. Aux États‑Unis, le département de la Justice a révélé que le nombre de plants cultivés à l’intérieur éradiqués a augmenté, passant de 203 896 en 2004 à 450 986 en 2008. Le nombre de plants cultivés à l’extérieur éradiqués a aussi connu une croissance, passant de 2 996 225 à 7 562 322 au cours de la même période (département de la Justice, 2010 : 38).

Des statistiques sur l’éradication des cultures de cannabis distinguent rarement les plants de souches de marijuana de ce qu’on appelle la « marijuana sauvage » ou des plants de chanvre (Caulkins et coll., 2012). Il existe des différences qui varient grandement sur le plan de l’approche chimiotaxonomique selon les souches des plants de cannabis, qui contiendront des concentrations variables de THC, de CBD et d’autres ingrédients psychoactifs. Diverses souches permettront de produire divers types de cannabis qui pourront par la suite être vendus et consommés. Comme son nom le laisse sous-entendre, la « marijuana sauvage » est de la marijuana qui pousse à l’état sauvage et dont la teneur en THC s’élève à moins de 1 %. Elle ne produira pas l’effet d’euphorie souhaité si elle est consommée, ce qui lui confère peu de valeur aux yeux des vendeurs ou des consommateurs de marijuana. Tout comme la « marijuana sauvage », les plants de chanvre ne renferment pas une concentration élevée d’ingrédients psychoactifs, les rendant ainsi d’aucune utilité pour les producteurs ou les consommateurs de marijuana ou de dérivés psychoactifs du cannabis.

Il existe une distinction visible entre les plants de marijuana cultivés dans un sous-sol et la « marijuana sauvage » (ou chanvre passé à l’état sauvage) ou le cannabis cultivé à l’extérieur. Les premiers sont habituellement plus petits et ont de plus grosses jeunes fleurs (la partie utilisée par les consommateurs). Souvent, il s’agit de la souche Cannabis indica ou d’hybrides d’autres types de cannabis. Les derniers sont des plants de haute taille possédant de petits bourgeons et appartiennent habituellement au type Cannabis sativa. Néanmoins, les plants de marijuana cultivés à l’intérieur à des fins de production de drogues ressemblent davantage à la « marijuana sauvage » et au chanvre puisque la variété Cannabis sativa est plus souvent utilisée aux fins commerciales. Pour distinguer adéquatement les plants de marijuana, il faudrait les soumettre à une analyse en laboratoire et analyser la teneur de leurs ingrédients psychoactifsFootnote9. Il serait impossible d’obtenir une telle analyse à la suite de chaque saisie qu’effectuent les responsables de l’application de la loi parce que cela exigerait beaucoup de temps de laboratoire et de ressources. L’information sur l’éradication des plants de cannabis saisis est donc exprimée par le nombre de plants.

Les statistiques sur l’éradication du cannabis peuvent souvent être trompeuses parce que les diverses souches de marijuana, de « marijuana sauvage » et de chanvre possèdent toutes des concentrations d’ingrédients psychoactifs distinctes. L’éradication de cent plants de « marijuana sauvage », qui ne revêtent aucune importance pour les vendeurs ou les consommateurs de cannabis, est loin d’être comparable à l’éradication de cent plants de marijuana saisis au cours du démantèlement d’installations de culture de la marijuana dans un sous-sol. Ce qu’il faut mesurer, c’est le degré de THC et d’autres ingrédients psychoactifs des plants éradiqués. Par ailleurs, le poids des matières sèches utilisables, par rapport à la biomasse totale, pourrait être mesuré à titre de paramètre concernant l’éradication des culturesFootnote10. Cependant, comme il a été mentionné précédemment, pour analyser la concentration des ingrédients psychoactifs dans chaque plant de marijuana saisi, il faudrait beaucoup de temps de laboratoire et de ressources, ce qui serait impossible. Plutôt, on pourrait analyser le contenu en ingrédients psychoactifs d’un échantillon représentatif de tous les plants saisis ou éradiqués chaque mois ou chaque année. Le contenu en ingrédients psychoactifs des plants éradiqués pourrait ensuite être estimé à l’aide de méthodes appropriées d’extrapolation.

Un autre problème concerne le dénombrement des plants éradiqués utilisés comme paramètres. Diverses approches horticoles peuvent influer sur le nombre de plants sur un site de culture pendant les diverses étapes du cycle de production. Par exemple, dans certaines installations de culture, après un certain temps, tous les plants mâles peuvent être ôtés, les plants d’une parcelle de terre peuvent être éclaircis pour permettre aux plants de croître, des plants peuvent être plantés au moyen de boutures prélevées sur un plant mature ou à la suite du long processus de germination des graines. Dans les  régimes de réglementation du cannabis dans lesquels il est plus risqué de cultiver plus de plants ou que la récolte entraîne des sanctions plus sévères, les producteurs pourraient, dans le cadre d’une stratégie d’atténuation du risque, cultiver moins de plants ou, plutôt, choisir des variétés de cannabis à croissance élevée ou des plants conditionnés pour produire un volume maximum de parties végétales utiles à la culture du cannabis.

Dans le passé, certains chercheurs et services de police ont parfois calculé la quantité de cannabis éradiquée en fonction du poids des plants. Il est cependant très difficile d’établir un étalon précis permettant d’établir des comparaisons au moment de mesurer ce qui est prévu au moyen de cette méthode d’évaluation de ce paramètre en raison du poids des matières humides ou sèches des plants dénombrés, du fait que des parties végétatives du plant de cannabis ne sont jamais vendues comme drogues, que le greffon ou que la terre qui adhère au plant sont inclus dans le poids mesuré, entre autres.

Il est probable que le cannabis continuera d’être cultivé de façon illicite selon les régimes de réglementation du cannabis, les plus envisageables. Les efforts d’éradication devront donc probablement être mesurés au moyen d’un paramètre de rendement qui devrait faire l’objet d’un suivi dans la plupart des scénarios. Au moment d’élaborer et d’appliquer les paramètres concernant l’éradication des cultures, il est cependant important que des définitions claires de la mesure soient appliquées et que seuls les plants de cannabis destinés à la consommation illégale soient mesurés. Les recommandations concernant ce paramètre continuent donc d’être pertinentes dans la plupart des régimes de réglementation du cannabis.

Installations de culture du cannabis et risque d’incendie

Certains s’inquiètent que les installations de culture intérieure de marijuana constituent un risque d’incendie, en particulier lorsque des câbles ont été installés illégalement ou en cas de vol d’électricité. Cette préoccupation existe également autant pour les installations de culture illicites que licites, qui peuvent toutes deux être la cause d’incendies résidentiels et industriels. On pourrait mesurer comme paramètre le nombre d’incendies dans les installations de culture et la mesure dans laquelle cette activité est la cause principale de l’incendie.

Le fait d’associer les installations de culture de la marijuana aux risques d’incendie est plutôt controversé, et cette hypothèse n’a pas entraîné de consensus solide dans le milieu de la recherche universitaire. Les installations de cultures intérieures sont généralement munies de câbles et de panneaux électriques installés par des amateurs, d’un éclairage puissant, souvent excessif et produisant de la chaleur et renferment des produits chimiques dangereux qui ne sont pas manipulés adéquatement et des quantités excessives de moisissures; il s’agit d’un ensemble de facteurs qui contribueraient à des probabilités plus élevées que ces installations prennent en feu (Surrey, 2009). Selon un rapport de 2009 produit par la Ville de Surrey (C.‑B.), une résidence renfermant des installations de culture est « 24 fois plus susceptible de s’enflammer » comparativement à une résidence qui n’en renferme pas (Surrey, 2009 : 1).

Par ailleurs, Tim Moen, chef du service d’incendie et chef de bataillon de Fort McMurray, en Alberta, soutient que, si l’on distingue les installations illégales des installations légales, le danger lié au risque d’incendie n’est pas le même. Son analyse complète n’a pas été publiée, mais il avance que, lorsqu’on prend seulement en considération les installations légales, comme celles produisant du cannabis grâce à un permis médical, le risque d’incendie dans ces établissements n’est que de 0,24 pour cent supérieur à celui dans les résidences ordinaires (Hall, 2015). Autrement dit, la présence d’installations légales de culture de la marijuana n’est pas un indicateur d’incendie de la résidence.

Les installations de culture de la marijuana entraînent un risque d’incendie important qui mérite de faire l’objet d’un suivi. Il serait judicieux de réaliser une analyse adéquate qui distingue les installations licites des installations illicites et qui examine d’autres facteurs comme le type de quartier, l’âge de la maison, la taille des installations, la méthode de culture, etc. Les données qui permettraient une telle analyse existent probablement sous diverses formes, mais elles doivent être obtenues des services de police, des services d’incendie et de Statistique Canada, puis être regroupées.

Le paramètre du risque d’incendie lié aux installations de culture de la marijuana continuera d’être pertinent, peu importe les changements apportés au régime de réglementation du cannabis. Si la substance est légalisée, plus d’installations de culture légales qui respecteraient, comme d’autres entreprises légitimes, les codes de sécurité-incendie seront exploitées, ce qui atténuera globalement les dangers associés aux activités de production du cannabis. Il est tout de même probable que des incendies continueront d’avoir lieu, particulièrement dans les installations illégales; par ailleurs, il faudra mesurer la fréquence à laquelle ces incidents se produisent et pourquoi.

Crime organisé

Ce groupe de paramètres vise à évaluer la mesure dans laquelle le crime organisé participe à la production et au trafic de cannabis et peut blanchir l’argent gagné illégalement dans le cadre des activités de production et de trafic du cannabis.

En raison de la nature occulte du crime organisé et des méthodes de blanchiment d’argent, il est extrêmement difficile de mesurer le degré d’activité du crime organisé en ce qui concerne la possession, la production ou le trafic de cannabis (ou, d’ailleurs, de toute autre substance illicite). Les estimations fournies ci-dessous par les responsables de l’application de la loi actuelle sont principalement fondées sur des éléments d’enquête et des observations sur le terrain qui pourraient ou non refléter la situation.

Selon le Service canadien de renseignements criminels (SCRC) de la GRC, la majorité des groupes criminalisés sous surveillance par les services de police du pays participent à divers degrés au commerce de la marijuana. La GRC estime que les installations de culture du cannabis appartiennent à de grandes entreprises générant illégalement des recettes qui produisent des revenus et des capitaux utilisés pour financer d’autres activités des réseaux criminels. En Colombie‑Britannique, l’Organized Crime Agency croit que les réseaux criminels de la province contrôlent environ 85 % du commerce du cannabis sur le territoireFootnote11 (Surrey, 2009). La GRC estime de plus que de 50 % à 80 % du cannabis cultivé en Colombie‑Britannique est vendu aux États‑Unis.

La GRC a aussi estimé que plus de 130 réseaux criminels organisés sont actifs en Colombie‑Britannique et s’affrontent pour détenir des intérêts dans l’industrie du cannabis de la province (Werb, 2014). On estime que la valeur du marché du cannabis de la province est de 7 milliards de dollars par année (Werb, 2014). La mesure dans laquelle les secteurs d’activité légitimes liés au cannabis aux États‑Unis, notamment dans l’État de Washington, font baisser la demande pour les produits de ces gangs demeure relativement peu connue et continue de faire l’objet de débats.

En ce qui concerne le rôle des cartels de drogues mexicains aux États‑Unis, une étude a estimé que les recettes des gangs provenant des activités illégales liées au cannabis pourraient diminuer de 22 à 30 pour cent dans les trois États qui ont légalisé la marijuana aux États‑Unis (Ramsey, 2012). En outre, si des responsables du gouvernement américain estiment que pas moins de 60 % des profits des cartels sont tirés des activités illégales liées au cannabis, les chercheurs de la RAND Corporation estiment que ces profits devraient, d’une manière plus réaliste, être estimés à de 15 % à 26 % (Kilmer et coll., 2010).

Évidemment, il faut de meilleures estimations plus fiables au moment d’analyser la question des activités du crime organisé dans l’industrie illicite du cannabis. Deux approches possibles pourraient préparer le terrain à de meilleures estimations. Une approche consiste à estimer la part d’incidents liés au cannabis (infractions) dont les auteurs sont des membres de groupes criminels organisés. Une étude récente commandée par Sécurité publique Canada (Bouchard et coll., 2014) offre un bon exemple de la façon dont cela pourrait se faire. Les chercheurs ont obtenu des données sur des incidents pertinents de la part de la Sûreté du Québec (force de police provinciale du Québec) et ont examiné, en consultation avec la Ville de Montréal, de possibles cas de codélinquance afin d’estimer la proportion d’incidents criminels dont les auteurs auraient pu être des membres de groupes criminels organisés. La seconde approche consiste à dénombrer dans les faits les incidents dont les auteurs sont des membres de groupes criminels organisés. Pour cela, il faudrait repérer dans les dossiers de police les incidents dont les auteurs réels ou présumés sont des membres de groupes criminels organisés. Dans le cadre d’une initiative récente prise au Canada et soutenue par l’ACCP, on signale les meurtres, les homicides et les homicides involontaires commis par des membres de groupes criminels organisés (le cas échéant), ainsi que certaines infractions relatives aux drogues (ACCP, 2014). La désignation « crime organisé » fait en sorte que certaines infractions inscrites dans les bases de données sur les incidents des services de police. Le projet vise à établir des statistiques plus fiables concernant le degré d’activité du crime organisé au Canada.

Dans la plupart des scénarios de décriminalisation et de légalisation du cannabis, le degré de participation du crime organisé à la production et au trafic de la substance est susceptible de changer. Il est probable que la majorité des organisations criminelles continueront de mener leurs activités, peu importe les politiques adoptées; ces activités criminelles pourraient cependant prendre de l’ampleur selon divers marchés (c.‑à‑d. les marchés d’exportation ou le fait de tirer profit de différences réglementaires ou fiscales entre provinces) ou se tourner vers d’autres substances (p. ex. accent mis sur la production et le trafic d’autres drogues). Certaines organisations criminelles, peut-être celles de taille réduite qui misent désormais uniquement sur le commerce du cannabis, pourraient décider de devenir des entreprises tout à fait légitimes selon certains scénarios possibles de légalisation du cannabis. Le tabac, par exemple, est une substance légale au pays. Néanmoins, un certain nombre de groupes criminels organisés participent activement à la production au trafic du tabac illégal, ce qui est partiellement attribuable à des différences sur le plan des politiques entre provinces, à une réglementation stricte et à des taux d’imposition élevés. Il faut donc que leur activité dans les marchés illégaux continue d’être surveillée et mesurée. Par ailleurs, après la fin de la prohibition de l’alcool aux États‑Unis et dans certaines régions du Canada, certains producteurs et trafiquants d’alcool illicites ont transformé leurs activités, passant à la production et à la vente légitimes d’alcool (Schneider, 2009).

Infractions liées à la probation et inobservations des conditions de la libération conditionnelle

Il est utile pour les responsables du système correctionnel de comprendre la manière dont les infractions relatives aux drogues concernent sa population carcérale. Le fait de connaître les infractions relatives aux probations et les inobservations des conditions de la libération conditionnelle est utile pour comprendre des questions comme l’incidence des programmes, l’effet dissuasif des sanctions imposées et les pressions qu’exercent les auteurs d’infractions relatives au cannabis sur le système. Les paramètres permettent d’évaluer ces aspects, par exemple le nombre d’infractions relatives à la probation commises par des délinquants qui ont été déclarés coupables d’une infraction liée au cannabis et le nombre d’infractions relatives à la probation commises par des délinquants qui ont été déclarés coupables d’une autre infraction, mais qui ont contrevenu aux conditions de leur probation à la suite d’une infraction liée au cannabis.

Les données sur les infractions relatives à la probation et/ou aux inobservations des conditions de la libération conditionnelle ne sont pas facilement accessibles au Canada. Pour déterminer si ces données étaient disponibles, les auteurs du présent rapport ont communiqué avec des responsables de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, organisation chargée de surveiller le processus de mise en liberté sous condition. Aucune donnée n’a été fournie au moment de la rédaction du rapport. Il serait important de recueillir de l’information sur les infractions à la mise en liberté sous condition et/ou sur les inobservations des conditions de la libération conditionnelle parce que cela fournirait une indication de l’ampleur de la criminalité liée au cannabis chez les délinquants déclarés coupables. Ce paramètre comporte deux volets : a) infractions ou inobservations dont les auteurs étaient des délinquants déclarés coupables d’un crime lié au cannabis, et b) infractions ou inobservations dont les auteurs étaient des délinquants déclarés coupables de tout autre type de crime, mais qui avaient contrevenu aux conditions de la probation ou de la libération conditionnelle après avoir commis un crime lié au cannabis. On pourrait prendre en considération ces deux volets et les mesurer. Les données sur ces éléments pourraient exister et être disponibles pour que l’on puisse utiliser ce paramètre.

Il serait judicieux de mesurer le paramètre concernant les infractions relatives à la probation et aux inobservations des conditions de la libération conditionnelle sans égard aux changements apportés au régime de réglementation du cannabis. Il en est ainsi non seulement parce que certaines infractions liées au cannabis continueraient d’être des infractions criminelles même dans le cadre d’un régime de légalisation complète, mais aussi parce que l’interdiction de la consommation de substances psychotropes ou qui créent une dépendance est l’une des conditions courantes de la libération conditionnelle ou de la probation. Même dans un régime de légalisation du cannabis, les délinquants continueraient de contrevenir aux conditions de probation et de libération conditionnelle parce qu’ils commettraient des infractions liées au cannabis.

Acheminement du cannabis vers d’autres États ou provinces

Selon une préoccupation majeure des États ou des provinces à proximité d’un autre qui change ses priorités en matière d’application des politiques relatives aux drogues ou qui décriminalise ou légalise des éléments de son régime de réglementation des drogues illicites, l’autorité territoriale affichant une attitude plus libérale deviendra une source de drogues. Cela peut se produire de nombreuses façons, du fait que des trafiquants organisés cherchent à tirer un profit au moyen d’opérations d’arbitrage du fait que des touristes de la drogue achètent des drogues légalement sur un territoire et les possèdent illégalement sur un autre. Ce problème peut survenir lorsque des États ou des provinces se trouvent à l’intérieur d’un même pays ou dans deux pays (ce qui sera abordé ci-dessous). Il est donc utile de tenter de mesurer la quantité de cannabis transportée d’une province ou d’un territoire et par-delà les frontières internationales.

Au Canada, il n’y a pas de données sur le transport interprovincial de cannabis. Les données américaines, en particulier celles recueillies dans les États où la marijuana à des fins récréatives a été légalisée pourraient être considérées comme une indication importante de ce qui pourrait se produire après un changement de politiques sur un territoire, mais non dans les territoires adjacents ou ailleurs dans le pays. D’après des données concernant l’État du Colorado, où la consommation récréative du cannabis a été légalisée en 2012, on a effectué, en moyenne, 251 saisies importantes de cannabis destiné à d’autres États au cours de la période allant de 2009 à 2013, comparativement à seulement 52 saisies semblables en moyenne effectuées au cours de la période allant de 2005 à 2008 (Rocky Mountain, 2014) : il s’agit d’une augmentation de près de 400 % des saisies importantes. En plus d’une hausse du nombre de saisies importantes, on a observé une hausse du poids moyen total de cannabis saisi, passant de 2 763 livres en 2005‑2008 à 3 690 livres en 2009‑2013. Le cannabis saisi en 2013 devait être acheminé dans 40 États distincts des États‑Unis.

De prime abord, ces constatations pourraient laisser entendre que la production légale de cannabis au Colorado pourrait répondre à la demande aux États‑Unis ou dans certaines parties du pays. Cela pourrait ensuite entraîner une diminution de la production du cannabis dans les États américains de destination du cannabis ou, peut-être, au Mexique ou au Canada, qui exporte également de la marijuana aux États‑Unis, mais accroître le trafic de cannabis entre le Colorado et les États américains de destination. En revanche, ces statistiques pourraient être quelque peu trompeuses parce que davantage de ressources policières ont pu être affectées aux saisies par des autorités d’États américains où la marijuana demeure illégale depuis la légalisation de la substance au Colorado. Dès lors, cela engendrerait un taux plus élevé de saisies. Tout de même, il s’agit d’une augmentation importante du nombre de saisies. Une hausse de 33,5 % du poids moyen des dérivés de cannabis saisis donne aussi à penser que le cannabis en provenance du Colorado fait l’objet d’un détournement de grande envergure.

Le transport transfrontalier du cannabis, au-delà des frontières internes d’un pays ou des frontières internationales, sera un paramètre pertinent dans tous les régimes de réglementation en raison des différences juridiques, réglementaires et commerciales entre les administrations. Même en cas de légalisation de la marijuana, des groupes criminels organisés où des personnes peuvent continuer d’exporter du cannabis à l’extérieur de leur territoire d’attache. Il est donc important de continuer de mesurer les quantités de cannabis exporté. La difficulté concernant ce paramètre est celle de concevoir une stratégie de collecte de données de façon à ce que les biens découlant d’un changement des pratiques d’application de la loi soient pris en considération au moment de l’interprétation du paramètre.

Expédition au moyen de services de colis

Ce paramètre porte particulièrement sur l’une des principales méthodes d’acheminement du cannabis entre territoires : par l’intermédiaire de services postaux et de colis.

Il n’existe pas de données fiables publiées au Canada sur l’acheminement de cannabis par courrier. Selon des données aux États‑Unis, on a enregistré une hausse importante du nombre de colis renfermant du cannabis intercepté, expédié du Colorado et à destination d’autres États américains. Le nombre de colis interceptés a augmenté continuellement, passant de 0 en 2009, à 15 en 2010 et à 207 en 2013 (Rocky Mountain, 2014). Le poids total des dérivés du cannabis expédiés dans des colis a également augmenté, passant de 0 livre en 2009, à 57,2 livres en 2010 et à 493,1 livres en 2013. Enfin, le nombre d’États dans lesquels les colis renfermant du cannabis étaient expédiés a augmenté, passant de dix en 2010 à 33 en 2013.

Tout comme le paramètre sur l’acheminement du cannabis vers d’autres territoires, le paramètre concernant l’expédition de cannabis au moyen de services de colis doit être interprété avec prudence. Davantage de ressources, ou des ressources plus efficaces ont pu être engagées pour intercepter ces colis depuis la légalisation de la consommation du cannabis à des fins médicales, puis à des fins récréatives au Colorado. Plus de ressources sont affectées à l’interception de colis, plus des colis seront découverts et saisis. Pour interpréter adéquatement le paramètre, il faudrait donc idéalement connaître le nombre de ressources policières assignées aux saisies, les stratégies utilisées, le volume total de colis et la proportion de colis inspectés. Si ces éléments étaient constants pendant les années visées par l’étude, on pourrait dès lors conclure qu’il a eu en effet un essor important du nombre de colis renfermant du cannabis expédiés.

On devrait envisager de mesurer en permanence ce paramètre en particulier peu importe les changements apportés au régime de réglementation. Comme il a été mentionné précédemment, même en cas de légalisation totale du cannabis, les groupes criminels organisés ou les personnes pourraient continuer d’exporter du cannabis à l’extérieur de leur territoire d’attache, même vers d’autres territoires ayant légalisé la substance s’étant dotés d’une réglementation distincte, et le service de colis est l’une des principales méthodes d’exportation. Il est donc important de continuer de mesurer la quantité de cannabis exporté par colis.

Exportation à l’étranger

Il serait judicieux de connaître la quantité de cannabis exporté du Canada vers d’autres pays, en particulier vers les États‑Unis, voire même les États américains.

Les services du renseignement policier et les services frontaliers affirment que les États‑Unis sont une destination de choix pour le cannabis produit au Canada. Il est utilisé comme une sorte de marchandise d’échange par les organisations criminelles dans leurs transactions transnationales, dans le cadre desquels il est échangé aux États‑Unis contre des armes, d’autres stupéfiants ou des précurseurs de drogues illicites ou du tabac de contrebande. La GRC estime que de 50 à 80 du cannabis cultivé en Colombie‑Britannique est destiné aux États‑Unis (Surrey, 2009); un expert universitaire sur la question a confirmé cette estimation, calculant que la proportion du cannabis cultivé en Colombie‑Britannique exporté vers les États‑Unis s’élève à 70 % (Larsen, 2011).

Le paramètre pouvant être aisément calculé concernant le trafic de cannabis entre la frontière des États‑Unis et du Canada se mesure par le nombre de saisies de cannabis effectuées par les services de patrouille frontalière. Ni la GRC ni l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ne publient le nombre réel de saisies à la frontière. La GRC affirme tout de même que ce nombre a chuté de 36 % en 2007 (Surrey, 2009). Selon les conclusions de Larsen (2011), les saisies de marijuana à la frontière canado-américaine ont, selon une tendance semblable, diminué depuis 2001, ce que cet auteur attribue, entre autres facteurs, à une présence accrue des forces de police frontalières depuis le 11 septembre 2001. La quantité de dérivés du cannabis saisie a cependant augmenté de 65 % en 2007. Selon une autre statistique fournie par la GRC, le poids total du cannabis saisi à la frontière a crû, passant de 2 235 kilogrammes en 2000 à 15 697 kilogrammes en  2003 (Surrey, 2009 : 1). Ces chiffres donnent à penser que, bien que le nombre d’envois a diminué, ils sont en moyenne plus volumineux.

Tout comme le paramètre de l’acheminement de la marijuana vers d’autres territoires, le paramètre de l’exportation de la marijuana à l’étranger doit être interprété avec prudence. Plus ou moins de ressources ont pu être affectées à l’application de la loi à la frontière, d’un côté comme de l’autre. Plus des ressources seront affectées aux saisies, plus on découvrira et saisira de la marijuana. Pour interpréter adéquatement le paramètre, il faudrait donc idéalement connaître le nombre de ressources investies dans les activités de saisie dans le cadre des patrouilles frontalières. Si ces éléments étaient constants pendant les années visées par l’étude, on pourrait dès lors conclure qu’il a eu en effet un essor important de l’acheminement de cannabis outre- frontières.

Une façon scientifique d’estimer la quantité de cannabis exportée du Canada serait de soustraire la quantité de cannabis consommée au pays à la quantité de cannabis produite (voir Bouchard et coll., 2012, et Maslov et Boucher, 2014). La différence pourrait représenter le cannabis exporté, du moins en théorie. Pour que cette méthode soit appliquée adéquatement, il faut, bien sûr, que les chercheurs disposent d’estimations fiables sur la production et la consommation de cannabis.

Il serait utile de continuer de mesurer ce paramètre sans égard au régime réglementaire en place. Même en cas de légalisation, des groupes criminels organisés ou des personnes peuvent toujours exporter du cannabis à l’extérieur de leur territoire d’attache, en particulier vers les États‑Unis, où le cannabis est illégal. Par conséquent, il est important de mesurer continuellement la quantité de cannabis qui transite par la frontière canado-américaine par d’autres frontières internationales.

Explosions et blessures à la suite de l’extraction

Comme pour les incendies, il existe de types particuliers d’accidents qui semblent être des dommages liés au secteur de la production de la marijuana. En particulier, le fait de calculer avec exactitude le nombre d’explosions et de brûlures qui peuvent être attribuées au procédé d’extraction et de concentration des composants actifs du cannabis revêt un intérêt.

Le butane est un gaz utilisé dans le procédé d’extraction de l’huile de haschisch des plants de cannabis. Le butane est hautement toxique et explosif, et son utilisation inadéquate peut entraîner une catastrophe. Des explosions et des brûlures peuvent être occasionnées à la suite de l’utilisation inadéquate d’autres produits chimiques volatils et d’alcool dans d’autres méthodes d’extraction et de produits chimiques également hautement inflammables dans des procédés pouvant parfois comporter l’utilisation de gaz sous pression et de chambres à vide. Les données sur les explosions produites à la suite de procédés inadéquats d’extraction du cannabis ne sont pas disponibles. Aux États‑Unis, on a recensé 32 explosions à la suite d’une utilisation sans précaution du butane au Colorado en 2014, comparativement à 12 explosions semblables au cours de l’année précédente (Healy, 2015).

Monte et coll. (2015 : 241) souligne de plus que la légalisation de la marijuana au Colorado a entraîné des effets imprévus comme une [traduction] « plus grande prévalence de brûlures, du syndrome des vomissements cycliques et de consultations pour des soins de santé à la suite de l’ingestion de dérivés comestibles du cannabis ». Par exemple, le nombre de cas de brûlures liés à la production de marijuana enregistré au centre des brûlures de l’Université du Colorado a grandement diminué. De 2012 à 2014, le centre s’est occupé de 31 cas de brûlures liés à la marijuana, la majorité étant liée à la procédure d’extraction du THC au moyen de butane (Monte et coll., 2015). Selon les auteurs du rapport, ces effets imprévus sont survenus en conjonction avec d’autres effets attendus sur le système des soins de santé comme une augmentation des problèmes de santé chronique.

Divers scénarios de décriminalisation ou de légalisation du cannabis pourraient encadrer des méthodes plus sûres et contrôlées d’extraction de l’huile de haschisch ou d’autres concentrés, ce qui réduirait potentiellement le nombre d’explosions et de brûlures attribuables à ce type de procédé. Il est cependant probable que les procédés d’extraction permettant de produire de l’huile de haschisch de contrebande ou d’autres concentrés continueront d’être employés de manière illicite. De plus, l’extraction illégale de composés du cannabis pourrait continuer d’entraîner des explosions ou des brûlures, quoique probablement à une moins grande fréquence. Par conséquent, le nombre d’explosions et de brûlures attribuables principalement à la méthode d’extraction de concentrés du cannabis devrait probablement continuer de faire l’objet d’une surveillance, et ce, peu importe les modifications apportées aux politiques sur le cannabis.

Accidents de la route et conduite avec facultés affaiblies par la drogue

Les décès consécutifs aux accidents de la route sont une préoccupation majeure au CanadaFootnote12. En particulier, les accidents de la route liés à l’alcool tuent et blessent un très grand nombre de personnes, particulièrement dans certains groupes démographiques comme les jeunes adultes et les adolescents. Autre préoccupation semblable, la mesure dans laquelle le fait d’être intoxiqué par des drogues illicites affaiblit les facultés de conduite, ce qui a une incidence sur les taux de personnes décédées et blessées à la suite d’accidents de la circulation. Le fait de pouvoir déterminer avec exactitude la part d’accidents de la route attribuables à la conduite sous l’effet de la drogue revêt une grande importance. Les paramètres à cet égard comprennent la mesure de la proportion totale de cas où le conducteur a été accusé à la suite d’une infraction de conduite avec facultés affaiblies par la drogue.

L’enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues (ECTAD) est une bonne source de données pour ce qui est des déclarations par l’intéressé de conduite avec facultés affaiblies par la drogue et l’alcool. En 2012, 2,6 % des répondants âgés de 15 ans ou plus au Canada ont déclaré avoir conduit leur véhicule dans les deux heures après avoir consommé du cannabis dans l’année précédant la tenue de l’enquête (Beirness et Porath-Waller, 2015). Si l’on traduit les pourcentages en chiffres absolus, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies (CCLT) a réalisé une autre analyse, laquelle révèle que, en 2012 au Canada, [traduction] « […] environ 632 576 personnes […] ont déclaré avoir effectué 10,4 millions de trajets après avoir consommé du cannabis, soit approximativement 16 trajets par personne par année en moyenne. Ces chiffres se comparent aux 2,04 millions de personnes (8,4 % des conducteurs) qui ont effectué environ 13,3 millions de trajets après avoir consommé deux boissons alcoolisées ou plus dans l’heure précédant le trajet, c’est-à-dire une moyenne de 6,5 trajets par personne par année » (Beirness et Porath-Waller, 2015: 2).

Parmi tous les groupes d’âge, les jeunes conducteurs étaient les plus enclins à admettre qu’ils avaient conduit sous l’effet du cannabis : 8,3 % des jeunes adultes de 18 et de 19 ans et 6,4 % des adolescents de 15 à 17 ans ont déclaré l’avoir fait. De plus, les conducteurs étaient trois fois plus susceptibles que les conductrices d’admettre qu’ils avaient conduit sous l’influence du cannabis (Beirness et Porath-Waller, 2015). On a aussi constaté qu’une proportion relativement élevée de jeunes (15,8 % des personnes âgées de 15 à 24 ans) ont déclaré s’être trouvés comme passagers dans un véhicule conduit par une personne qui avait consommé du cannabis deux heures avant d’avoir pris le volant (Beirness, 2014). Dans une autre étude, portant sur des élèves de la 10e et de la 12e année (âge médian de 16 et 18 ans respectivement) dans le Canada atlantique, les chercheurs ont constaté que 14,8 % ont admis avoir conduit avec des facultés affaiblies par le cannabis dans l’année précédant la tenue de l’enquête (Asbridge et coll., 2015). Cette proportion est presque deux fois supérieure au taux de personnes qui ont déclaré avoir pris le volant après avoir consommé de l’alcool (8 %) ou trois fois supérieure au taux de personnes qui ont déclaré avoir pris le volant après avoir consommé des substances opioïdes (4,3 %). En outre, 44,3 % des élèves ont admis avoir pris place dans un véhicule dont le conducteur conduisait sous l’influence du cannabis dans les 12 mois précédant la tenue de l’enquête. Le pourcentage des personnes qui ont déclaré avoir pris place à bord d’un véhicule dont le conducteur était sous l’influence de l’alcool était la moitié de ce taux, soit 19,5 % des élèves.

Une équipe de chercheurs a entrepris en 2013 un examen attentif des facteurs qui ont une incidence sur la probabilité à laquelle les personnes conduisent après avoir consommé du cannabis. Fischer et coll. (2013) ont constaté que la consommation fréquente (au moins hebdomadaire) de cannabis, la conduite automobile quotidienne, la perception selon laquelle sa propre capacité de conduire n’est pas affectée par la consommation de cannabis et le fait de s’attendre à conduire sous l’effet du cannabis dans les 12 prochains mois sont toutes des variables importantes expliquant qu’une personne conduise un véhicule dans les quatre heures suivant la consommation de cannabis.

À la différence des données provenant de personnes ayant déclaré elles-mêmes avoir conduit avec des facultés affaiblies par la drogue, les données obtenues au moyen d’une enquête aléatoire et autonome effectuée en bordure de route ont permis aux chercheurs d’évaluer le nombre réel de personnes ayant conduit sous l’influence de drogues et ayant été interceptées. Dans une étude, les chercheurs ont analysé les données obtenues à la suite d’alcootests et de tests de liquides oraux effectués en bordure de route en Colombie‑Britannique de 2008 à 2012. Il a été révélé que 5,5 % des conducteurs ont obtenu un résultat positif au cannabis, les jeunes conducteurs âgés de 16 à 18 ans (7,5 %) et de 19 à 24 ans (6,8 %) étaient plus susceptibles d’obtenir un résultat positif que le reste de l’échantillon (Beasley, Beirness et Boase, 2013).

En ce qui concerne les blessures et les décès découlant de la conduite avec des facultés affaiblies par la drogue, des chercheurs ont examiné dans le cadre d’une étude des données sur les admissions dans les hôpitaux et ont constaté que du cannabis avait été décelé dans l’organisme de 13,9 % des conducteurs grièvement blessés qui avaient été soignés par le service de traumatologie d’un hôpital régional à Toronto (Stoduto, et coll., 1993). Selon une autre étude, des drogues de toutes sortes (autres que l’alcool) ont été décelées dans l’organisme de 35,4 % des conducteurs mortellement blessés âgés de 16 à 24 ans en 2010 (Beirness, Beasley et Boase, 2013). Même si ce taux est encore beaucoup plus faible que le taux de conducteurs mortellement blessés chez qui on a décelé dans leur organisme une présence d’alcool (52,8 % des conducteurs âgés de 16 à 25 ans au cours de la même année), il s’agit néanmoins d’une statistique alarmante (Beirness, 2014). On devrait cependant mentionner les conducteurs mortellement blessés chez qui on a décelé dans leur organisme la présence de cannabis qui ne pouvait pas nécessairement les intoxiquer pendant qu’ils conduisaient leur véhicule étant donné que des traces chimiques du cannabis demeurent pendant de plus longues périodes dans le sang que l’alcool. Autrement dit, les conducteurs ont pu avoir consommé des drogues bien longtemps avant de prendre le volant et ne conduisaient pas, dans les faits, sous l’influence de drogues, mais ces dernières ont été décelées dans leur organisme parce qu’elles demeurent dans le sang pendant une période prolongée. Les méthodes de dépistage des drogues dans le corps humain sont loin d’être parfaites (voir ci-dessous).

Dans l’État du Colorado, qui a légalisé le cannabis à des fins médicales en 2006 et le cannabis à des fins récréatives en 2013, le nombre d’accidents mortels de la route auxquels ont pris part des conducteurs qui avaient consommé de la drogue pendant qu’ils étaient au volent a augmenté de 2007 à 2012 (Rocky Mountain, 2014).

Selon une analyse des ouvrages scientifiques publiés à l’étranger, la consommation de dérivés du cannabis pendant la conduite d’un véhicule motorisé peut accroître de près du double la probabilité de collision routière et de deux à trois fois la probabilité de blessures mortelles à la suite d’un accident de la circulation (Asbridge et coll., 2012; voir aussi Li et coll., 2012). De manière quelque peu contre-intuitive, le nombre total de décès et de blessures survenus à la suite d’accidents de la route pourrait néanmoins diminuer du fait que la consommation de cannabis remplacerait la consommation d’alcool, ce qui abaisserait donc le taux de conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, selon certains scénarios prévoyant une plus grande consommation de cannabis dans la population (Anderson, et coll., 2013).

Une mise en garde importante s’impose lorsqu’il s’agit d’établir des statistiques sur les accidents et les décès de la route liés à la marijuana et aux cas non déclarés par la personne qui conduit avec des facultés affaiblies par la drogue. À la différence des métabolites de l’alcool, les métabolites de la marijuana demeurent dans l’urine pendant un certain nombre de jours à la suite de la consommation de la drogue (Caulkins et coll., 2012). Si un conducteur suspecté de conduite avec facultés affaiblies par la drogue se soumet à un test qui comprend le prélèvement d’un échantillon d’urine, le résultat ne révèlerait pas nécessairement que la personne conduisait sous l’influence de la marijuana au moment du contrôle routier ou de l’accident. Un échantillon de salive ou une analyse sanguine permettraient par ailleurs de recueillir une telle information d’une manière beaucoup plus fiable (Caulkins et coll., 2012).

Peu importe les modifications apportées au régime de réglementation du cannabis, il faudra continuer de mesurer divers paramètres liés aux décès et blessures de la route de tout type (y compris la conduite sous l’influence du cannabis), ainsi que les données d’enquêtes sur la consommation de drogues et la conduite automobile. Même si le seuil d’intoxication au cannabis auquel la conduite devient dangereuse et interdite pourrait changer à l’avenir, la conduite sous l’influence du cannabis demeurera probablement une infraction, compte tenu d’autres études empiriques ou d’autres facteurs, comme cela a été le cas pour l’alcool.

Renseignements relatifs aux tests de dépistage et formation des responsables de l’application de la loi

Sans égard au régime de réglementation du cannabis en place, les infractions et les déclarations de culpabilité pour conduite avec facultés affaiblies sont préoccupantes. Les services de police continueront de porter des accusations et de déclarer ces types d’infractions. Cependant, bien que les méthodes d’évaluation des facultés affaiblies par l’alcool et de collecte des éléments de preuve de conduite avec facultés affaiblies et que les critères juridiques établissant la conduite avec facultés affaiblies aient été clairement précisées dans le cas de l’alcool, la situation est beaucoup moins claire dans le cas d’autres drogues, en l’occurrence le cannabis. Les méthodes de mesure de la présence de métabolites du cannabis dans le corps humain et la qualité de la formation offerte aux responsables de l’application de la loi pour ce qui est de la collecte des éléments de preuve liés aux facultés affaiblies par le cannabis sont des préoccupations majeures.

Il est difficile d’établir qu’une personne conduisait avec des facultés affaiblies par le cannabis, et la mesure de ces facultés est souvent moins fiable que la mesure des facultés affaiblies par l’alcool (Owusu-Bempah, 2014). Les techniques par les responsables de l’application de la loi pour détecter la présence de facultés affaiblies par le cannabis chez les conducteurs comprennent le programme de classification et d’évaluation des drogues (DEC), des dispositifs d’analyse sur place de la salive et des dispositifs d’analyse sur place de l’urine (Owusu-Bempah, 2014). Les agents de police autorisés comme experts en reconnaissance de drogues (ERD) détectent les automobilistes ayant des facultés affaiblies par la drogue au Canada en faisant appel au programme de classification et d’évaluation des drogues. On peut appliquer la procédure prévue par le programme en bordure de route ou au poste de police. L’ERD examine la présence d’indices d’ordre socio-comportemental chez le conducteur, ses signes biologiques et vitaux et lui pose directement des questions. La procédure consiste à déterminer si les facultés de la personne arrêtée sont affaiblies et, le cas échéant, quelles catégories de drogues sont les plus susceptibles d’être la cause de l’état du conducteur. Si l’ERD estime que les facultés affaiblies sont attribuables à la drogue, un échantillon sanguin est prélevé et envoyé au laboratoire à des fins de tests toxicologiques (Owusu-Bempah, 2014).

Les résultats des études sur l’efficacité du programme de classification et d’évaluation des drogues pour détecter les cas de facultés affaiblies par le cannabis sont mitigés. La plupart des études concernant les ERD réalisées sur le terrain (par des responsables de l’application de la loi) appuient l’argument selon lequel les ERD décèlent efficacement les cas d’automobilistes avec des facultés affaiblies par le cannabis. Par exemple, une étude canadienne a permis de constater que les ERD peuvent déterminer la catégorie de drogues à l’origine de l’état de facultés affaiblies dans une proportion de 95 % (Beirness, Beasley et LeCavalier, 2009). Selon une autre étude, en Espagne, les agents de police peuvent déterminer avec exactitude les degrés d’intoxication au cannabis correspondant à des concentrations particulières de THC dans la salive qui entraînent des cas graves de conduite avec facultés affaiblies (Fierro et coll., 2014).

Owusu-Bempah (2014) fait cependant remarquer qu’il faut interpréter avec prudence les résultats des études de terrain concernant les ERD. Selon l’auteur, il n’existe pas de façon de calculer le nombre de conducteurs ayant les facultés affaiblies par le cannabis qui ont été interceptés, considérés comme étant sous l’influence du cannabis et qui n’ont donc pas été soumis à la procédure prévue par le programme de classification et d’évaluation des drogues. Il existe un ensemble d’études contrôlées en laboratoire sur les ERD, la plupart desquelles révélant que leur capacité de déterminer qu’un automobiliste avait consommé du cannabis est très mauvaise (Owusu-Bempah, 2014). Par exemple, Heishman et coll. (1998) que la tendance avec laquelle les ERD déterminaient correctement qu’une personne avait les facultés affaiblies dépendait, entre autres facteurs, en grande partie de la dose de la drogue consommée : des plus fortes doses permettent d’établir de meilleures évaluations que les doses plus faibles.

Ces paramètres demeurent très pertinents, peu importe les changements apportés au régime de réglementation du cannabis. À mesure que des nouvelles méthodes de dépistage sont disponibles et que de nouvelles activités de formation sont offertes, les améliorations devraient être appliquées sur le terrain. De plus, on devrait adopter et évaluer des approches améliorées de dépistage, étant donné que la conduite sous l’influence du cannabis demeurera probablement une infraction dans tous les scénarios de réglementation du cannabis. La capacité des responsables de l’application de la loi de détecter des degrés d’intoxication comportant un danger devrait également continuer de faire l’objet d’un suivi et d’évaluations.

Santé publique

Industrie de la marijuana à des fins médicales

Il y a une foule de paramètres qui peuvent être utilisés pour décrire l’ampleur de l’industrie du cannabis à des fins médicales. D’une certaine manière, ces types de paramètres reflètent les types de paramètres nécessaires pour décrire avec exactitude les marchés du cannabis illicites, décriminalisés ou légalisés. Ces paramètres peuvent comprendre les mesures suivantes : la quantité de cannabis à des fins médicales produite par l’industrie, le nombre de permis émis, le nombre d’ordonnances données et la proportion de la production détournée vers le marché illicite.

Au Canada, le secteur de la marijuana médicale a une taille substantielle, et la réglementation concernant son approvisionnement et son acquisition a récemment connu des changements. Santé Canada ne reconnaît pas la marijuana séchée comme un médicament autorisé; cependant, sa consommation est permise lorsqu’un professionnel de la santé l’autorise (Santé Canada, 2015). En date de 2013, on peut obtenir de la marijuana à des fins médicales en vertu du Règlement sur la marihuana à des fins médicales (RMFM). Les entreprises qui souhaitent produire et distribuer de la marijuana doivent se soumettre à un processus de demande strict et rigoureux. Selon Santé Canada (2015a), trente-six entreprises ont, dans le cadre du RMFM, obtenu un permis de distribution de la marijuana séchée et fraîche et d’huiles de cannabis. Selon la SRC, plus de 50 000 personnes au Canada sont autorisées à consommer de la marijuana à des fins médicales (Vartainian, 2015). Pour obtenir de la marijuana, les patients doivent avoir en leur possession un document médical fourni par un professionnel de la santé (Santé Canada, 2015). Selon un certain nombre d’études scientifiques, la marijuana et les composés chimiques qu’elle contient peuvent contribuer à soulager la nausée et les vomissements, de même que certains types de douleurs, et à stimuler l’appétit (CCLT, 2015). La recherche sur les usages thérapeutiques des cannabinoïdes pour lutter contre les maladies comme la sclérose en plaques, le cancer et le glaucome est toujours en cours (CCLT, 2015).

Le présent rapport ne porte pas en particulier sur les paramètres qui décrivent et qui évaluent le secteur du cannabis à des fins médicales. Il faudrait assurer un suivi de nombreux types de données distincts afin de comprendre cette industrie dans des scénarios d’interdiction, de décriminalisation ou de légalisation du cannabis à des fins récréatives. Si le cannabis à des fins récréatives est légalisé ou décriminalisé et si le secteur du cannabis à des fins médicales demeure une industrie réglementée, légale et distincte, ces paramètres demeureront probablement pertinents parce que le régime de réglementation de la marijuana à des fins médicales coexisterait avec un régime de décriminalisation ou de légalisation de la marijuana à des fins récréatives.

Consommation d’autres drogues licites et illicites

La mesure dans laquelle il existe une corrélation entre la consommation de cannabis et la consommation d’autres substances, y compris le tabac, l’alcool et d’autres drogues est une question importante de santé et de sécurité.

La relation, d’une part, entre la consommation de cannabis et, d’autre part, la consommation d’autres substances illicites et d’alcool, ce que certains désignent comme l’effet d’entraînement, n’est pas bien documenté et suscite la controverse. On a établi une corrélation entre la consommation de cannabis et celles d’alcool, de tabac et d’autres substances psychotropes (Caulkins et coll., 2012). La fréquence et la quantité de cannabis consommé, ainsi que l’âge de la consommation initiale précise cette corrélation. Il existe une plus grande corrélation entre la consommation de cannabis et la consommation d’autres substances chez les grands consommateurs plus fréquents de cannabis ainsi que chez les personnes qui ont commencé à en consommer à un âge précoce (Fergusson et coll., 2006). On conteste la cause de cette corrélation claire.

La corrélation pourrait s’expliquer autrement par la fréquentation de pairs : les personnes qui consomment du cannabis pourraient être enclines à fréquenter des pairs qui consomment d’autres substances ou les revendeurs et pourraient donc être tentées de les essayer (Hall et Lynskey, 2005). Il est possible que, dans un régime de légalisation du cannabis, l’incidence de la fréquentation des pairs soit réduite.

Les prédispositions sont encore une explication de cette corrélation. Les personnes qui consomment du cannabis pourraient être prédisposées à consommer d’autres substances psychotropes (Hall et Lynskey, 2005). Cependant, compte tenu de toute la recherche disponible, il ne s’agit que d’une corrélation et non d’une relation causale. Jusqu’à maintenant, aucune étude n’a été conçue pour établir adéquatement que cette corrélation est en fait une relation causale. Néanmoins, les hypothèses bien fondées ont tendance à se situer du côté de la causalité pour ce qui est de la consommation de cannabis et d’autres substances psychotropes. Par exemple, selon une telle supposition éclairée, la consommation d’alcool et de tabac précède habituellement la consommation de cannabis et une évolution ultérieure vers la consommation de drogues dures (Caulkins et coll., 2012). Les études récentes semblent enclines à désigner le tabac ou, habituellement, l’alcool comme principale drogue d’introduction (Barry et coll., 2016).

L’envers de la médaille des liens entre le cannabis et d’autres drogues, c’est que le cannabis selon une étude récente (Lucas et coll., 2015) pourrait être la substance qui aide des consommateurs chroniques ou ceux qui ont des problèmes d’abus d’alcool ou de drogues illicites à surmonter leur dépendance à ces substances et à consommer plutôt une substance moins dommageable comme la marijuana. Selon l’étude, 87 % des consommateurs de drogues ont déclaré avoir substitué le cannabis à l’alcool (51,7 %), à des drogues illicites (32,6 %) ou à des médicaments d’ordonnance (80,3 %). Les jeunes consommateurs (âgés de moins de 40 ans) étaient plus enclins à substituer la marijuana à d’autres substances que les utilisateurs plus âgés. S’appuyant sur ces données, les auteurs laissent entendre que la substitution du cannabis à d’autres drogues pourrait réduire les dommages de l’alcool et d’autres drogues et atténuer leur incidence sur la santé et la sécurité du public. Selon une étude qualitative récente, les personnes qui consomment du cannabis ayant consommé d’autres drogues auparavant estiment que le cannabis est moins dommageable que d’autres drogues parce qu’il comporte moins d’effets indésirables graves, présente un risque de dépendance moindre et est plus efficace pour soulager certains symptômes comme la douleur (Lau et coll., 2015). Si le marché du cannabis est légalisé, le fait que les consommateurs s’éloigneraient des marchés de drogues illicites pourrait également avoir comme conséquence qu’ils seraient moins exposés à la criminalité secondaire ou à la fréquentation de pairs criminogènes. Cette catégorie de paramètres pourrait donc également comporter des répercussions au chapitre de la sécurité publique.

Peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis, il est utile de comprendre la relation entre, d’une part, le fait de modifier les habitudes de consommation de diverses drogues et, d’autre part, le lien de causalité et la corrélation entre divers types de consommation de drogues légales et illégales. Il est probable que le tabac, l’alcool et d’autres substances, licites ou non, continueront d’être consommés dans la société.

Surdose

Ces paramètres évaluent la mesure dans laquelle la consommation de cannabis entraîne directement des cas de surdose et des décès. Le principal paramètre de cette catégorie calcule le nombre de cas de surdoses et de décès attribuables à des surdoses signalées par les hôpitaux et les centres antipoison.

La surdose d’une substance peut être considérée comme la dose qui, une fois prise, peut engendrer une réaction indésirable ou un risque de décès chez le consommateur. La surdose peut prendre la forme d’une toxicité causant : a) la mort; b) des réactions physiques indésirables accompagnées de symptômes comme des vomissements, des douleurs corporelles, des éruptions cutanées, de la transpiration ou une crise cardiaque; et c) des réactions psychologiques indésirables comme la paranoïa et les attaques de panique. Contrairement à la croyance populaire, il est en fait possible de subir une surdose de cannabis (Caulkins et coll., 2012 : 64). À l’instar de toute autre substance psychotrope, la concentration d’ingrédients actifs nécessaire pour atteindre un état d’euphorie varie grandement selon les consommateurs. Une multitude de facteurs entrent en ligne de compte : la tolérance individuelle à la drogue, les antécédents de consommation antérieure, l’humeur de la personne au moment de la consommation, la présence d’autres substances dans l’organisme, etc. Actuellement, il n’existe simplement pas de dose à prendre recommandée. Même si c’était le cas, il serait probablement pratiquement impossible d’ajuster la dose parce qu’il existe beaucoup trop de souches de cannabis, qui contiennent chacune des quantités et un nombre distinct d’ingrédients psychoactifs. L’état d’euphorie recherché par un consommateur, par la prise d’une bouffée ou par le fait de fumer tout un joint, pourrait entraîner sur surdose chez un autre consommateur, voire même chez le même consommateur dans un cadre et un environnement différents.

Une surdose survient lorsque la quantité d’ingrédients psychoactifs dans la drogue consommée dépasse ce que le corps et l’esprit du consommateur peuvent tolérer. Gable (2006) a créé une échelle de toxicité pour diverses drogues récréatives, notamment l’alcool, qui établit à quel point les substances sont inoffensives pour le corps humain en cas de surdose. Selon cette échelle, parmi les drogues licites et illicites couramment consommées à des fins récréatives, le cannabis est la substance la plus sûre, et l’héroïne, la plus dangereuse. Par exemple, en cas de surdose, le cannabis est plus de 100 fois plus sûr que l’alcool et plus de 200 fois plus sûr que l’héroïne.

Les cas mortels de surdose de cannabis sont extrêmement rares; ils sont souvent liés à la consommation de cannabis avec d’autres substances psychotropes et/ou de l’alcool ou, parfois, à des symptômes physiques créés qui interagissent fatalement avec un problème de santé préexistant (Caulkins et coll., 2012; Gable, 2006). C’est pourquoi on débat souvent du rôle joué par le cannabis, s’il n’est pas la seule cause de décès, dans ces rares cas de surdoses mortelles. Les surdoses de cannabis sont néanmoins loin d’être une expérience agréable et peuvent souvent comporter des effets indésirables comme la paranoïa, les attaques de panique, l’anxiété grave et l’hyperventilation.

À mesure que de nombreux États américains légalisent ou criminalisent la consommation de marijuana à des fins récréatives, il se dégage de l’information sur les répercussions sur la santé publique. L’un des principaux enjeux de santé est l’augmentation du nombre de cas d’empoisonnement d’enfants. Wang et coll. (2014) ont constaté que le nombre d’appels qu’ont reçu les centres antipoison parce qu’un enfant âgé de neuf ans et moins avait été mis involontairement en contact avec de la marijuana a augmenté de 30,3 % par année de 2005 à 2011 dans les États qui avaient décriminalisé la substance. En comparaison, cette proportion d’appels est demeurée la même au cours de la même période dans les États qui interdisaient le cannabis (Wang et coll., 2014). De plus, des données provenant de l’hôpital pour enfants du Colorado révèlent que le nombre d’enfants évalués parce qu’ils avaient ingéré involontairement de la marijuana est passé de zéro dans la période de cinq ans précédant la libéralisation du cannabis à des fins médicales à quatorze dans les deux ans suivant ce moment (Monte et coll., 2015). Monte et coll., (2015) font remarquer que ce nombre a augmenté de nouveau après la légalisation et que, de janvier à septembre 2014, quatorze enfants avaient été admis parce qu’ils avaient ingéré par inadvertance de la marijuana, dont sept ayant été admis au service de soins intensifs. L’ingestion de produits comestibles à base de marijuana était la principale cause des admissions au service des soins intensifs (Monte et coll., 2015).

Ce paramètre demeurera pertinent, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Les taux de surdoses et de surdoses mortelles pourraient diminuer à la suite de la légalisation du cannabis parce que les consommateurs pourraient être davantage informés et sensibilisés. Cependant, un plus grand nombre de nouveaux consommateurs, de consommateurs novices et de consommateurs imprudents pourraient entraîner une augmentation du nombre de surdoses. Il est également possible que bon nombre de consommateurs consomment des doses standardisées de cannabis, réduisant peut-être ainsi la probabilité de surdose. Cependant, des consommateurs continueraient de subir les surdoses, et ces cas devraient être mesurés en permanence. De plus, les preuves scientifiques obtenues à ce jour démontrent qu’il sera important d’assurer un suivi des formes ou des types de dérivés du cannabis qui ont entraîné des surdoses et des circonstances dans lesquelles elles se sont produites.

Visites à la salle d’urgence et admissions aux soins hospitaliers

Ce paramètre évalue la mesure dans laquelle la consommation de cannabis entraîne des visites aux salles d’urgence et les admissions dans les hôpitaux. Il n’a pas trait aux questions de la dépendance et de l’abus de substances (elles font l’objet d’un autre paramètre). On mesure ce paramètre au moyen du nombre de visites et d’admissions consécutives à la consommation de cannabis. Il permet aux décideurs publics de mieux comprendre le poids relatif sur le système de santé qui représente la consommation de cannabis et à quel point la consommation, ou plutôt, la surdose de cannabis a des effets dommageables sur le bien-être des consommateurs. Il s’agit d’un paramètre très semblable au paramètre précédent, portant sur les surdoses. S’il exclut les cas  de surdose signalé aux centres antipoison ou les cas déclarés par le consommateur lui-même, il concerne les hospitalisations ou les soins liés aux cas de personnes qui ont consommé du cannabis, mais qui n’ont pas subi de surdose.

Aux États‑Unis, le système de surveillance de la santé publique Drug Abuse Warning Network (DAWN), qui est géré par la Substance Abuse and Mental Health Services Administration (SAMHSA), du département de la Santé et des Services sociaux (HHS), recueille les données sur les visites aux salles d’urgence et les admissions dans les hôpitaux liés au cannabis. Selon les estimations du système DAWN, le nombre de visites dans les salles d’urgence liées au cannabis aux États‑Unis (376 467 en 2009) n’est précédé que par le nombre de visites semblables liées à la cocaïne (422 896 en 2009). L’héroïne était liée à 213 118 visites dans les salles d’urgence aux États‑Unis en 2009. Cela est assez étonnant, voire paradoxal, étant donné que le cannabis est classé comme étant la substance la moins dangereuse selon l’échelle de Gable; or, il s’agit d’un nombre de visites tellement élevé comparativement à d’autres drogues illicites beaucoup plus dangereuses. L’une des explications de ce phénomène est qu’il est courant de consommer de la marijuana avec de l’alcool et d’autres substances, ce qui malgré les effets indésirables connus, continue d’être une pratique habituelle dans les fêtes et les rencontres sociales où ces substances sont consommées. En outre, les surdoses de cannabis sont susceptibles de produire des réactions psychologiques et non physiques indésirables. Il est donc probable qu’une part importante, sinon la plupart des consultations dans les hôpitaux et aux salles d’urgence consécutives à la consommation de cannabis ont trait à des cas où le cannabis n’était pas la cause principale. En ce qui concerne les données sur les hospitalisations, en 2008 en Californie, par exemple, il a été déterminé que le cannabis était la première cause de 181 hospitalisations (Caulkins et coll., 2012). Pour 25 000 autres hospitalisations liées aux drogues, le cannabis a été déclaré comme la deuxième, le troisième ou la quatrième justification de l’admission.

Dans l’État du Colorado, le nombre de visites aux salles d’urgence et dans les hôpitaux liées au cannabis a connu une augmentation depuis la légalisation de la drogue en 2013. Le nombre de visites aux salles d’urgence liées au cannabis a augmenté, passant de 313 par tranche de 100 000 habitants en 2011 à 553 par tranche de 100 000 habitants au cours de la première moitié de 2014 (Rocky Mountain, 2015). Le nombre d’hospitalisations liées au cannabis a aussi augmenté, passant de 963 par tranche de 100 000 habitants en 2009 (année où le cannabis a été commercialisé dans l’État) à 2 277 par tranche de 100 000 habitants au cours du premier semestre de 2014 (Rocky Mountain, 2015). Il faut faire preuve de prudence au moment d’interpréter la hausse de ces nombres de visites aux salles d’urgence et de ces hospitalisations liées au cannabis puisque [traduction] « […] la marijuana pourrait être un facteur de causalité, contributif ou coexistant observé par le médecin pendant l’hospitalisation ou la visite à la salle d’urgence. Concernant ces données, la consommation de marijuana n’est pas nécessairement liée à la raison sous-jacente de l’hospitalisation ou de la visite à la salle d’urgence. Ces données sont parfois désignées comme des hospitalisations ou des visites à la salle d’urgence "sans aucune mention de la marijuana" » (Rocky Mountain, 2015 : 26). Le nombre de consommateurs de cannabis admis aux services d’urgence est beaucoup plus élevé chez les visiteurs au Colorado (163 par tranche de 10 000 personnes en 2014 par rapport à 78 par 10 000 personnes en 2012) que chez les résidents de l’État (101 par tranche de 10 000 habitants en 2014 par rapport à 70 par tranche de 10 000 habitants en 2012) (Vivanco, 2016).

Au Canada, si l’on examine les données sur les hospitalisations et les visites aux salles d’urgence, on peut dresser un portrait très semblable. L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) recueille des données sur les admissions dans les hôpitaux et les services d’urgence pour toutes les provinces, sauf le Québec. Accessibles au public, les données de l’ICIS révèlent que le nombre de visites dans les hôpitaux et aux urgences dans le cadre desquelles l’un des diagnostics posés avait trait à la consommation de cannabis et qui ont ou non entraîné une hospitalisation a connu une hausse, de 11 869 en 2007‑2008 à 20 751 en 2012‑2013 (Canada, 2014a). Le nombre d’hospitalisations dont la marijuana a été consignée comme étant la cause principale a augmenté, de 598 en 2007‑2008 à 908 en 2012‑2013 (Canada, 2014a). L’analyse des données sur les hospitalisations en 2002 montre que les hospitalisations liées au cannabis comptaient pour seulement 0,3 % de tous les cas au pays. Par comparaison, 1,4 % des hospitalisations était attribuable à la consommation d’autres drogues illégales, 5,8 %, à l’alcool, et 10,3 %, au tabac en 2002 (Canada, 2014a).

Les données sur les congés des hôpitaux sont un autre indicateur à utiliser au moment d’analyser les visites dans les hôpitaux et aux urgences et les hospitalisations. Selon Callaghan et Macdonald (2009), la proportion de sorties des hôpitaux dans les cas où il a été déterminé que la consommation de cannabis était le principal facteur du diagnostic a doublé, passant de 14 par tranche de 100 000 habitants en 1996 à 31 par tranche de 100 000 habitants en 2005.

Le nombre de réactions désirables subies par les consommateurs de cannabis est encore un autre indicateur qui pourrait être utilisé pour ce qui est des visites aux urgences et des hospitalisations liées au cannabis. Santé Canada recueille de l’information sur les réactions indésirables à divers produits et substances dans le cadre du Programme Canada VigilanceFootnote13.

Dans une analyse détaillée des données sur les hospitalisations à Toulouse, en France, de 2004 à 2007, il a été estimé que le taux d’hospitalisations dont il a été déterminé que la consommation de cannabis en était la cause principale s’élevait de 1,2 à 3,2 par tranche de 1 000 consommateurs de cannabis réguliers (Jouanjus et coll., 2011). Les raisons les plus fréquentes des hospitalisations liées au cannabis étaient [traduction] « troubles du système nerveux central et périphérique (15,8 %), intoxication aigüe (12,1 %), troubles du système respiratoire (11,1 %) et troubles cardiovasculaires (9,5 %) » (Jouanjus et coll., 2011 : 758).

Ce paramètre demeurera pertinent, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La proportion de visites aux urgences et d’hospitalisations pourrait diminuer à la suite de la légalisation du cannabis parce que les consommateurs pourraient être mieux informés et sensibilisés. Il est également probable que les consommateurs consommeraient des doses standardisées de cannabis, réduisant ainsi la probabilité de surdose. Cependant, les visites aux urgences et les hospitalisations continueraient d’avoir lieu, et il faudrait mesurer leur nombre de façon continue.

Problèmes de dépendance au cannabis et d’abus de cannabis

Les consommateurs de cannabis peuvent acquérir une dépendance à l’égard des dérivés du cannabis ou de ses composés chimiques, ou en abuser. La dépendance et l’abus peuvent parfois être mesurés de manière distincte, parfois ensemble, selon un taux proportionnel à tous les consommateurs actuels, à toutes les personnes qui en ont déjà consommé ou à la population en général.

Les mots « dépendance » et « abus » remplacent aujourd’hui le mot « accoutumance » dans le champ de la médecine, « dépendance » étant le mot le plus courant pour ce qui est d’évaluer à quel point le problème lié au cannabis est dommageable pour le consommateur. La norme en matière de diagnostic des abus et des dépendances chez les consommateurs de cannabis est le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, actuellement dans sa cinquième édition (DSM‑V) que publie l’American Psychiatric Association. Selon le DSM-V, l’« abus » de cannabis ou de toute autre substance est défini par la situation où le consommateur continue de consommer du cannabis malgré les effets indésirables (Caulkins et coll., 2012). On diagnostique la « dépendance » lorsque trois ou plusieurs des états suivants sont reconnus chez un consommateur de cannabis (Caulkins et coll., 2012 : 24) :

  1. tolérance (besoin de consommer une plus grande dose pour obtenir le même effet);
  2. sevrage (l’arrêt du cannabis provoque une série de symptômes spécifiques);
  3. plus grande consommation que prévu;
  4. volonté de réduire la consommation ou le fait d’avoir tenté en vain de le faire;
  5. le fait de passer beaucoup de temps pour obtenir et consommer la substance;
  6. le fait que la consommation nuit aux activités professionnelles, sociales importantes, etc.;
  7. consommation continue même si les conséquences néfastes sont connues.

Au Canada, selon les résultats de l’ESCC de 2012, menée par Statistique Canada, 1,3 % des Canadiens âgés de 15 ans ou plus répondaient aux critères établissant l’abus de cannabis ou la dépendance au cannabis dans l’année précédant la tenue de l’enquête, ce qui est presque deux fois supérieur au pourcentage de Canadiens qui répondaient aux critères s’appliquant à l’abus d’autres drogues illicites ou de dépendance à d’autres drogues illicites (0,7 %)Footnote14 , mais représente moins de la moitié du taux relatif à l’alcool (3,2 %) (Pearson et coll., 2013). Par ailleurs, le taux d’abus de cannabis ou de dépendance au cannabis dans la population canadienne en général est presque deux fois supérieur chez les hommes que chez les femmes (1,7 % par rapport à 0,9 % respectivement) (Pearson et coll., 2013) et environ cinq fois supérieur pour les personnes âgées de 15 à 24 ans comparativement à celles âgées de 25 à 64 ans (5 % par rapport à moins de 1 % respectivement) (Canada, 2014), résultat qui pouvait probablement être attendu puisque les hommes et les jeunes Canadiens consomment du cannabis dans des proportions plus élevées que d’autres groupes.

On estime que les utilisateurs de cannabis risquent de créer une dépendance au cannabis selon un taux approximatif de 9 %, et cette proportion augmente, passant à 17 % chez les personnes qui ont commencé à en consommer pendant l’adolescence (Association médicale canadienne, 2014). Il est à noter que, même si la part de Canadiens qui répondent aux critères d’abus de cannabis ou de dépendance à la substance est presque deux fois supérieure à la part des personnes qui répondent aux critères d’abus d’autres drogues illicites ou de dépendance à leur égard, les consommateurs courent un risque plus faible de créer une dépendance au cannabis qu’à d’autres substances : 15 % pour l’alcool, 23 % pour l’héroïne et 32 % pour la nicotine, ce qui est beaucoup plus élevé que le risque de créer une dépendance au cannabis (9 %) (Association médicale canadienne, 2014).

Divers paramètres liés à la dépendance au cannabis et à l’abus de cannabis sont pertinents nonobstant les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Il est possible que les taux de dépendance au cannabis et d’abus de la substance (et de la recherche ultérieure de traitements) pourraient diminuer à la suite de la légalisation du cannabis car les consommateurs pourraient être mieux informés et sensibilisés. En outre, selon des scénarios de légalisation ou de décriminalisation de la marijuana, les conséquences sociales et juridiques de la consommation de la substance sont réduites par définition, ce qui pourrait alléger certains des facteurs actuels contribuant aux diagnostics d’abus ou de dépendance. Si toutefois, les taux de consommation de cannabis augmentent dans la population générale, il pourrait également en être de même pour les taux d’abus ou de dépendance. Il y aurait donc encore des cas de dépendance au cannabis et d’abus de la substance, et on devrait les dénombrer de façon continue.

Admissions aux traitements

Nombreuses sont les raisons de suivre un traitement pour abus de cannabis ou dépendance à la substance. Les personnes qui reconnaissent leur dépendance à l’égard du cannabis ou l’abus de la substance s’inscrivent de plein gré à des programmes de traitement de la toxicomanie; les membres plus âgés de la famille peuvent obliger un jeune ou un enfant à leur charge de se soumettre à des traitements; des établissements d’enseignement peuvent exiger qu’ils suivent un traitement au lieu de les expulser; les assureurs ou les employeurs peuvent exiger qu’un employé suive une cure de désintoxication comme condition qu’il conserve son emploi après un test de dépistage des drogues positif ou les tribunaux peuvent rendre obligatoire la participation à un programme de traitement dans le cadre d’une peine infligée à la suite d’un crime relatif aux drogues ou d’autres crimes ou en échange d’une réduction de la période d’incarcération ou d’autres sanctions.

Il existe des limites et des lacunes au chapitre des données sur les admissions aux traitements liées au cannabis au Canada. Le projet des Indicateurs nationaux de traitement (INT) recueille de l’information sur les programmes de traitement financés par les fonds publics. Divers groupes communiquent des données sur les INT, notamment Alcooliques Anonymes (AA), les centres de traitement de la toxicomanie privés et des fournisseurs de soins primaires comme les médecins de famille. Il n’existe pas de modèle uniforme de collecte de données sur les admissions aux traitements de la toxicomanie au Canada; il est donc difficile de dresser un portrait fiable à l’échelle du pays concernant les admissions aux traitements liés au cannabis. Tout de même, le dernier rapport sur les données des INT concluait que le cannabis venait au deuxième rang des substances psychotropes courantes, après l’alcool, pour lesquelles des personnes ont reçu un traitement en Ontario et en Nouvelle‑Écosse, les deux seules provinces pour lesquelles les données sur le motif du traitement étaient disponibles en 2012‑2013 (Pirie et coll., 2015). En Ontario, la consommation de cannabis était la première raison inscrite dans le dossier d’environ le tiers des admissions enregistrées de personnes à un traitement de la toxicomanie; en comparaison, ce pourcentage s’élève à environ 10 % en Nouvelle‑Écosse. On ne connaît pas le nombre total d’admissions à des traitements liés au cannabis, même en Ontario et en Nouvelle‑Écosse, en raison de problèmes de définition et de limites touchant la collecte des données.

Selon Caulkins et coll. (2012), le cannabis était à l’origine de plus de 350 000 admissions à un traitement de la toxicomanie en 2009 aux États‑Unis, ce qui représente environ 2 % des quelque 17 millions de consommateurs de cannabis actuels (c.‑à‑d. des personnes qui ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours du mois précédant la tenue de l’enquête). Comme c’est le cas en Ontario et en Nouvelle‑Écosse, le cannabis est le deuxième motif en importance (après l’alcool) d’admission à un traitement de la toxicomanie aux États‑Unis. Le nombre d’admissions à des traitements liés au cannabis a quadruplé depuis 1992. Près de la moitié (46 %) des personnes admises étaient des jeunes âgés de moins de 21 ans (Caulkin et coll., 2012). L’intensité et le coût de ces programmes varient considérablement. La majorité des traitements liés au cannabis (85 %) aux États‑Unis sont offerts dans le cadre de programmes pour les malades externes, qui coûtent 1 000 $ ou moins à chaque participation. Pour leur part, les programmes de service en établissement peuvent coûter des dizaines de milliers de dollars pour chacune des participations.

Le paramètre demeure pertinent, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Les taux de dépendance au cannabis et d’abus de la substance (et la recherche ultérieure de traitements) pourraient diminuer à la suite de la légalisation du cannabis parce que les consommateurs seraient mieux informés et sensibilisés et de la réduction du fardeau social et économique que représente la consommation de cannabis. Cependant, la dépendance au cannabis et l’abus de la substance continueraient d’avoir cours, et il faudrait les mesurer de façon continue. Il faudrait perfectionner et améliorer la mesure des admissions aux traitements. Comme il a été mentionné précédemment, l’information sur les admissions aux traitements est limitée et disponible seulement en Ontario et en Nouvelle‑Écosse. On pourrait consigner et analyser les raisons pour lesquelles les personnes veulent obtenir des traitements, car ces données seraient importantes pour un certain nombre de fins d’analyse.

Effets respiratoires

Certaines formes de consommation de cannabis peuvent avoir des conséquences néfastes sur le système respiratoire. On peut mesurer ces dommages à l’aide du nombre de cas déclarés de types particuliers nuisibles pour la santé chez les utilisateurs.

La fumée de cannabis contient un mélange de poisons semblables à ceux de la fumée de tabac (Tashkin et coll., 2005). Beaucoup d’études ont donc été consacrées à documenter les effets respiratoires de l’inhalation de marijuana comparativement à ceux associés au tabagisme. Selon la recherche, les effets de l’inhalation de la marijuana sont très dangereux, peut-être encore plus dangereux que ceux découlant du tabagisme. Par exemple, la fumée de marijuana peut potentiellement faire passer dans les poumons des concentrations malsaines d’aluminium (Exley et coll., 2006) et comporte une teneur en goudron comparable à celle de la fumée de tabac (Taylor et Hall, 2003). De plus, la technique d’inhalation courante qui consiste à prendre de longues bouffées profondes fait en sorte que des particules consumées demeurent plus longtemps dans les poumons, ce qui entraîne des taux d’exposition aux dépôts de goudron d’environ trois à cinq fois supérieurs aux taux observés chez les fumeurs de cigarettes (Taylor et Hall, 2003). D’après le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, les problèmes respiratoires communs signalés chez les fumeurs de cannabis régulier comprennent la respiration sifflante, le souffle court après l’activité physique, des mucosités tôt le matin, le serrement de la poitrine le soir et la bronchite (Diplock et Plecas, 2009).

La recherche entre les liens sur le cancer du poumon et la consommation de marijuana a retenu l’attention parce que fumer la marijuana est populaire, mais, jusqu’à maintenant, les résultats n’ont pas été concluants. Il existe des études qui établissent une association entre la marijuana et le cancer du poumon (Aldington et coll. 2008; Berthiller et coll., 2008, mais ces résultats ont été contestés en raison de problèmes méthodologiques (Plecas et coll., 2012). Par contraste, il existe des études qui n’ont constaté aucune corrélation entre le fait de fumer de la marijuana et le cancer du poumon, mais elles sont aussi marquées par des limites sur le plan méthodologique (Plecas et coll., 2012).

Les paramètres conçus pour comprendre les dommages spécifiques liés au fait de fumer du cannabis demeureront pertinents sans égard aux changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La qualité du cannabis peut s’améliorer dans des régimes de légalisation du cannabis, à mesure que plus de dérivés autorisés et normalisés deviennent disponibles. Cependant, il pourra encore y avoir des effets néfastes pour la santé, et il faudra les mesurer de façon continue. La recherche sur la manière dont la consommation de cannabis affecte le système respiratoire devrait continuer de progresser, et il faudrait élaborer de meilleures mesures pour ce paramètre.

Si l’inhalation du cannabis est la méthode dominante de consommation, il existe des différences concernant la manière dont le cannabis peut être fumé, selon le dispositif utilisé, le dérivé consumé ou les techniques d’inhalation. Il existe aussi des méthodes d’inhalation du cannabis semblables à celles utilisées pour « vapoter » le tabac et les dérivés de la nicotine. On consomme également le cannabis par les voies orales et topiques dans des proportions qui varient. Ces différences du point de vue des quantités et des modes de consommation sont des questions complexes qu’il faut examiner au moment de concevoir des plans de collecte des données pour ce groupe de paramètres et au moment d’interpréter ceux-ci.

Cancer

Ce paramètre évalue la mesure dans laquelle la consommation de cannabis est un facteur de risque ou un facteur de causalité lié à l’apparition de divers cancers. On peut le mesurer au moyen du nombre de cas enregistrés de cancer chez les consommateurs de cannabis.

La fumée de marijuana contient de nombreux cancérogènes dommageables et pourrait être associée à divers types de cancers (Tashkin et coll., 2002). La recherche effectuée à ce jour n’a cependant pas permis de tirer des conclusions à cet égard. Une difficulté méthodologique courante est le fait que la majorité des consommateurs de marijuana consomment également des dérivés du tabac (Berthiller et coll., 2008; Plecas et coll., 2012). Pour ce qui est des types de cancer comme le cancer de la bouche et le cancer du sein, Plecas et coll. (2012) mentionnent que les résultats ne sont pas concluants. De plus en plus de travaux de recherche laissent entendre que certains types de dérivés du cannabis peuvent jouer efficacement un rôle pour éliminer les cellules cancéreuses. Les résultats de plusieurs études précliniques sur des animaux de laboratoire ont révélé que la marijuana peut entraîner la suppression de cellules cancéreuses et inhiber la croissance de tumeurs (Plecas et coll., 2012). Il n’a cependant pas encore été établi si le fait de fumer de la marijuana peut prévenir toute forme de cancer chez les humains.

Ce paramètre demeurera pertinent sans égard aux changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La qualité et les formes accessibles de préparations de cannabis pourraient s’améliorer dans un régime de légalisation de la substance, à mesure que plus de dérivés de cannabis autorisés et normalisés deviennent disponibles. Cependant, il pourra encore y avoir des effets néfastes pour la santé, et il faudra les mesurer de façon continue. La recherche sur la relation entre la consommation de dérivés de cannabis et le cancer devrait continuer de progresser, et il faudrait concevoir de meilleures mesures de ce paramètre.

Santé cardiovasculaire

Ce paramètre évalue la mesure dans laquelle la consommation de cannabis peut contribuer à la présence d’effets indésirables sur le système cardiaque et cardiovasculaire. Il peut être mesuré à l’aide du nombre d’occurrences signalées d’effets néfastes spécifiques pour la santé chez les consommateurs de cannabis.

Certains chercheurs en santé publique se sont préoccupés d’examiner les dommages potentiels sur le système cardiaque et cardiovasculaire découlant de la consommation de marijuana. Le fait de consommer de la marijuana a une incidence sur le cœur, entraînant immédiatement après la consommation une augmentation de 20 à 50 % du rythme cardiaque (Copeland et coll., 2006). Les données probantes ne révèlent pas que la plupart des consommateurs de marijuana éprouvent habituellement des problèmes cardiaques et cardiovasculaires graves. La recherche a néanmoins démontré que la consommation de marijuana chez les personnes prédisposées aux maladies cardiaques comme les maladies coronariennes, ou qui ont survécu à ces dernières, peut poser un risque grave pour la santé (Plecas et coll., 2012). À la suite d’une analyse documentaire, Plecas et coll. (2012) font remarquer que, dans de rares cas, la marijuana peut provoquer une crise cardiaque ou d’autres problèmes cardiovasculaires graves. Ils ont cependant souligné en outre que le lien entre la marijuana et les problèmes cardiovasculaires est influencé par des facteurs psychosociaux comme un mauvais régime alimentaire et les prédispositions génétiques.

Ce paramètre demeurera pertinent nonobstant les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La qualité du cannabis pourrait s’améliorer dans un régime de légalisation de la substance, à mesure que davantage de dérivés de cannabis autorisés et normalisés deviennent disponibles. Cependant, il pourra encore y avoir des effets néfastes pour la santé, et il faudra les mesurer de façon continue. La recherche sur la façon dont le cannabis affecte le système cardiovasculaire devrait continuer de progresser, et il faudrait concevoir de meilleures mesures de ce paramètre.

Grossesse et santé génésique

Les mères pourraient consommer du cannabis au cours de leur grossesse pour un certain nombre de raisons. Le fœtus peut être exposé aux effets du cannabis de manière accidentelle parce qu’elles ne savaient pas qu’elles étaient enceintes, en raison de la fumée secondaire, d’une négligence, de la dépendance au cannabis ou de l’abus de la substance ou parce qu’elles en ont consommé intentionnellement à des fins de santé (Waugh, 2015). Ce paramètre évalue la mesure dans laquelle la consommation de cannabis peut avoir une incidence sur le système reproducteur humain et sur le fœtus ou un nouveau-né si la substance est consommée pendant la grossesse. On peut le mesurer à l’aide du nombre d’occurrences signalées d’effets indésirables chez les consommatrices et des effets à long terme de la consommation du cannabis pendant la grossesse sur les enfants de mères qui en ont consommé pendant qu’elles étaient enceintes.

Le cannabis est la drogue illicite les plus couramment consommée au cours de la grossesse (Porath-Waller, 2015). En 2011, approximativement 11 % des femmes en âge de procréer (de 15 à 44 ans) au Canada ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année (Porath-Waller, 2015). On ne connaît pas le pourcentage réel de femmes au Canada qui ont consommé de la marijuana pendant qu’elles étaient enceintes. Aux États‑Unis, 5,2 % des femmes enceintes ont déclaré en 2011 avoir consommé du cannabis au cours de leur grossesse (Porath-Waller, 2015).

À ce jour, les études qui se sont penchées sur les effets sur le fœtus de la consommation par la mère de cannabis disent que l’exposition au cannabis avant la natalité entraîne des effets indésirables légers. Ces derniers peuvent se manifester dès l’âge de trois ans et avoir une incidence sur le fonctionnement cognitif, le fonctionnement comportemental, la santé mentale et la consommation de substances au cours de l’adolescence (Porath-Waller, 2015). D’autres recherches estiment que les déficiences liées au cannabis peuvent nuire au cheminement scolaire de l’enfant (Porath-Waller, 2015). Actuellement, on n’a pas établi de liens entre, d’une part, la consommation de cannabis par la mère et, d’autre part, les naissances prématurées, les fausses couches ou les anomalies physiques majeures (Porath-Waller, 2015). Par ailleurs, il existe certaines études sur de possibles effets secondaires positifs découlant de la consommation de cannabis au cours de la grossesse, par exemple une meilleure acuité visuelle (Chakraborty et coll., 2015).

Les paramètres liés à la consommation de cannabis par les femmes enceintes demeureront pertinents sans égard aux changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La qualité du cannabis pourrait s’améliorer à la suite de sa légalisation, à mesure que davantage de dérivés autorisés et normalisés deviennent disponibles. Les consommateurs pourraient également devenir mieux informés et sensibilisés. Cependant, il pourra encore y avoir des effets néfastes pour la santé, et il faudra les mesurer de façon continue. La recherche sur la manière dont le cannabis affecte les mères enceintes et les fœtus en est à ses premiers balbutiements, et les méthodes de collecte des données devraient continuer d’évoluer, et il faut concevoir de meilleures mesures pour ce paramètre.

Santé mentale

Il existe de nombreux ouvrages de recherche qui établissent des liens entre la consommation de cannabis et des problèmes particuliers de santé mentale. Il existe aussi des ouvrages qui lient la consommation de cannabis au traitement de certains problèmes de santé mentale. Ce groupe de paramètres évalue la mesure dans laquelle la consommation de cannabis peut avoir une incidence sur la santé mentale des consommateurs. Ces paramètres dénombrent généralement les occurrences déclarées d’effets indésirables sur la santé mentale chez les consommateurs, ainsi que les conséquences à long terme de la consommation du cannabis.

De plus en plus de recherches ont démontré une corrélation entre la consommation précoce de marijuana et de futurs problèmes de santé mentale, y compris la psychose, le trouble bipolaire et la dépression. Il est toutefois difficile de déterminer que la marijuana est la cause de ces corrélations. Jusqu’à maintenant, les auteurs de de nombreux travaux de recherche sont d’avis que la consommation régulière et importante de marijuana, en particulier par les jeunes, peut mener à un risque accru de développement plus précoce de psychose et de psychose plus grave, notamment la schizophrénie (voir Zammit et coll., 2012; Castle, 2013). Les études ont également montré que les personnes qui consomment du cannabis peuvent présenter un trouble bipolaire de manière plus précoce et que la consommation de cannabis est associée à des risques plus élevés de souffrir de trouble bipolaire avec épisodes maniaques (voir Silberberg et coll., 2012).

De nombreux ouvrages ont démontré une corrélation entre les taux de dépression et la consommation régulière de cannabis (voir Degenhardt et coll., 2012). Les causes de cette corrélation demeurent imprécises, et il n’y a pas suffisamment de données probantes permettant de déterminer si la consommation de cannabis entraîne la dépression, si les personnes en consomment pour traiter eux-mêmes les symptômes de la dépression ou si aucune relation directe n’existe. Même si certaines études ont permis de constater que la consommation de cannabis est liée à l’augmentation des comportements suicidaires (voir Fergusson et coll., 2003), ce domaine de recherche en est encore à ses débuts, et il n’a pas encore été établi si la consommation de cannabis est responsable de la hausse du risque de suicide (Degenhardt et coll., 2012). Par ailleurs, le cannabis est utilisé comme traitement des symptômes de certains troubles de santé mentale, comme l’anxiété et les troubles de stress posttraumatiques (Baldwin et coll., 2015).

Il sera pertinent d’assurer un suivi de la relation entre la consommation de cannabis et les troubles de santé mentale, et ce, sans égard aux modifications apportées aux politiques relatives au cannabis. La qualité du cannabis pourrait s’améliorer à la suite de sa légalisation, à mesure que davantage de dérivés autorisés et normalisés deviennent disponibles. Les consommateurs pourraient également devenir mieux informés et sensibilisés. Cependant, il pourra encore y avoir des effets néfastes pour la santé, et il faudra les mesurer de façon continue. La recherche sur la manière dont le cannabis affecte la santé mentale devrait continuer de progresser, et les scientifiques, les professionnels de la santé mentale et d’autres professionnels de la santé devraient, à l’avenir, concevoir de meilleures mesures pour ce paramètre.

Performance sportive

La consommation de cannabis par les athlètes est interdite dans de nombreuses compétitions sportives organisées professionnelles et amatrices. Il est pertinent de mesurer les effets du cannabis sur la performance des athlètes et le nombre d’athlètes qui en consomment afin d’améliorer leur performance dans les discussions portant sur la réglementation et son application de la consommation de cannabis.

La consommation de cannabis est interdite dans la plupart des ligues sportives professionnelles, et le cannabis demeure inscrit sur la liste des substances interdites de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Pour qu’une drogue soit inscrite sur la liste des substances interdites de l’AMA, elle doit répondre à deux des trois critères suivants : 1) améliorer la performance; 2) poser potentiellement un risque pour la santé; ou 3) aller à l’encontre de l’esprit sportif. On considère habituellement que la marijuana satisfait à ces trois conditions. On fait appel généralement aux analyses d’urine pour détecter la présence de cannabinoïdes dans l’organisme des athlètes (Huestis et coll., 2011). Le cannabis comptait pour jusqu’à 15,7 % des tests de dépistage de drogues positifs réalisés par le Comité international olympique (CIO) de 1998 à 2004, et ce taux a diminué, passant à 7,7 % en 2009 (Huestis et coll., 2011).

En ce qui concerne l’amélioration des performances, des athlètes ont déclaré que la marijuana accroît la concentration et réduit l’anxiété et la peur, ainsi que la douleur et le stress lié aux compétitions (voir Huestis et coll., 2011). En plus des risques pour la santé documentés découlant d’une consommation chronique, la marijuana peut perturber la coordination, les mouvements et les habiletés techniques des athlètes au point où cela pourrait accroître la probabilité d’accident ou de blessure.

La mesure de l’incidence de la consommation de cannabis chez les athlètes à des fins d’amélioration des performances ou pour d’autres raisons et les mesures visant à analyser les effets de la consommation du cannabis sur la performance sportive continuera probablement de susciter un intérêt, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Même dans les scénarios de décriminalisation ou de légalisation du cannabis, il est probable que la substance demeurera une drogue illicite inscrite sur la liste des substances interdites pour les athlètes. Il est également probable que les athlètes ne cesseront pas de consommer du cannabis afin d’améliorer leur performance. On devrait donc continuer d’assurer un suivi de la consommation de cannabis par les athlètes et de la mesurer.

Coûts pour les services de santé

Nous savons que les maladies causées par le tabagisme et la consommation d’alcool, et qui sont en corrélation avec ceux-ci, ont de lourdes répercussions sur les coûts des services de santé. Évaluer les coûts que la consommation de cannabis entraîne pour le système de santé présente un intérêt. Ces coûts peuvent comprendre, à tout le moins, le coût lié à la prestation des soins pendant les visites aux urgences, l’hospitalisation et les soins à long terme liés à la consommation de cannabis.

Le CCLT a calculé les coûts associés aux hospitalisations à la suite de la consommation de cannabis en 2014. Les auteurs du rapport (Young et Jesseman, 2014) ont utilisé des données provenant de la Base de données sur la santé mentale en milieu hospitalier (BDSMMH) de l’ICIS pour plusieurs substances, y compris le cannabis, pour la période 2006‑2007 à 2011‑2012 au Canada. Ils ont estimé les coûts en fonction du nombre de séjours à l’hôpital et de la durée du séjour. Selon les résultats, le coût de l’hospitalisation liée au cannabis a augmenté au Canada, passant de 9 millions de dollars en 2006‑2007 à 14 millions de dollars en 2011‑2012 (Young et Jesseman, 2014). Il s’agit d’une hausse de 52 %. À l’instar d’autres études sur les coûts des services, cette recherche est fondée sur plusieurs hypothèses et se limite à l’information mise à la disposition des chercheurs. Les auteurs soutiennent que les estimations établies par l’étude sont très prudentes et que les coûts sont plus élevés que ceux estimés. On pourrait établir de meilleures estimations si les chercheurs avaient à leur disposition d’autres variables, comme les motifs d’hospitalisation, de manière dont il a été décidé que les patients devaient être hospitalisés, et par qui, etc.

Le fait de consigner des données de ce genre continuerait d’être pertinent, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Dans des régimes de légalisation ou de décriminalisation de la marijuana, il est possible que la charge directe générale des séjours à l’hôpital liés au cannabis sur le système de santé diminue si la consommation de cannabis à des fins non médicales est légalisée parce que les consommateurs pourraient être mieux informés et sensibilisés ou augmente en raison d’une hausse du nombre de consommateurs. Dans des régimes de légalisation, les personnes seraient également enclines à consommer des doses normalisées de cannabis, réduisant ainsi la probabilité de surdose ou de consommation abusive. Tout de même, tout comme pour le tabac et l’alcool licites, les consommateurs de cannabis auront encore besoin de traitements, après en avoir consommé abusivement ou après des cas de surdose, ou de soins à long terme. Par conséquent, il faut que les coûts pour les services de santé fassent l’objet d’une surveillance continue. En outre, à long terme, quand les effets secondaires et tertiaires pour la santé de la consommation du cannabis seront mieux analysés dans le cadre de recherches, les coûts pourraient comprendre des soins de santé accrus dans les cas de maladies associées à la consommation de cannabis (par exemple certaines maladies mentales ou respiratoires); ou on pourrait observer une réduction des coûts pour les services de santé en raison de l’atténuation de facteurs de risque de maladies, comme l’obésité, ou de la baisse d’autres populations susceptibles de contracter d’autres maladies.

Enjeux économiques

Valeur de l’électricité utilisée par les installations de culture de la marijuana

Les installations de culture intérieure de cannabis consomment une grande quantité d’électricité, ce qui, en retour, peut créer une charge sur le réseau électrique et réduire la pérennité de tout le système. Des installations de culture de la marijuana moyennes consistent en environ 36 appareils d’éclairage, chaque appareil consommant 1 000 watts l’heure (Diplock et Plecas, 2011). Chaque appareil doit être en marche pendant 14 heures par jour en moyenne au cours du cycle de croissance de 90 jours des plants de marijuana, ce qui équivaut à 181 440 kWh d’électricité consommée par une seule installation par année (Diplock et Plecas, 2011). En fonction de quelque 6 867 installations de culture en Colombie‑Britannique qui ont détourné (volé) de l’électricité en 2010, on peut dire qu’un total de 1 246 GWh d’électricité a été volé dans la province durant cette année. Le plus faible taux de facturation de l’électricité en Colombie‑Britannique en 2010 était de 0,0627 $ le kWh, et le taux le plus élevé, 0,0878 $ le kWh. La valeur estimée de l’électricité volée par les installations de culture en Colombie‑Britannique en 2010 s’élevait donc de 78,1 à 109,4 millions de dollars par année (Diplock et Plecas, 2011). De plus, on estime que 6 339 installations de culture n’ont pas volé, mais ont acheté en toute légalité leur électricité dans la province en 2010. Vu la valeur pécuniaire de l’électricité utilisée par ces installations de culture, de 43,7 à 61,2 millions de dollars s’ajoutent aux sommes mentionnées précédemment (Diplock et Plecas, 2011).

Le paramètre de la valeur de l’électricité utilisée par les installations de culture de la marijuana devrait continuer d’être pertinent, peu importe les modifications ultérieures apportées aux politiques relatives au cannabis. On devrait surveiller constamment la consommation d’électricité par les installations des cultures légales pour s’assurer qu’elles n’exercent pas de trop grandes pressions sur le système électrique ou pour rendre compte des améliorations sur le plan de l’efficacité en matière de technologies de culture, comme le recours à des diodes électroluminescentes (DEL) ou à un éclairage naturel. En outre, si les installations de culture illicites continuent leurs activités, certaines d’entre elles continueront probablement à utiliser la stratégie consistant à voler l’électricité afin d’éviter qu’on les repère et d’améliorer les profits. Il faut assurer un suivi de la valeur de l’électricité volée.

Origine du cannabis

Ce paramètre détermine la source ou l’origine du cannabis que les personnes consomment. Autrement dit, il s’agit de mesurer la part de cannabis que les consommateurs cultivent eux-mêmes, obtiennent par des méthodes licites (p. ex. ordonnance de marijuana à des fins médicales), obtiennent gratuitement en tant que don ou dans le cadre d’un échange, ont acheté au prix coûtant, ont acheté d’une source légale qui en tire un profit (p. ex. un revendeur), etc.

Les données sur la source ou les origines du cannabis que les personnes consomment ne sont pas facilement accessibles au Canada. Le cannabis peut être issu de l’horticulture intérieure ou extérieure, être de la marijuana médicale détournée, obtenue du marché noir ou du marché semi-clandestin, etc. Il en est ainsi probablement à cause de la difficulté à obtenir ce genre de renseignements compte tenu du caractère illégal du cannabis et de l’ignorance de bon nombre de consommateurs de cannabis relativement à la provenance de la drogue qu’ils consomment. De plus, il peut être complexe sur le plan méthodologique d’obtenir ce type de données au moyen de questions d’enquêtes parce que le cannabis que consomme une personne peut provenir d’un certain nombre de sources distinctes selon le moment et le contexte.

Selon le journal The Globe and Mail (2013), 13 % des consommateurs de marijuana à des fins médicales ont obtenu la drogue de Santé Canada, 64 % ont cultivé eux-mêmes la plante, 16 % ont obtenu le cannabis d’un ami qui était autorisé à en cultiver, et 7 % étaient autorisés à en acheter de Santé Canada, mais ne le faisaient pasFootnote15. De plus, 70 % des consommateurs de marijuana à des fins médicales ont déclaré cultiver au moins 25 plants dans leur propre résidence (Globe and Mail, 2013).

Si on fait abstraction de la marijuana à des fins médicales produite en toute légalité, on estime que, de 1997 à 2003, 16 % du cannabis de la Colombie‑Britannique a été cultivé à l’extérieur et 82 %, à l’intérieur (Diplock et coll., 2013).

Ce paramètre devrait demeurer pertinent peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis et sera probablement davantage pertinent dans des régimes de légalisation de la substance. Il est probable que la façon dont ce paramètre est mesuré changera si le cannabis à des fins non médicales est légalisé parce que l’information sur bon nombre de ces sources sera plus facilement accessible des producteurs. Par exemple, des producteurs d’alcool et de tabac licites sont tenus par la loi de déclarer la quantité et la qualité de leurs produits. Il est probable que de telles lois exigeant des producteurs de cannabis qu’ils déclarent leurs produits d’une manière semblable soient adoptées.

Partage et vente de cannabis par les consommateurs

Ce paramètre est un approfondissement du paramètre précédent sur les sources de cannabis. Il évalue la mesure dans laquelle le cannabis est partagé entre les consommateurs et vendu par les consommateurs à d’autres personnes au prix coûtant ou avec profit. Il peut être mesuré en fonction à la fois de la quantité et du pourcentage de cannabis vendu et partagé entre les consommateurs.

Les consommateurs partagent souvent dans le cadre d’un rituel le cannabis lorsqu’il est fumé. Il arrive aussi que les revendeurs en fument avec leurs clients pendant la transaction. Les consommateurs peuvent revendre le cannabis à d’autres consommateurs. Il peut être acheté au prix coûtant dans le cadre d’achats de grandes quantités en commun par des amis ou des fréquentations. Les données empiriques sur le partage et la vente de dérivés de cannabis par les consommateurs ne sont pas disponibles au Canada ni ailleurs, bien qu’il existe des études qualitatives dans d’autres pays (Mohamed et Fritsvold, 2010; Hammersvik, et coll., 2012). Il est néanmoins très important de comprendre la dynamique de partage et de vente non seulement selon la dimension économique, mais aussi des points de vue de la sécurité publique et de la santé publique, et de comprendre comment les enfants et les jeunes consomment du cannabis. On pourrait ajouter des questions sur le partage et la vente de cannabis dans les enquêtes actuelles comme l’ECTAD et l’ESCC.

Ce paramètre devrait demeurer pertinent, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Il pourrait devenir davantage pertinent dans des régimes de légalisation et de décriminalisation de la substance parce que les lois et la réglementation encadrant certains des comportements pourraient devenir moins strictes, d’autres comportements, plutôt que la totalité de ceux-ci, pourraient être assujettis au droit pénal. Il est probable que le cannabis continuera d’être consommé, partagé et revendu par les utilisateurs, comme c’est le cas avec l’alcool et les cigarettes.

Prix

Pour de nombreuses raisons, il serait utile de connaître le prix auquel divers dérivés du cannabis et diverses quantités sont vendus, ainsi que la façon dont ces prix fluctuent au fil du temps, selon l’endroit géographique et le segment de marché.

Un changement des prix pourrait signifier, entre autres choses, un changement de l’approvisionnement en cannabis ou des schémas de consommation. Les informations sur les prix du cannabis sont donc importantes pour de nombreuses raisons. D’abord, des responsables de l’application de la loi et les décideurs publics doivent connaître les fluctuations de prix afin de mieux affecter les ressources au chapitre de l’application des lois et de la réglementation. Ensuite, les prix du cannabis peuvent renseigner sur la façon dont le cannabis est fourni dans un marché. À l’instar de tout produit de consommation, le modèle économique d’offre et de demande du cannabis dépend de ses prix.

Évaluer les prix de la marijuana illicite peut donner un aperçu important de l’état actuel de l’industrie. Comme l’ont souligné Clements et Zhao (2009), on peut examiner les prix de la marijuana à l’aide d’un certain nombre de paramètres, y compris l’emplacement géographique lié aux prix de la substance, les fluctuations de prix au fil du temps et les prix tout compris (p. ex. remises sur la quantité). Si les données sur les prix de la marijuana illicite au Canada ne sont pas officiellement colligées, le rapport de 2013 de Sécurité publique Canada (voir Boucher et coll., 2013) donne certaines réponses préliminaires à quelques-uns des paramètres cernés par Clements et Zhao (2009). S’appuyant sur l’information accessible sur le site Web priceofweed.com, les chercheurs de Sécurité publique Canada ont constaté que le prix moyen de la marijuana au Canada pour la période 2010‑2012 s’élevait à 7,54 $ le gramme et le prix médian, à 7,39 $ le gramme. Les données ont également révélé que les prix de la marijuana sont demeurés relativement stables au cours de la période de deux ans et quatre mois pour lesquelles les données étaient disponibles, malgré les variations en fonction des saisons. Le prix moyen du cannabis au cours des quatre derniers mois de 2010 s’élevait à 7,26 $ le gramme, à 7,25 $ le gramme en 2011 et à 7,64 $ en 2012. Les chercheurs ont de plus constaté que les prix de la marijuana étaient plus élevés dans les territoires que dans les provinces et ont relevé plusieurs régions au Canada où les prix étaient semblables (Boucher et coll., 2013).

Selon la recherche effectuée dans d’autres pays occidentaux, les prix de la marijuana ont connu une baisse importante, bien plus grande que pour d’autres biens illicites (Clements et Zhao, 2009). Par exemple, en Australie, le prix d’une once de cannabis a baissé de plus de 25 % de 1990 à 1999. Selon Clements et Zhao (2009), il est probable que la chute des prix est attribuable à deux facteurs tout aussi plausibles l’un que l’autre : l’accroissement de la productivité de la culture de la marijuana découlant de l’adoption de techniques de culture hydroponique et des sanctions attendues moins sévères liées à la production et à la vente de la marijuana.

Il est également utile de suivre le prix du cannabis légal. Au Colorado, au cours de la première année de la légalisation du cannabis, le prix d’une once standard de cannabis à des fins récréatives a chuté de 50 à 100 dollars. Cette baisse a été attribuée à une concurrence accrue, à la stabilisation des installations de production établies et à l’atteinte d’un prix d’équilibre sur le marché (Verhage, 2015). Selon les déclarations de personnes ayant acheté du cannabis illicite dans les États américains où la substance à des fins récréatives a été légalisée, les prix ont baissé sur le marché noir (Dyer, 2015).

Il est pertinent de comprendre les prix de la marijuana, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. Il est probable que la manière dont ce paramètre est mesuré changera si le cannabis à des fins récréatives est légalisé parce que l’information sur les prix du cannabis sera facilement accessible auprès des vendeurs. Un simple questionnaire soumis aux vendeurs permettra de déterminer les prix auxquels la drogue est vendue. Si le cannabis est légalisé et qu’il est vendu dans des magasins au détail exploités par le gouvernement, comme c’est le cas pour l’alcool en Ontario, les renseignements sur les prix seront facilement accessibles auprès de l’organisme gouvernemental concerné.

La recherche sur le commerce illégal du tabac (Maslov et Boucher, 2014) révèle cependant que, dans les situations de légalisation, il est important de mesurer les écarts de prix entre divers segments de marché de substances psychotropes, en particulier les prix comparatifs des substances licites et illicites. Il en est ainsi parce que si les prix des substances licites sont plus élevés que ceux des substances illicites, les consommateurs pourraient être incités à acheter leur produit, en l’occurrence le cannabis, sur le marché noir. Cela, en retour, crée des occasions que peut saisir le crime organisé.

Répercussions économiques de la légalisation

Ce paramètre évalue les conséquences que divers scénarios de réglementation pourraient avoir sur l’économie. On peut le mesurer à l’aide d’un certain nombre de manières, y compris les gains attendus provenant des recettes fiscales, les économies découlant d’une réduction des dépenses au chapitre de l’application de la loi ou les répercussions à long terme sur l’éducation publique, les programmes et les services de santé.

Il y a certaines études très novatrices sur les effets que la légalisation de la consommation du cannabis à des fins non médicales aurait sur l’ensemble de l’économie en général et en particulier, sur les recettes fiscales et d’autres économies publiques. Clements et Zhao (2009) ont appliqué le concept d’élasticité de la demande par rapport au prix au contexte australien; pour leur part, Bryan et coll. (2013) ont utilisé le même principe, mais au Royaume-Uni. La première étude prévoit que les recettes fiscales s’élèveront à 245 $ par personne (consommateur )Footnote16, et la seconde estime que les bénéfices netsFootnote17liés à une transition vers un marché légal réglementé s’élèveraient de 200 à 300 millions de £ par année. Dans un article d’analyse, Gieringer (1994) a employé des méthodes d’extrapolation pour prédire que, après la légalisation de la marijuana dans l’ensemble des États‑Unis, les recettes fiscales s’élèveront à de 2,2 à 6,4 milliards de dollars par année et les économies, de 8 à 16 milliards de dollars par année.

Ces trois études offrent des exemples de modèles économiques qui utilisent des données disponibles sur les prix et les niveaux de consommation de cannabis pour prédire les recettes et les économies pouvant être réalisées si des politiques relatives au cannabis devaient changer. Pacula et Lundberg (2014) soutiennent que l’un des principaux problèmes concernant ces modèles réside dans le fait que les mesures de la consommation de cannabis utilisées dans ces modèles économiques sont limitées à la prévalence de la consommation et ne reflètent pas les quantités réelles consommées. En somme, cette approche exclut une population importante et significative de grands consommateurs réguliers de cannabis. Ces modèles économiques ne prennent pas en considération les quantités de cannabis que ces personnes consomment au moment de calculer la demande, ce qui, à la suite de changements des politiques relatives au cannabis, influerait certainement sur les prédictions d’économies et de recettes (Pacula et Lundberg, 2014). Par exemple, selon des données pour le Colorado, environ 22 % des consommateurs sont considérés comme des personnes qui en consomment beaucoup, quotidiennement ou presque quotidiennement; de plus, cette population représente environ les deux tiers (67 %) de la demande de cannabis dans l’État (Rocky Mountain, 2014). Dans la même veine, environ 10 % des consommateurs d’alcool, qui pourraient être catégorisés comme des buveurs excessifs, comptent pour plus de 50 % des ventes d’alcool aux États‑Unis (Dovey, 2014). Il s’agit d’une quantité substantielle de cannabis que les modèles économiques actuels ne peuvent prendre en compte parce qu’ils sont fondés sur la prévalence de la consommation comme indicateur de la demande. Ici encore, on peut corriger cette lacune si de meilleures mesures de la consommation, comme les qualités réelles, étaient disponibles.

Il faut mentionner l’idée selon laquelle la production et la vente illicites de cannabis apporte de la valeur ajoutée à toute l’économie. De l’argent et des ressources sont investis dans la production de cannabis, et une main-d’œuvre travaille dans les installations de culture, et une main-d’œuvre est rémunérée pour travailler dans les installations de culture. De plus, les acheteurs dépensent de l’argent pour acheter des dérivés du cannabis. Même s’il est vrai que, lorsque le cannabis est illégal, des taxes ne sont pas directement perçues de ces transactions et les employeurs ne cotisent pas aux caisses de l’assurance‑emploi et du Régime de pensions du Canada, il existe néanmoins une valeur qu’il faudrait prendre en considération concernant le secteur du cannabis illicite. On pourrait, par exemple, mettre à niveau les mécanismes de calcul des coûts de la criminalité pour prendre en compte l’argent généré et échangé par l’industrie du cannabis.

Selon des données de l’État du Colorado, les recettes prévues découlant de la vente de cannabis dans l’État, après la légalisation de la substance, sont de 35 millions de dollars pour l’exercice 2013‑2014 et 118 millions de dollars pour l’exercice 2014‑2015 (Rocky Mountain, 2014 : 144). De meilleures recettes pourraient être à prévoir à mesure que le nombre d’ouvertures de magasins et que les quantités de cannabis achetées augmentent. En contrepartie, les dépenses prévues par l’État pour ces exercices totalisent 103,5 millions de dollarsFootnote18, en plus de 29 millions de dollars déjà affectés à l’application de la loi et les enjeux liés à la sécurité publique. Il est donc trop tôt pour tirer des conclusions relativement au bénéfice (ou au dommage) économique net réel du changement de politiques relatives au cannabis au Colorado.

La notion de répercussion économique de la marijuana devrait demeurer pertinente, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La façon dont cette notion est mesurée est susceptible de changer si le cannabis à des fins non médicales est décriminalisé ou légalisé parce que certains types de données économiques sur le cannabis seront réels, plutôt que projetés ou estimés. Dans le cas de l’alcool et du tabac, par exemple, l’information sur la quantité de produits fabriqués et vendus légalement au Canada est facilement accessible. Il faut encore estimer les données sur les marchés du tabac et de l’alcool illicites (Maslov et Boucher, 2014).

Marché immobilier

Ce paramètre évalue l’incidence d’un changement de politiques relatives au cannabis sur le marché immobilier sur le territoire où le changement se produit.

Des études récentes ont démontré que la légalisation de la marijuana peut avoir des répercussions importantes sur le marché immobilier concerné. Les études émanant de la région de Denver ont permis de constater que la légalisation récente de la marijuana a stimulé le marché de l’habitation à Denver (Crone, 2015). Selon un rapport, la légalisation de la marijuana a potentiellement contribué à une augmentation de 15 % des prix des maisons à Denver, et la propriété moyenne vaut aujourd’hui 40 000 $ de plus que l’année précédente (Crone, 2015). Selon une autre étude, un bâtiment industriel de la ville sur onze est maintenant le lieu d’installations de culture de la marijuana, celles-ci occupant 3,7 millions de pieds carrés d’espace industriel (Rusche, 2015). De 2009 à 2014, la culture de la marijuana comptait pour 35,8 % de l’espace industriel loué à Denver (Rusche, 2015). Malgré ces constatations, peu de données couvrant la période avant la légalisation ont été analysées, et d’autres facteurs pourraient aussi expliquer les hausses de prix. De plus, aucune étude n’a été encore réalisée sur la valeur des biens immobiliers situés autour des dispensaires de cannabis ou des installations de production, laquelle, selon les observations sur le terrain, pourrait éventuellement diminuer.

Ce paramètre est le plus pertinent dans des régimes de décriminalisation et de légalisation du cannabis parce qu’il est extrêmement difficile d’analyser ces renseignements dans des contextes d’illégalité de la substance. Idéalement, il devrait néanmoins être possible de mesurer les renseignements concernant le marché immobilier avant et après la légalisation, ce qui serait l’idéal. De plus, les diverses réglementations ou politiques encadrant la manière dont le cannabis peut être cultivé ou vendu (p. ex. les restrictions visant l’emplacement d’affaires, le nombre de plants ou la quantité des stocks, la culture intérieure ou extérieure ou les exigences en matière de sécurité) pourraient avoir des répercussions qui varient grandement sur des segments du marché immobilier, ce qui exige des analyses distinctes de la manière dont les prix du marché fluctuent.

Incidence sur la productivité

Il existe un certain nombre de paramètres apparentés qui permettent d’examiner comment la consommation de cannabis peut influer sur la productivité de la main-d’œuvre. On peut mesurer les répercussions sur la productivité de la consommation du cannabis de nombreuses manières, dont bon nombre reflètent la façon dont la perte de productivité attribuable à la consommation d’alcool est mesurée, notamment : le nombre d’heures de travail d’absence attribuables à la consommation de cannabis, la capacité ou l’incapacité de se concentrer sur certaines tâches pendant que la personne est sous l’influence du cannabis et diverses autres mesures de la performance physique ou du rendement cognitif pendant que la personne est sous l’influence du cannabis.

On analyse généralement l’incidence du cannabis sur la productivité d’un point de vue négatif, ce qui est, dans une grande mesure, attribuable aux stéréotypes concernant les consommateurs de cannabis selon lesquels ces derniers sont paresseux et indolents qui ont émergé dans la culture populaire et les médias (Cohen, 2014). Selon une perspective médicale, la consommation de cannabis peut en effet affecter les [traduction] « fonctions sensorielles, psychomotrices et cognitives et la capacité d’exécuter certaines tâches » (Martin et coll., 2002 : 1520). Cela dépend de nombreux facteurs, y compris la quantité et la fréquence de cannabis consommé, le moment où le cannabis a été consommé, la puissance de la drogue et la complexité de la tâche à réaliser (Martin et coll., 2002). De plus, les traits de personnalité du consommateur, la fréquence de sa consommation et les degrés de motivation personnelle et de productivité avant le moment où la personne a consommé du cannabis influencent sa motivation et sa productivité après la consommation de cannabis (Hickox, 2012).

D’autres personnes pourraient soutenir que même les grands fumeurs de cannabis peuvent ne pas afficher les signes d’une motivation et d’une productivité réduites (Cohen, 2014). Les taux accrus de dopamine, le soi-disant agent chimique euphorisant libéré dans le cerveau à la suite de la consommation de cannabis, pourraient contribuer à des degrés de motivation ou de productivité plus élevés chez certains consommateurs (Cohen, 2014), et des taux plus faibles de dopamine pourraient expliquer la paresse et la démotivation d’autres consommateurs (Bloomfield et coll., 2014). L’absentéisme au travail attribuable à la consommation de cannabis ou les accidents de travail liés au cannabis sont aussi des sujets vivement contestés, et il n’y a pas de consensus dans le milieu de la recherche sur l’existence d’une relation de causalité entre ces variables (Hickox, 2012). Certains avancent que, de façon semblable aux consommateurs d’alcool, la plupart des consommateurs de cannabis ne consomment pas de drogues au travail et ne s’acquittent donc pas de leurs fonctions pendant qu’ils sont intoxiqués (Evans, 2013). Il faut donc élaborer les paramètres liés à la productivité et à la consommation de cannabis de façon détaillée afin de prendre en considération non seulement le nombre de travailleurs qui consomment du cannabis, mais la façon et le moment où ces travailleurs en consomment, les circonstances où ils en consomment, notamment des variables pertinentes d’ordre personnel qui entrent en jeu, etc.

Les paramètres de ce genre demeureront pertinents, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La recherche portant sur la manière dont le cannabis affecte la productivité devrait continuer de progresser, et il faudra élaborer des mesures plus raffinées afin d’explorer l’incidence générale négative ou positive de la consommation de cannabis sur la productivité dans divers types de milieux de travail.

Conséquences environnementales

La production et la commercialisation de tous biens et services ont des conséquences sur l’environnement. Il existe particulièrement des conséquences dommageables pour l’environnement associées à l’industrie du cannabis illicite, comme l’usage excessif d’énergie électrique, l’utilisation abondante d’engrais, de pesticides et d’herbicides et le volume global de gaz à effet de serre généré. Les dommages environnementaux découlant de la culture de cannabis illicite comme drogue contrastent avec les avantages environnementaux que les promoteurs de l’industrie du chanvre font valoir (Projets pour une agriculture écologique, 1997).

On a beaucoup discuté de la question de savoir si la culture et la production de cannabis ont de lourdes conséquences sur l’environnement. Mills (2011) soutient que l’empreinte carbone liée à la production intérieure de cannabis est importante. Il a été estimé qu’un kilogramme de cannabis produit entraîne la production nette de 3 000 kilogrammes de dioxyde de carbone, l’un des gaz à effet de serre que l’on croit contribuer au phénomène de réchauffement climatique. Selon des estimations américaines de 2011 que l’auteur a utilisées dans son étude, on aurait consacré de l’énergie ayant une valeur totale d’environ cinq milliards de dollars pour produire du cannabis aux États‑Unis en 2011 et 17 millions de tonnes de dioxyde de carbone auraient été libérées dans l’atmosphère (Mills, 2011 : 1). Tout de même, à l’échelon du pays, l’énergie nécessaire pour produire la quantité annuelle de cannabis consommée aux États‑Unis constitue seulement environ 1 % de la consommation d’énergie aux États‑Unis. Pour relativiser encore davantage ces chiffres, l’énergie nécessaire pour cultiver la quantité annuelle de cannabis consommée aux États‑Unis n’équivaut qu’à un tiers de l’énergie dont les centres de données américains ont besoin chaque année ou seulement un sixième de l’énergie que les réfrigérateurs ménagers du pays consomment (Gerken, 2012).

Néanmoins, on estime également que la culture et la production de cannabis entraînent de graves conséquences environnementales autres que la consommation d’énergie et la production de dioxyde de carbone. Les installations de culture illégales situées dans les quartiers résidentiels peuvent poser un danger pour la santé des personnes qui vivent dans ces quartiers en raison des produits chimiques utilisés et des moisissures qui s’accumulent habituellement dans les installations de culture de cannabis illicites gérées négligemment (GRC, 2012). De plus, les installations de culture utilisent souvent des herbicides, des pesticides et des engrais qui peuvent être très dommageables pour l’environnement et les humains s’ils ne sont pas manipulés adéquatement (Wilkey, 2014).

À l’instar des dommages créés par d’autres produits agricoles, les dommages pour l’environnement liés à la production de cannabis semblent s’accroître en fonction de l’intensité de la production et du nombre de techniques utilisées et de leur perfectionnement. Autre élément à considérer, la méthode et les lieux de production influent sur les conséquences écologiques du produit. Les contextes d’application de la loi et réglementaires influencent la méthode et le lieu de production de cannabis.

On ne sait pas encore dans quelle mesure la production et la culture de cannabis endommagent réellement l’environnement, en particulier par rapport à d’autres cultures. Les ouvrages scientifiques font défaut dans ce domaine. La recherche sur les conséquences de la production de cannabis sur l’environnement devrait continuer de progresser, et on peut élaborer de meilleures mesures pour ce paramètre.

Technologie associée aux installations de culture

Cette catégorie de paramètres évalue et quantifie le recours aux technologies agricoles et sécuritaires en constante évolution dans les installations de production intérieures et extérieures de cannabis.

Les appareils d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (DEL) à haute intensité mis en place dans les installations de culture intérieures du cannabis sont une innovation technologique récente. On peut acheter dans un magasin local de culture hydroponique tout l’équipement nécessaire pour assembler et exploiter des installations de culture intérieures (Bouchard et Dion, 2009). Il faut environ 200 watts d’énergie pour éclairer un pied carré de culture active par lampe utilisant des DEL (Mills, 2011). Un plant moyen de marijuana occupe un espace d’environ 1,25 pied carré (GRC, 2012). Un pied carré permet de récolter en moyenne environ 40 grammes de dérivés de cannabis (Caulkins et coll., sans date)Footnote19. D’autres technologies sont par exemple les détecteurs agricoles automatisés sur le Web, les systèmes hydroponiques et les systèmes de surveillance de la sécurité à distance.

Dans les régimes où toute la production de cannabis est illégale, il a été démontré que l’approvisionnement en articles servant à la culture hydroponique correspond dans une grande mesure aux schémas de production de cannabis (Bouchard et Dion, 2009). Cela ne signifie pas que la direction de ce magasin de culture hydroponique assume une responsabilité criminelle. Ce que cela signifie néanmoins, c’est que, peut-être en combinaison avec d’autres paramètres, l’information sur l’industrie de l’équipement hydroponique peut fournir de l’information indirecte sur les tendances et les schémas d’approvisionnement du cannabis illicite.

Il est utile d’assurer un suivi des ventes des technologies utilisées principalement dans les installations de production de cannabis, ainsi que la part de la production connue de cannabis qui fait appel à ces types particuliers de technologies. Ces paramètres devraient demeurer pertinents, peu importe les changements apportés aux politiques relatives au cannabis. La façon dont ces paramètres sont mesurés changera probablement si le cannabis à des fins non médicales est légalisé parce que les renseignements sur les technologies utilisées pourraient être facilement accessibles auprès des personnes qui exploitent les installations de culture légale.

Enfants et jeunesFootnote20

Tendances de consommation chez les jeunes

L’âge moyen auquel les jeunes consomment pour la première fois de la marijuana était de 16,1 ans en 2012, comparativement à 15,6 ans en 2011. L’âge de la première expérience de consommation de cannabis (15,6 ans) demeure constant depuis 2004 (Santé Canada, 2012). La prévalence de la consommation de cannabis chez les jeunes Canadiens est sans doute l’un des paramètres de rendement pour le cannabis les mieux mesurés. Cela est probablement attribuable au lien bien établi entre les dangers d’une exposition précoce au cannabis et les problèmes, entre autres, de santé que les personnes peuvent affronter au cours de leur vie (Caulkins et coll., 2012).

De nombreuses enquêtes font état du taux de consommation déclaré de cannabis chez les jeunes. Selon l’enquête, la prévalence de la consommation varie de 3 à 53 %. Les résultats de l’ESCC montrent que les jeunes Canadiens sont les plus grands consommateurs de marijuana au pays. Chez les personnes qui en ont consommé une fois en 2012, un tiers (33,3 %, en baisse de 2,7 % par rapport à 2002) des jeunes de 18 à 24 ans ont admis avoir consommé du cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête, suivi de 20 % des personnes âgées de 15 à 17 ans (en baisse de 8,5 % par rapport à 2002) (Rotermann et Langlois, 2015). En ce qui concerne les consommateurs à répétition, en 2012, 30,8 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans ont admis avoir consommé du cannabis au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête (en baisse de 0,4 % par rapport à 2002), suivis de 17,1 % des jeunes de 15 à 17 ans (en baisse de 7 % par rapport à 2002) (Rotermann et Langlois, 2015).

Une autre enquête nationale, l’ECTAD, a produit des résultats semblables. La prévalence de consommation de cannabis au cours de la vie chez les Canadiens âgés de 15 à 24 ans a presque diminué du double, de 61,4 % en 2004 à 34,8 % en 2012, et la consommation au cours de l’année précédant la tenue de l’enquête a aussi presque diminué du double, passant de 37 à 20,3 % au cours de la même période (Santé Canada, 2012).

D’après un rapport de 2013 de l’UNICEF, le pourcentage d’enfants âgés de 11, 13 et 15 ans qui ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des 12 derniers mois au Canada s’élevait à 28 % (UNICEF, 2013). Il s’agit du taux de consommation de cannabis le plus élevé dans les 29 pays à l’examen.

Le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) gère le Sondage sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l’Ontario tous les deux ans. Selon les résultats du Sondage de 2013, la prévalence de consommation de cannabis au cours de l’année précédant la tenue du sondage chez les élèves du secondaire en Ontario se chiffrait à 23 %, variant de 2 % pour les élèves de la septième année à 39 % pour les élèves de la douzième année. Environ 3 % des élèves du secondaire de l’Ontario déclarent consommer du cannabis chaque jour (Boak et coll., 2013).

Les estimations de l’Ontario sont plus ou moins représentatives des taux de prévalence au pays. Au Canada, en 2012‑2013, 19,3 % des élèves de la septième à la douzième année ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours de l’année précédant la tenue du sondage. L’âge moyen de la première expérience de consommation de cannabis était de 14 ans (Santé Canada, 2014). Les données révèlent également que la consommation de cannabis s’accroît pour chaque année. Selon la province, environ de 3 à 8 % des élèves de la septième année ont déclaré avoir consommé de la marijuana, à des taux de 30 à 53 % chez les élèves de la douzième année (Young et coll., 2011).

Au Colorado, où la consommation de cannabis à des fins récréatives est légale et où l’accès à la substance des jeunes est restreint, la consommation de marijuana dans cette population suscite une grande inquiétude depuis la légalisation. En 2010‑2011, les adolescents ont admis avoir consommé du cannabis dans une proportion près de 40 pour cent supérieure à la moyenne nationale américaine au cours du mois précédant la tenue de l’enquête (Police Foundation, 2015).

Les données du National College Health Assessment Survey de 2013, qui portent sur les étudiants de niveau postsecondaire, ont révélé que 60,1 % de ces derniers n’avaient jamais consommé de marijuana, que 28,3 % en avaient consommé (mais non dans les 30 jours précédant la tenue de l’enquête) et que 16 % en avaient consommé au cours des 30 derniers jours (ACHA, 2013).

Le paramètre concernant les tendances de consommations chez les enfants et les jeunes correspond à celui concernant les taux de consommation chez les adultes. Au moment d’analyser la collecte de données empiriques sur la consommation de cannabis, on devrait le faire à la fois pour les adultes ainsi que pour les enfants et les jeunes.

Incidents déclarés par la police impliquant des jeunes et accusations contre des jeunes

Les crimes signalés par les services de police consignés dans le cadre du Programme DUC permettent d’obtenir des données sur les incidents déclarés par la police impliquant des jeunes relativement au cannabis. Statistique Canada mentionne que, en 2013 au pays, 17 700 jeunes âgés de 12 à 17 ans ont été accusés à la suite d’une infraction relative aux drogues en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La vaste majorité (81 %) de ces personnes ont été accusées de possession de cannabis (Boyce et coll., 2014). La proportion selon laquelle des jeunes ont été accusés de possession de cannabis a légèrement décliné (d’environ 1 %) de 2012 à 2013. Le taux d’accusation de possession de cannabis visant des jeunes est tout de même demeuré environ 30 % supérieur au taux observé en 2003 (600 accusations par tranche de 100 000 habitants en 2013 comparativement à 462 accusations par tranche de 100 000 habitants en 2003) (Boyce et coll., 2014).

Une analyse plus approfondie des données du Programme DUC de 2013 révèle qu’une immense majorité (90 %) de jeunes âgés de 12 à 17 ans accusés à la suite d’une infraction relative aux drogues en 2013 l’avaient été relativement au cannabis (Statistique Canada, 2015). Étant donné que 81 % des accusations étaient des accusations de possession de cannabis, on pourrait dire que 9 % des accusations liées aux drogues visant les jeunes étaient relatives à la production et/ou au trafic de cannabis. Parmi toutes les accusations relatives aux drogues, la part d’accusations liées au cannabis a diminué dans les groupes de personnes plus âgées. Par exemple, le taux d’accusation lié au cannabis chez les personnes âgées de 35 à 44 ans est de 52 % (Statistique Canada, 2015). En d’autres termes, on observe une plus grande proportion d’accusations relatives à des drogues autres que le cannabis chez les groupes de personnes plus âgées.

À l’instar du paramètre concernant les tendances de consommation, le paramètre concernant les incidents liés au cannabis impliquant des jeunes correspond à celui concernant les incidents déclarés par la police impliquant des adultes. Au moment d’analyser la collecte de données empiriques sur les infractions liées au cannabis, on devrait le faire à la fois pour les adultes et les jeunes.

Tribunaux de la jeunesse

Selon Statistique Canada (2015), la vaste majorité (77 %) des affaires closes liées aux drogues devant les tribunaux de la jeunesse du pays concernait une infraction liée au cannabis pour la période allant de 2008‑2009 à 2011‑2012. Les données précisent également que, au cours de cette période, la moitié (50 %) des jeunes accusés à la suite d’une infraction de possession de cannabis et le tiers (35 %) des jeunes accusés à la suite d’infractions de distribution de cannabis avaient donné lieu à une accusation simple. Les cas de possession de cannabis étaient moins susceptibles d’entraîner un verdict de culpabilité que les infractions de possession d’autres drogues (42 % par rapport à 60 %). Il en va de même en ce qui concerne les infractions de distribution de cannabis (51 % par rapport à 61 %). La plupart des affaires liées au cannabis instruites devant les tribunaux de la jeunesse qui se terminent par un verdict de culpabilité entraînent des peines de probation, plutôt que d’emprisonnement ou des amendes (Statistique Canada, 2015).

Ce paramètre correspond à celui concernant les infractions signalées par les services de police. Au moment d’analyser la collecte des données empiriques sur les infractions liées au cannabis signalées par les services de police, on devrait le faire à la fois pour les adultes et les jeunes.

Rendement scolaire

Les auteurs de nombreux ouvrages de recherche ont examiné la relation entre la consommation de marijuana et le rendement scolaire. Ces études ont démontré que, selon la quantité consommée, la marijuana peut affecter la mémoire, la capacité d’attention et l’apprentissage chez les adolescents, notamment la prise de décisions éclairées et la concentration (Dougherty et coll., 2013; Hanson et coll., 2010; Lisdahl et coll., 2013). Les jeunes qui fument de la marijuana ont tendance à moins réussir dans leurs études que les jeunes qui n’en fument pas. On mesure habituellement cela en fonction du nombre d’années passées aux études ou du statut de décrocheur. En guise d’exemple, une étude longitudinale sur 25 ans menée sur 1 265 adolescents en Nouvelle‑Zélande a permis de constater que la hausse de la consommation de cannabis était associée à l’abandon scolaire précoce sans l’acquisition de qualifications et le fait de ne pas entreprendre des études universitaires ou d’obtenir un diplôme universitaire (Fergusson et Horwood, 1997). Un examen de 48 études pertinentes a également permis de tirer la conclusion selon laquelle la consommation de marijuana est associée à des probabilités réduites de terminer les études (Macleod et coll., 2004). Selon une autre étude, réalisée par Lynskey et Hall (2000), la consommation de marijuana était fortement associée à l’absentéisme scolaire à un maintien faible des élèves aux études et au fait de ne pas terminer les études.

La mesure dans laquelle il existe une relation de causalité entre la consommation de marijuana et le faible rendement scolaire a fait l’objet de discussions par les chercheurs. Certains ont soutenu que les faibles rendements scolaires précèdent la consommation régulière ou la grande consommation de marijuana et que la consommation de marijuana n’en est donc pas la cause (Fergusson et Horwood, 1997; Hawkins et coll., 1992). Les auteurs d’autres études avancent qu’un troisième facteur ou qu’une série de facteurs courants, comme les facteurs sociodémographiques, les traits de la personnalité et/ou la consommation d’alcool (Barnes et coll., 2005; Kumar et coll., 2002) pourraient expliquer les faibles résultats scolaires chez les consommateurs de marijuana.

Ce paramètre est lié au paramètre concernant l’incidence sur la productivité des adultes. Au moment d’analyser la collecte des données empiriques sur la productivité ou le rendement, on devrait le faire à la fois pour les adultes et les jeunes.

Jeunes sans-abri

Selon une étude de l’Agence de la santé publique du Canada (ASFC, 2006), les jeunes sans-abri affichent au Canada une plus grande prévalence de toxicomanie (la marijuana étant souvent la drogue de prédilection) que chez les jeunes qui ne sont pas des sans-abri. Les auteurs de l’étude ont découvert que 78,3 % des jeunes sans-abri de diverses villes canadiennes ont consommé de la marijuana. Des entrevues qualitatives réalisées pendant cette étude ont révélé que ces jeunes consommaient régulièrement de la marijuana au point où les fournisseurs de services et les jeunes eux-mêmes ne considéraient pas la consommation de cannabis comme problématique.

D’autres études canadiennes ont permis de constater des résultats semblables. Selon une étude réalisée par des chercheurs du CAMH et d’autres organismes communautaires, 73 % des jeunes sans-abri de Toronto, en Ontario, ont déclaré avoir consommé de la marijuana au cours des 30 derniers jours, la consommation étant plus élevée chez les hommes (82 %) que chez les femmes (64 %) (Kirst et Erickson, 2013). Des taux de consommation encore plus élevés ont été établis dans une étude réalisée auprès de jeunes vivant dans la rue à Victoria, en Colombie‑Britannique. Les chercheurs ont découvert que 88 % des jeunes sans-abri (âgés de 15 à 24 ans) interrogés là-bas ont déclaré avoir consommé de la marijuana au cours des 30 derniers jours (Sekharan, 2015).

Au Colorado, on a observé une conséquence inattendue de la légalisation de la marijuana, c’est‑à‑dire l’influx de sans-abri dans l’État, en particulier de jeunes adultes de 18 à 26 ans (Police Foundation, 2015). Ce phénomène pourrait être expliqué par le fait que ces personnes sont attirées par l’accès facile en toute légalité au cannabis ainsi que par la volonté de ces personnes d’obtenir un emploi dans l’industrie du cannabis (Police Foundation, 2015).

Conclusion

Le présent rapport d’analyse sur les paramètres de rendement pour le cannabis a décrit en détail certains des paramètres les plus évidents qui pourraient être envisagés pour comprendre l’incidence des politiques relatives au cannabis. Une base de données probante devrait guider de bonnes discussions sur les politiques. Il est utile de pouvoir présenter sous la forme de modèles divers scénarios de réglementation et des politiques de rechange à l’aide de données fiables. Si les politiques sont inspirées par seulement une ou deux études scientifiques, on ne fournit pas suffisamment de perspective et de regard critique sur un enjeu en particulier. Si certains des paramètres relevés doivent faire l’objet de recherches ciblées et rigoureuses pour que l’on puisse bien les comprendre (p. ex. santé mentale ou cancer), d’autres devraient faire l’objet d’une surveillance constante à des intervalles réguliers de façon à ce qu’on puisse analyser les tendances (p. ex. tendances de consommation, incidents ou puissance).

Le présent rapport visait à permettre aux décideurs publics de cerner les données et les preuves qu’ils pourraient souhaiter continuer d’examiner au moment d’analyser les changements apportés aux politiques relatives au cannabis ou l’incidence de ces changements. Certains des paramètres analysés dans le rapport sont plus précis, ou mieux définis, que d’autres. Certains seront faciles à mettre en œuvre et à mesurer à l’aide d’enquêtes, d’entrevues, des dossiers de la police ou de diverses bases de données. D’autres paramètres sont de nature plus générale, et les décideurs publics devraient les considérer comme des questions de recherche sur les politiques à explorer davantage. Enfin, le rapport mentionne plusieurs paramètres qui ne sont pas présentement mesurés du tout, mais qui semblent revêtir une importance. L’annexe, qui figure à la fin du rapport, est complémentaire à celui-ci et peut être utilisé comme guide de référence pour tous les paramètres abordés sur la façon dont on devrait les mesurer. Sur les quelque quatre types de paramètres cernés dans le présent rapport, le Canada recueille actuellement des données pour en calculer environ sept, certains renseignements partiels sur 17 autres et peu de données, voire aucune sur les 21 autres paramètres.

De nombreux groupes pourraient se charger de recueillir les données nécessaires pour calculer les paramètres présentés dans le présent rapport. Ces groupes pourraient comprendre des ministères et des organismes fédéraux, comme Sécurité publique Canada, Santé Canada, Industrie Canada, Statistique Canada et la GRC, ainsi que des gouvernements provinciaux et des administrations municipales, des services de police, des associations de l’industrie et professionnelles, certains organismes sans but lucratif et des chercheurs. Nonobstant l’organisation qui, au bout du compte, recueille les données et génère les paramètres, on devrait encourager la collaboration entre les intervenants relativement à la question complexe de la mesure du rendement des politiques relatives au cannabis.

Il est important de se rappeler que la plupart des enjeux relevés dans le présent rapport doivent être continuellement suivis et mesurés. Les paramètres pertinents pour évaluer les politiques sont les plus utiles lorsqu’ils existent avant tout changement de politiques, pendant le changement en question et sont mesurés de façon continue après le changement. Ce n’est qu’ainsi que les décideurs publics peuvent déterminer si le changement de politiques a permis d’obtenir le résultat escompté et s’il a entraîné plus d’avantages que d’inconvénients. Au Colorado, par exemple, beaucoup de données de base décrites dans le présent rapport étaient absentes dans une grande mesure avant et après la légalisation de la marijuana (Police Foundation, 2015). Les décideurs publics et les responsables de l’application de la loi demandent constamment que l’on établisse un quelconque cadre de collecte des données afin de comprendre les effets des politiques de légalisation (Police Foundation, 2015 : 9) :

[Traduction]
Les responsables de l’application de la loi […] ont prévenu que, avant la mise en place d’un système de collecte des données pour l’ensemble de l’État, il ne sera pas possible de comprendre pleinement les conséquences de la légalisation de la marijuana et des crimes qui s’y rapportent dans l’État du Colorado. […] En raison du temps nécessaire pour créer un système de données à l’échelle de l’État, des années pourraient s’écouler avant que les responsables de l’application de la loi du Colorado puissent analyser pleinement les conséquences de la légalisation de la marijuana.

La collecte de données afin d’élaborer des paramètres est coûteuse et exigerait des fonds initiaux et en permanence. Des fonds générés par les changements apportés aux régimes de réglementation du cannabis (p. ex. les taxes de vente dans les scénarios où le cannabis à des fins récréatives pourrait être légalisé) pourraient être continuellement réinvestis non seulement afin d’atténuer les dommages et de sensibiliser le public, mais aussi pour recueillir en permanence des données sur les types de paramètres relevés dans le présent rapport. Vu le peu de données actuellement recueillies au sujet de nombreux paramètres présentés, l’occasion est belle de faire en sorte que la recherche et l’évaluation de grande qualité soient un élément important des politiques relatives au cannabis futures.

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Annexe

Les paramètres cernés dans le présent rapport et présentés en résumé dans le tableau 1 devraient être considérés comme des exemples qui peuvent guider la compréhension et les discussions concernant la mise en place de mécanismes de collecte et d’analyse des données liées au cannabis. Comme pour le reste du rapport, les paramètres sont rassemblés selon de grandes catégories de paramètres (p. ex. sécurité publique) et par groupe de paramètres (p. ex. tendances de consommation). À titre de rappel, un ou deux exemples de paramètres sont fournis pour représenter chaque groupe de paramètres. Certains paramètres sont plus clairement définis ou plus faciles à recueillir que d’autres; c’est pourquoi on présente une évaluation sommaire visant à déterminer si le groupe de paramètres est mesuré en détail ou non au Canada. Par exemple, le paramètre concernant les tendances de consommation est relativement bien défini. Les méthodes de collecte des données concernant ce paramètre sont aussi plus ou moins simples. On considère cependant ce paramètre comme partiellement mesuré au Canada parce que seule la prévalence de la consommation de cannabis est actuellement mesurée et non la quantité réelle de drogue consommée. Enfin, les renseignements sur certains paramètres pourraient être recueillis ailleurs dans le monde, mais ces travaux pourraient tout de même être pertinents pour le Canada même s’ils ne confirment pas les conclusions ou les tendances observées à l’aide des données canadiennes (p. ex. santé mentale ou cancer). Le tableau précise également des sources possibles de données et des détenteurs possibles de données afin de calculer le paramètre, ainsi qu’un espace pour certaines notes explicatives pertinentes. 

Tableau 1 : Résumé des paramètres de rendement pour le cannabis
  Groupe de paramètres Exemple de paramètre Mesuré au Canada? Source des données pour le Canada Détenteurs [possibles] de données Notes
Sécurité publique

Tendances en matière de consommation

  • - Pourcentage de personnes qui consomment du cannabis.
  • - Quantité de cannabis consommée.

En partie

ECTAD et ESCC

Statistique Canada

Seule la prévalence de la consommation est mesurée. Les quantités consommées ne sont pas mesurées.

Méthode de consommation

  • - Proportion de consommateurs qui fument, ingèrent, vapotent ou qui s’administrent par voie topique du cannabis

Non

Aucune

Statistique Canada

On devrait poser dans les enquêtes des questions sur la méthode de consommation.

Incidents déclarés par la police

  • - Nombre d’incidents liés au cannabis
  • - Nombre de personnes accusées

En partie

Programme DUC

Statistique Canada

Données déclarées par les services de police. Les infractions liées à la possession, à la production et à la distribution ne permettent pas de consigner des renseignements sur les quantités.

Résultats des infractions déclarées par la police (adultes)

  • - Nombre d’accusations
  • - Nombre d’affaires judiciaires relatives aux drogues

Oui

Programme DUC et EITJC

Statistique Canada

Données provenant des services de police combinées aux données provenant des tribunaux.

Production et culture illégales

  • - Quantité de cannabis produit illégalement.

En partie

Programme DUC et GRC

Statistique Canada, GRC

Seules les données du Programme DUC sont disponibles, mais pas encore de la GRC.

Demandes d’intervention par la police

  • - Nombre de demandes d’intervention de citoyens liées au cannabis
  • - Nombre de demandes d’intervention de services de police

Non

Bases de données relatives à l’application de la loi

GRC et autres organismes d’application de la loi

Les données sur les demandes d’intervention provenant d’organismes d’application de la loi sont essentielles pour ce paramètre.

Puissance

  • - Teneur en THC et CBD dans le cannabis.

En partie

GRC et analyses juridiques dans les laboratoires de Santé Canada

GRC et Santé Canada

Aucune donnée de sources ouvertes disponible concernant la puissance. Si des analyses de la puissance sont effectuées, les données pourraient être rendues plus facilement accessibles.

Criminalité autour des dispensaires

  • - Taux et gravité de criminalité autour des dispensaires de cannabis

Non (certaines études aux États-Unis)

Bases de données relatives à l’application de la loi

GRC et autres organismes d’application de la loi

On pourrait examiner les bases de données des organismes d’application de la loi concernant les incidents pour recueillir les données nécessaires pour ce paramètre.

Éradication des cultures

  • - Nombre de plants de cannabis éradiqués
  • - Quantité de composés psychoactifs éradiqués

Non (certaines études aux États-Unis)

Bases de données relatives à l’application de la loi

GRC et autres organismes d’application de la loi

Les données ne sont pas facilement accessibles au Canada. Les détenteurs de données pourraient en avoir, mais elles ne sont pas publiques.

Installations de culture de cannabis et risque d’incendie

  • - Nombre d’incendies dans les installations de culture

Non

Bases de données relatives à l’application de la loi et des services d’incendie

Services d’incendie, organismes d’application de la loi, Statistique Canada

Des données pourraient exister dans les bases de données à des services de police et d’incendie, mais elles ne sont pas publiques.

Crime organisé

  • - Quantité de cannabis produit et distribué par le crime organisé
  • - Quantité d’argent provenant d’installations illégales de production de cannabis blanchi

Non

Bases de données relatives à l’application de la loi

GRC et autres organismes d’application de la loi

Un indicateur de la participation du crime organisé pourrait être utile. D’autres méthodes d’estimation existent également.

Infractions liées à la probation et inobservations des conditions de la libération conditionnelle

  • - Nombre d’infractions aux conditions de probation liées au cannabis
  • - Nombre d’infractions aux conditions de probation par délinquant déclaré coupable d’une infraction liée au cannabis

Non

Base de données de la Commission des libérations conditionnelles du Canada

Commission des libérations conditionnelles du Canada, organismes d’application de la loi

On pourrait utiliser comme sources de données la base de données administrative de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et les bases de données d’organismes d’application de la loi.

Acheminement du cannabis vers d’autres États ou provinces

  • - Quantité de cannabis acheminée illégalement à l’extérieur de l’État ou de la province

Non (certaines études aux États-Unis)

GRC et bases de données des services de police provinciaux

GRC et services de police provinciaux

Des données pourraient exister dans les bases de données de la GRC et des services de police provinciaux, mais elles ne sont pas publiques.

Expédition au moyen de services de colis

  • - Quantité de cannabis expédiée par colis

Non (certaines études aux États-Unis)

GRC et d’autres bases de données relatives à l’application de la loi

GRC et autres organismes d’application de la loi

Des données pourraient exister dans les bases de données de la GRC et d’autres organismes d’application de la loi, mais elles ne sont pas publiques.

Exportation à l’étranger

  • - Quantité de cannabis distribuée illégalement à l’étranger

Non (certaines études aux États-Unis)

GRC et bases de données de l’ASFC

GRC et ASFC

Des données pourraient exister dans les bases de données de la GRC et de l’ASFC, mais elles ne sont pas publiques. Elles sont également publiées ou pas, mais on pourrait les diffuser régulièrement.

Explosions et blessures à la suite de l’extraction

  • - Nombre d’explosions attribuables à une concentration de dérivés de cannabis

Non (certaines études aux États-Unis)

Bases de données relatives à l’application de la loi et des services d’incendie

Services d’incendie et organismes d’application de la loi

Des données existent dans les bases de données de services de police et des services d’incendie, mais elles ne sont pas publiques.

Accidents de la route et conduite avec facultés affaiblies par la drogue

  • - Nombre d’accidents attribuables à la conduite de véhicules sous l’influence du cannabis
  • - Nombre de décès découlant de la conduite de véhicules sous l’influence du cannabis

Oui

ECTAD, bases de données relatives à l’application de la loi et des hôpitaux

Statistique Canada, organismes d’application de la loi, hôpitaux

Des données existent et sont accessibles. Des statistiques devraient être publiées de façon régulière (c.‑à‑d. non pas dans le cadre d’études ponctuelles).

Renseignements relatifs aux tests de dépistage et formation des responsables de l’application de la loi

  • - Taux de fiabilité des tests de dépistage du cannabis aux contrôles routiers
  • - Qualité de la formation en matière d’application de la loi

Oui

Programme à l’étranger de classification et d’évaluation des drogues

Programme de classification et d’évaluation des drogues

Des mesures de dépistage normalisées du cannabis existent. Il faut davantage de recherche sur le plan de l’efficacité de la formation.

Santé publique

Industrie de la marijuana à des fins médicales

  • - Quantité de marijuana à des fins médicales produite
  • - Nombres d’autorisations accordées
  • - Nombre d’ordonnances remplies

En partie

Santé Canada

Santé Canada

Le nombre d’entreprises autorisées est connu. Néanmoins, d’autres paramètres comme les quantités produites et vendues sont absents.

Consommation d’autres drogues licites et illicites

  • - Examen de la relation de causalité entre la consommation de cannabis et la consommation d’autres drogues.

Non (certaines études aux États-Unis)

Principalement, collecte de données primaires

Chercheurs qui collectent des données primaires

L’hypothèse de l’effet d’entraînement n’est pas parfaitement expliquée. Il faut d’autres études.

Surdose

  • - Nombre de surdoses liées à la consommation de cannabis
  • - Nombre de décès liés à la consommation de cannabis

Non

Bases de données d’hôpitaux; ICIS; Programme Canada Vigilance

ICIS; Santé Canada

L’ICIS recueille des données d’hôpitaux pour le Canada. Cependant, les données sur les mortalités et les cas de surdose ne sont pas disponibles.

Visites à la salle d’urgence et admissions aux soins hospitaliers

  • - Nombre de visites à la salle d’urgence liées à la consommation de cannabis
  • - Nombre d’hospitalisations liées à la consommation de cannabis

Oui

Bases de données d’hôpitaux; ICIS; Programme Canada Vigilance

ICIS; Santé Canada

L’ICIS recueille des données d’hôpitaux pour le Canada. Les données sont limitées à quelques données démographiques.

Problèmes de dépendance au cannabis et d’abus de cannabis

  • - Pourcentage de consommateurs qui abusent du cannabis ou qui en dépendent

Oui

ESCC

Statistique Canada

Les données d’enquêtes autoadministrées sont disponibles à l’aide des lignes directrices concernant les abus et la dépendance du DSM-V.

Admissions aux traitements

  • - Nombre d’admissions aux programmes de traitement de la consommation de cannabis

En partie

Programmes de traitement, INT

INT

Très peu de données sont disponibles. Elles ne couvrent pas tous les programmes.

Effets respiratoires liés au fait de fumer du cannabis

  • - Nombre de problèmes respiratoires découlant de la consommation de cannabis

En partie

Bases de données d’hôpitaux, collecte de données primaires

Hôpitaux, ICIS, chercheurs qui recueillent des données primaires

Certaines études ont été réalisées dans ce domaine. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre ce paramètre.

Cancer

  • - Nombre de cas de cancer chez les consommateurs de cannabis

En partie

Bases de données d’hôpitaux, collecte de données primaires

Hôpitaux, ICIS, chercheurs qui recueillent des données primaires

Certaines études ont été réalisées dans ce domaine. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre ce paramètre.

Santé cardiovasculaire

  • - Nombre de troubles cardiaques et cardiovasculaires découlant de la consommation de cannabis

En partie

Bases de données d’hôpitaux, collecte de données primaires

Hôpitaux, ICIS, chercheurs qui recueillent des données primaires

Certaines études ont été réalisées dans ce domaine. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre ce paramètre.

Grossesse et santé génésique

  • - Nombre de femmes enceintes consommant du cannabis
  • - Nombre de problèmes de santé découlant de la consommation de cannabis pendant la grossesse

En partie

ESCC, ECTAD, bases de données d’hôpitaux, collecte de données primaires

Statistique Canada, hôpitaux, ICIS, chercheurs qui recueillent des données primaires

La prévalence de la consommation chez les femmes pendant qu’elles sont en âge de procréer est connue. Des recherches ultérieures ont été effectuées dans ce domaine. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre ce paramètre.

Santé mentale

  • - Nombre de troubles de santé mentale découlant de la consommation de cannabis
  • - Nombre de cas où la consommation de cannabis a entraîné un problème de santé mentale

En partie

Bases de données d’hôpitaux, collecte de données primaires

Hôpitaux, ICIS, chercheurs qui recueillent des données primaires

Certaines études ont été réalisées dans ce domaine. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre ce paramètre.

Performance sportive

  • - Nombre d’athlètes consommant du cannabis

En partie

Base de données de l’AMA

AMA

Certaines statistiques sur la prévalence de consommation sont connues. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre ce paramètre.

Coûts pour les services de santé

  • - Coûts des soins de santé engagés à la suite du traitement de crises épisodiques liées au cannabis

En partie

Base de données de l’ICIS

ICIS

Certaines estimations de coût existent. Il faut d’autres études pour parfaire la méthode et fournir de meilleures estimations.

Enjeux économiques

Valeur de l’électricité utilisée par les installations de culture de la marijuana

  • - Quantité d’électricité consommée
  • - Valeur pécuniaire de l’électricité consommée

En partie

Dossiers de police pour un certain nombre d’installations de culture, relevés des sociétés de services publics d’électricité pour connaître les taux et la consommation

Bases de données de services de police, sociétés de services publics d’électricité

Les études actuelles fournissent des estimations et des extrapolations. Il faut d’autres études pour établir des statistiques fiables.

Origine du cannabis

  • - Pourcentage de cannabis cultivé, obtenu gratuitement, acheté légalement ou illégalement par les consommateurs

De façon très limitée

Dossiers de Santé Canada, GRC

Santé Canada, GRC

On devrait poser dans les enquêtes des questions sur la méthode de consommation. Il faut d’autres études pour comprendre ce paramètre.

Partage et vente du cannabis par les consommateurs

  • - Pourcentage ou quantité de cannabis partagé ou vendu (au prix coûtant ou avec profit) entre consommateurs

Non

Collecte de données primaires, enquêtes

Chercheurs qui collectent des données primaires

Les données ne sont pas recueillies partout. Il faut des études pour comprendre ce paramètre.

Prix

  • - Prix que les consommateurs paient pour obtenir du cannabis

En partie

Priceofweed.com, données d’enquêtes

Priceofweed.com, GRC et autres organismes d’application de la loi

Il existe certains travaux préliminaires. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre la dynamique des prix.

Répercussions économiques de la légalisation

  • - Recettes fiscales se dégageant d’un changement de politiques relatives au cannabis

Non (certaines études aux États-Unis)

Données d’enquêtes, priceofweed.com

Priceofweed.com, GRC et autres organismes d’application de la loi

Il existe certaines études économétriques. Certaines données sont disponibles au Colorado. Il faut beaucoup d’autres études détaillées pour comprendre le paramètre.

Marché immobilier

  • - Changement de la valeur des biens immobiliers dans les États ou provinces où le cannabis est légalisé

Non (certaines études aux États-Unis)

Bases de données sur le marché immobilier et de la SCHL 

Association canadienne de l’immeuble et SCHL

Des données sont disponibles au Colorado. Il faut d’autres études pour comprendre le paramètre.

Incidence sur la productivité

  • - Taux d’absentéisme au travail des employés attribuable à la consommation de cannabis
  • - Augmentation ou diminution de la productivité attribuable à la consommation de cannabis

Certaines études aux États-Unis

Base de données sur les milieux de travail, collecte de données primaires, enquêtes

Statistique Canada, chercheurs qui collectent des données primaires

Certaines études ont été effectuées dans ce domaine, mais elles sont controversées. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre le paramètre.

Conséquences environnementales

  • - Quantité de pesticides, d’engrais et d’herbicides utilisés dans les installations de culture
  • - Quantité de gaz à effet de serre émis par installation de culture

De façon très limitée

Collecte de données primaires, base de données en agriculture

Chercheurs qui recueillent des données primaires, Agriculture et Agroalimentaire Canada

Information très limitée disponible des États‑Unis. Aucune étude scientifique au Canada ni ailleurs. Il faut d’autres études pour comprendre le paramètre.

Technologie associée aux installations de culture

  • - Efficacité de la technologie utilisée dans les installations de culture

Non (certaines études aux États-Unis)

Évaluations indépendantes

Chercheurs et entreprises réalisant des évaluations indépendantes

La Washington State Liquor and Cannabis Board a commandé une série de rapports indépendants.

Enfants et jeunes

Tendances de consommation chez les jeunes

  • - Pourcentage de jeunes consommant du cannabis
  • - Quantité de cannabis consommée par les jeunes

En partie

ECTAD, ESCC et Sondages du CAMH

Statistique Canada, CAMH

Seule la prévalence de la consommation est mesurée. La consommation réelle n’est pas mesurée.

Incidents déclarés par la police impliquant des jeunes

  • - Nombre d’incidents liés au cannabis impliquant des jeunes
  • - Nombre de jeunes accusés

Oui

Programme DUC

Statistique Canada

Données provenant des services de police. Les infractions liées à la possession, à la production et à la distribution ne permettent pas de consigner des renseignements sur les quantités.  

Tribunaux de la jeunesse

  • - Nombre d’affaires liées au cannabis devant les tribunaux de la jeunesse

Oui

Programme DUC et EITJC

Statistique Canada

Données provenant des services de police combinées aux données provenant des tribunaux.

Rendement scolaire

  • - Nombre de jeunes expulsés d’écoles à la suite de la consommation de cannabis
  • - Nombre de cours manqués attribuables à la consommation de cannabis
  • - Changement sur le plan de la réussite scolaire découlant de la consommation de cannabis

Non (certaines études aux États-Unis)

Principalement, collecte de données primaires et données d’enquêtes

Chercheurs qui recueillent des données primaires et enquêtes nationales

Certaines études ont été réalisées dans le domaine, pour la plupart des études statistiques descriptives. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre le paramètre.

Jeunes sans-abri

  • - Nombre de jeunes sans-abri qui consomment du cannabis

En partie

Principalement, collecte de données primaire

ASFC et chercheurs qui recueillent des données primaires

Certaines études ont été réalisées dans le domaine, la plupart des études statistiques descriptives. Il faut beaucoup d’autres études pour comprendre le paramètre.

Notes

  1. 1

    Les termes « cannabis » et « marijuana » sont utilisés de façon interchangeable tout au long du présent rapport. À moins d’avis contraire, les deux termes désignent les plantes Cannabis sativa, Cannabis indica et Cannabis ruderalis, ou leurs plantes hybrides. Dans le cadre du présent rapport, ces termes désignent les parties de ces plantes, habituellement les jeunes fleurs ou les concentrés de résine, qui sont consommés comme une drogue.

  2. 2

    La culture et la production de produits à base de fibres à partir de plants de cannabis à faible teneur en THC, appelés « chanvre », ont été légalisées en tant qu’industrie nationale au Canada en mars 1998, et la consommation de marijuana psychotrope à des fins médicales a été légalisée en juillet 2001.

  3. 3

    Au Canada, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (S.C. 1996, c. 19) définit les infractions liées au cannabis. Le cannabis est une drogue inscrite à l’annexe II de la Loi. Pour un complément d’information, consultez le lien suivant : http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-38.8/.

  4. 4

    Pour obtenir un complément d’information au sujet du programme DUMA, veuillez consulter le lien suivant : http://www.aic.gov.au/about_aic/research_programs/nmp/duma.html.

  5. 5

    Dans le Programme DUC, les infractions réglementaires sont regroupées dans la catégorie « série 6 000 ». Les infractions réglementaires consignées dans le Programme DUC comprennent, entre autres exemples, les infractions en vertu de la Loi sur la faillite, de la Loi sur la marine marchande du Canada et de la Loi sur l’accise. » Les violations commises en vertu de ces lois sont regroupées et présentées chaque année. En d’autres mots, nous pourrions connaître le nombre d’infractions commises au Canada selon, disons, la Loi sur la marine marchande au Canada, mais pas le type d’infractions ou leur degré de gravité.

  6. 6

    Un « bâtiment adjacent » peut être un garage ou une remise. Par exemple, un endroit « à découvert » peut être une zone d’accès public, des parcs, des terrains de jeu et des plans d’eau. (Statistique Canada, 2015).

  7. 7

    À cet égard, une comparaison est souvent établie avec les tendances observées dans le passé relativement à l’instauration de l’interdiction de l’alcool : la production et la consommation d’alcool sont passées de boissons à faible teneur d’alcool (comme la bière et le vin) à des types d’alcool ayant une concentration illégale (comme le gin et le whisky).

  8. 8

    Actuellement les dispensaires de marijuana actuels au Canada sont désignés comme étant des « magasins illégaux de marijuana ». Selon le Règlement sur la marihuana à des fins médicales, en vigueur, seules les personnes ayant un permis de fabrication peuvent distribuer ou vendre de la marijuana directement aux patients en possession d’une ordonnance prescrite par un professionnel de la santé leur permettant d’obtenir la substance à des fins médicales. La marijuana à des fins médicales est distribuée par courrier aux personnes qui détiennent une ordonnance leur permettant d’acheter du cannabis à des fins médicales. Toute activité qui n’est pas prévue par ce cadre de réglementation est actuellement illégale. Il existe 29 producteurs autorisés.

  9. 9

    Des responsables de l’application de la loi ayant subi une formation ont parfois de la difficulté à faire la différence entre les plants de marijuana et le chanvre pendant leurs interventions sur le terrain. À l’occasion, les plants sont saisis et éradiqués sans que leur contenu psychoactif ne soit analysé en laboratoire parce qu’on soupçonne qu’il s’agit de plants de marijuana. Pour avoir un exemple typique de la confusion entre les plants de marijuana et le chanvre, veuillez consulter l’adresse suivante : http://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/sask-rcmp-cut-down-3150-suspected-marijuana-plants-1.3213531 (consultée le 3 septembre 2015).

  10. 10

    Par exemple, si un bourgeon en fleur de grande taille compte pour 50 % d’un plant, mais que les jeunes fleurs d’un autre plant de taille semblable ne représentent que 5 % de la masse du plant, ces plants auraient une valeur marchande très différente pour les producteurs et les vendeurs de marijuana.

  11. 11

    Dans le rapport, il n’est pas dit clairement si les réseaux de crime organisé contrôlent 85 % du commerce du cannabis de la Colombie‑Britannique sur le plan des quantités produites ou de la valeur des profits.

  12. 12

    En 2013, 1 923 personnes au total sont mortes à la suite d’accidents de la route au Canada, soit une baisse par rapport aux 2 076 victimes enregistrées en 2012 (Transports Canada, 2015). Cela représente un taux de mortalité de 0,05 par tranche de 1 000 habitants en 2013.

  13. 13

    Pour de plus amples détails, veuillez consulter l’adresse suivante : http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/medeff/vigilance-fra.php.

  14. 14

    Ici, d’autres drogues illicites comprennent les drogues présentes dans les discothèques, la cocaïne, l’héroïne, les solvants, les médicaments d’ordonnance consommés à des fins non médicales et toute autre drogue illicite (Pearson, 2013).

  15. 15

    On ne sait pas si les consommateurs ont obtenu ou acheté du cannabis directement de Santé Canada ou de producteurs de cannabis autorisés par Santé Canada.

  16. 16

    Les auteurs ont ici adopté la logique de taxation de vices comme l’alcool et le tabac en Australie.

  17. 17

    Les auteurs intègrent dans leurs modèles les coûts des services de police, des tribunaux et des programmes de prévention ainsi que plusieurs incidences financières sur les services de santé découlant d’une transition vers la réglementation du marché du cannabis.

  18. 18

    Les dépenses de l’État du Colorado comprennent les programmes de prévention à l’intention des jeunes, les traitements de la toxicomanie, la santé publique, la surveillance réglementaire, l’application des lois et la sécurité publique ainsi qu’une coordination à l’échelon de l’État (Rocky Mountain, 2014 : 144).

  19. 19

    La BOTEC Analysis Corporation a publié une série de rapports pour le compte de la Washington State Liquor and Cannabis Board dans lesquels elle aborde un certain nombre d’enjeux liés à la technologie associée aux installations de culture légales. Les thèmes couvrent entre autres le coût d’exploitation d’installations de culture, la production estimée, les tests concernant les ingrédients psychoactifs et les recettes générées par les installations de culture légales. On peut consulter ces rapports à l’adresse suivante : http://liq.wa.gov/marijuana/botec_reports (consultée le 4 novembre 2015).

  20. 20

    Les catégories d’âge « adulte », « enfants » et « jeunes » peuvent être définies de diverses manières selon l’enjeu analysé. Au Canada, lorsqu’il est question d’infractions criminelles, les « enfants » sont généralement âgés de 12 ans ou moins, les « jeunes », de 13 à 17 ans et les « adultes », de 18 ans et plus. La recherche en santé publique et la recherche démographique utilisent des catégories semblables. Cependant, l’âge « adulte » que sous-entend la capacité légale d’acheter, de posséder ou de consommer les drogues licites réglementées que sont le tabac et l’alcool peut varier de 16 à 19 ans au Canada. Aux États‑Unis, l’âge légal de la consommation d’alcool est habituellement 21 ans.

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